Sexe et célibataires dans le monde arabe

Malgré les avancées, des tabous –sexe prénuptial, maternité en dehors du mariage, homosexualité, avortement– continuent à prévaloir, formant une culture de la censure appuyée par la loi.

Shereen el Feki

Il y a de cela sept ans, les grands espoirs des révoltes arabes se sont littéralement exprimés dans les graffitis qui couvraient les murs du Caire, Tunis et d’autres villes de toute la région. Tout au long de ces journées palpitantes, la place Tahrir de la capitale égyptienne a été la scène de nombreuses déclarations politiques, bien que peu ont été aussi personnelles que celle du jeune homme qui demandait la fin de la dictature avec une pancarte où l’on pouvait lire : « Dehors ! Je veux me marier ! ».

Le mariage peut sembler une demande étrange s’agissant d’un aspirant révolutionnaire, mais pour les environ 100 millions d’habitants du monde arabe qui ont entre 15 et 29 ans, il constitue un rituel de passage fondamental, et il s’agit en plus du seul contexte où la société accepte la vie sexuelle, tel que le dictent les principales religions de la zone. Tout ce qui sort du mariage célébré avec le consentement de la famille, validé religieusement et enregistré par l’État, est considéré haram[interdit], ilit adab [irrespectueux], ayb [défaut] ou hchouma [honte], tout un lexique presque illimité pour faire référence à la réprobation. Nous nous trouvons face à une citadelle sociale comparable aux forteresses inexpugnables qui étayaient en d’autres temps la terre depuis Marrakech jusqu’à Bagdad, résistant à tous les assauts, à toutes remises en cause des normes sexuelles. La citadelle est entourée d’une vaste extension de tabous – le sexe prénuptial, l’homosexualité, la maternité en dehors du mariage, l’avortement – formant une culture de la censure et du silence, préchée la religion, appuyée par la loi et renforcée par les conventions sociales.

À la différence de ce qui se passe dans de nombreuses sociétés occidentales, dans le monde arabe, le mariage reste toujours l’état le plus désiré par la grande majorité de la population. Il s’agit de la porte vers l’âge adulte, et sans lui il est difficile de quitter la maison paternelle (encore plus pour les femmes) et presque inconcevable de fonder une famille. Le mariage précoce guette les filles pauvres et sans études des zones rurales, surtout celles qui se trouvent dans des circonstances désespérées, telles les réfugiées syriennes qui, dans la pratique, sont vendues clandestinement dans le travail du sexe (dans des opérations déguisées en mariages temporaires) par leurs familles appauvries. Cependant, le mariage à 16 ans et la maternité peu après, normaux il y a seulement une ou deux générations, sont une option en déclin dans la plupart des pays arabes.

À l’extrême opposé du spectre, cependant, de nouveaux problèmes sont en train de se générer. Dans une grande partie de la région, l’âge du mariage est en train d’augmenter, dans certains cas de façon spectaculaire. Au Maroc, en Algérie et en Tunisie, par exemple, les femmes ne se marient pas avant la fin de la vingtaine – en moyenne – et les hommes jusqu’au début de la trentaine. Ce recul est dû en partie à des raisons économiques, étant donné que, dans les économies consuméristes du monde arabe, le mariage est devenu un projet cher. La tradition et la religion dictent que l’homme et sa famille doivent assumer les coûts du mariage, en commençant par la robe de la mariée, mais, en raison des taux de chômage parmi les jeunes au-dessus de 10 % – l’un des principaux détonateurs des révoltes –, les hommes doivent attendre pour se marier. De ce fait, selon le sondage IMAGES MENA effectué récemment auprès d’hommes ayant entre 18 et 59 ans dans quatre pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, plus de 60 % des Égyptiens, des Marocains et des Palestiniens ont déclaré que les coûts du mariage représentaient une charge aussi bien pour eux que pour leurs familles.

En même temps, les importantes avancées dans l’éducation des femmes et leur présence réduite mais de plus en plus nombreuse dans le monde du travail font que l’âge de se marier augmente. En effet, dans de nombreux pays, la panique morale règne au sujet du phénomène ‘anusa, ou célibat, qui touche les femmes ayant fait des études qui ne réussissent pas à trouver un mari et qui restent par conséquent dans leurs maisons dépendantes de leur famille. Le divorce est aussi une source d’inquiétude sociale semblable, en particulier dans les pays riches du Golfe, où règne la crainte d’une vague croissante de désintégration familiale et de la perte de l’identité nationale à cause de l’arrivée massive de travailleurs étrangers dans leurs économies en rapide développement. Cependant, la crainte du fait que la fin du mariage soit arrivée dans le monde arabe est exagérée. Au-delà des gros titres, les statistiques officielles montrent que la majorité des gens se marient et restent mariés, même si maintenant ils attendent plus longtemps pour le faire.

Par conséquent, dans la région, il y a plus de jeunes célibataires que jamais. Il s’agit d’une génération coincée entre la biologie et la sociologie, qui atteint la maturité sexuelle dans un milieu réfractaire à permettre une quelconque autre alternative au sexe au sein du mariage. Étant donné que, parmi une grande partie de la jeunesse, la religiosité est de plus en plus répandue, un nombre indéterminé de jeunes ont recours à des formes alternatives de mariage au sein de l’islam, telles le muta (le mariage temporaire « de plaisir », permis par l’islam chiite) et le urfi (le mariage consuétudinaire, de plus en plus répandu dans les pays à majorité sunnite) dans une tentative d’offrir une couverture religieuse à leurs relations sexuelles, aussi polémique qu’elle puisse être. Cependant, pour la plupart des jeunes, ces unions constituent un dernier recours plutôt qu’une option de vie.

La sexualité de la jeunesse

La réticence officielle à aborder ouvertement ce dilemme culturel et démographique constitue souvent un obstacle aux études sur la sexualité de la jeunesse. Quoi qu’il en soit, tout au long de la dernière décennie, l’augmentation du sida dans la région MENA a offert le prétexte socialement acceptable de la santé publique pour commencer à poser aux jeunes célibataires des questions difficiles au sujet de leurs connaissances, attitudes, conduites et pratiques sexuelles. Toutes les études quantitatives à grande échelle effectuées au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Jordanie, au Liban et en Cisjordanie montrent le même modèle. Plus de la moitié des hommes jeunes déclarent avoir eu une activité sexuelle avant le mariage. En général, ils ont commencé à la moitié ou à la fin de l’adolescence, et depuis lors ils ont eu plusieurs partanaires. Les préservatifs font rarement partie du programme, en grande mesure du fait qu’ils sont populairement associés à la zina, le sexe en dehors du mariage interdit par la religion.

Le pourcentage de femmes jeunes disposées à reconnaître qu’elles ont eu des relations sexuelles prénuptiales est, en général, très inférieur. Pour cause : l’importance octroyée à la virginité féminine. La loi interdit le sexe prénuptial aux hommes et aux femmes – du moins sur le papier – dans la plupart des pays arabes, mais la loi a peu d’influence sur le comportement sexuel des gens où que ce soit. C’est plutôt le patriarcat, avec l’appui du conservatisme religieux, le responsable du deux poids deux mesures généralisé, selon lequel il est attendu que la femme arrive la nuit du mariage avec l’hymen intact, tandis que les hommes qui s’initient avant le mariage sont traités avec une grande indulgence.

Dans la pratique, les différentes communautés de la région considèrent rarement la virginité féminine comme une affaire privée. Au contraire, elle constitue une source de préoccupation collective et elle concerne la réputation de la famille (spécialement dans le cas des hommes). Les nouvelles de plus en plus fréquentes sur des crimes d’honneur – en Jordanie et dans les Territoires palestiniens, par exemple – font partie du spectre de la violence de genre qui couvre la zone. Les sondages nationaux effectués au Maroc et en Tunisie, par exemples, montrent que plus d’un tiers des jeunes femmes ont été victimes de ce genre de violence à un certain moment de leur vie, normalement aux mains de membres de leur famille. Car les familles consacrent une attention et des efforts énormes à préserver cette précieuse partie de l’anatomie féminine, que ce soit à travers l’excision (dans l’idée de « refroidir » l’élan sexuel de la femme) ou à travers des restrictions de l’activité physique et la vie sociale des jeunes filles. De plus, des examens de virginité sont pratiqués, qui incluent aussi bien des coutumes millénaires (comme la dukhla, où le drap nuptial tâché de sang fait foi de la défloration) que des examens médicaux modernes imposés par les familles et même – c’est le cas de l’Égypte postérieur au Printemps arabe – par l’État. Les études montrent que la jeunesse conserve et en même temps subvertisse cette convention en ayant recours au sexe non vaginal ainsi qu’à la réparation de l’hymen.

Le tabou qui entoure la sexualité juvénile est tel que ce n’est pas seulement la fin qui est rejetée, mais aussi ce que l’on considère comme les moyens. Par exemple, il existe une résistance généralisée à l’éducation sexuelle dans les écoles, malgré les nombreuses preuves de l’ignorance aussi bien des enfants que des parents, et la confusion aggravée par la consommation habituelle de pornographie à travers Internet. Les services d’attention à la santé sexuelle et reproductive, y compris la contraception et l’avortement, dirigés aux jeunes célibataires sont tout aussi polémiques.

La pression est encore plus forte pour les hommes et les femmes jeunes qui dépassent la ligne hétéro-normative et maintiennent des relations sexuelles avec des personnes du même sexe ou ceux qui ont une identité de genre différente. Dans la plupart des pays de la région, ces personnes sont victimes des lois qui punissent leurs activités ou même leur aspect, dont l’application (c’est le cas des récentes mesures répressives contre des hommes gays et des femmes transsexuelles en Égypte) est plutôt liée à la Realpolitik qu’à la morale. À cela il faut ajouter la lutte quotidienne contre la stigmatisation sociale, le désespoir de la famille, les tergiversations des médias et la condamnation religieuse. De même que la conversion religieuse est, littéralement, une question de vie ou de mort dans le monde arabe, la plupart des familles juge en général la conversion sexuelle – d’homosexuel à hétérosexuel – non seulement acceptable, mais hautement recommandable. Résultat, les thérapies de réorientation sexuelle sont en plein essor dans de nombreux endroits de la région.

Les pays arabes ne sont pas, loin de là, les seuls du monde à faire face à des conflits à caractère sexuel. On retrouve, par exemple, le mouvement #metoo. Cependant, ils présentent certaines caractéristiques notoires. Le sexe est associé à la honte – surtout dans le cas des femmes –, ce qui en fait un puissant instrument de contrôle social que les gouvernants utilisent avec des effets dévastateurs, que ce soient les viols dans les guerres civiles en Syrie et en Libye, les examens forcés de virginité aux manifestantes par les autorités militaires égyptiennes, ou la sodomisation des prisonniers, l’un des procédés préférés des tortionnaires de toutes les époques. La diversité n’est pas bien perçue dans les dictatures, alors ceux qui ne s’ajustent pas aux normes – qu’elles soient sexuelles, sociales ou d’un autre ordre – sont mal tolérés par la majorité de la population. Il est difficile d’exercer les droits sexuels lorsque les intérêts de la famille s’imposent au choix individuel, l’apparence est plus importante que la réalité dans tous les aspects de la vie, la virginité est définie par une partie de l’anatomie plutôt que par un état de chasteté, et la prostitution se déguise en mariage.

La sexualité dans la littérature classique

Les choses n’ont pas toujours été ainsi. Tout au long d’une grande partie de l’histoire, les cultures araboislamiques ont été célèbres non pas pour leur réticence et leur intolérance sexuelles, mais tout le contraire. Le prophète Mahomet a été l’objet d’une censure particulière de plusieurs générations d’adversaires chrétiens qui voyaient une preuve de son imposture dans ses dispositions sur le mariage et l’extase conjugale, ainsi que dans le flot constant de conseils aux nouveaux musulmans au sujet de questions en tout genre, de la nécessité des préliminaires jusqu’à la tolérance visà- vis du contrôle de la natalité ou la recommandation d’éviter le sexe anal.

Le prophète a été le précurseur d’une longue et illustre tradition littéraire arabe sur le sexe qui regroupe prose, poésie, traités médicaux et manuels de développement personnel. Les auteurs de grand nombre de ces oeuvres étaient des spécialistes croyants qui ne voyaient rien d’incompatible entre les besoins de la chair et les exigences de la foi. Au contraire, il était du devoir de ces sages d’avoir une connaissance aussi exhaustive des pratiques et des problèmes sexuels que des ficelles de l’islam. Playboy, Cosmopolitan, Le plaisir du sexe ou toute autre production transgressive de la révolution sexuelle et ensuite, n’ont ajouté que bien peu de choses à ce dont ces textes parlaient il y a mil ans.

Voyons, par exemple, l’Encyclopédie du plaisir, écrite au X-XIème siècles à Bagdad. Ses 43 chapitres incluent du sexe anal jusqu’à la zoophilie, en passant par presque toutes les positions intermédiaires, qu’elles soient animales, végétales ou minérales. Le message de l’Encyclopédie est clair : le sexe est un don de Dieu à l’humanité pour que nous jouissions de lui. Ars erotica, voilà comment Michel Foucault a désigné ce genre d’oeuvres, face à la scientia sexualis de l’Europe du XIXème siècle et plus tard. Quoi qu’il en soit, la science ne manque pas dans l’Encyclopédieni dans ses héritières à caractère plus clinique, où les anecdotes érotiques se mélangent à la sexologie la plus avancée.

Ces grandes oeuvres de l’érotisme arabe sont passées inaperçues dans une grande partie de la région et, avec elles, la franchise et la liberté au moment de parler non seulement des problèmes du sexe, mais aussi de ses plaisirs, et non seulement vis-à-vis des hommes, mais aussi des femmes. Cette perte se reflète dans le langage. Dans le passé, il existait des dictionnaires arabes entièrement consacrés au sexe qui incluaient toutes les particularités, positions ou préférences. Un lexique du Xème siècle, par exemple, dénombre plus de mil verbes pour l’acte de maintenir des relations sexuelles. Cependant, de nos jours, beaucoup d’arabo-parlants se sentent plus à l’aise en parlant de sexe en anglais, en français ou même en hébreux que dans leur langue maternelle. En l’absence de toute éducation sexuelle formelle, le seul langage dont la plupart des gens disposent est le langage vulgaire de la rue, ce qui représente encore un obstacle pour que les femmes parlent ouvertement de sexe, puisque la honte que leur provoque le sujet se joint à celle que leur produit le vocabulaire.

Ce n’est pas un hasard si l’âge d’or de l’érotisme arabe – entre le IXème et le XIIIème siècle – a coïncidé avec le zénith du pouvoir politique, économique et culturel de la dynastie abbasside. Dans le passé, la confiance et la créativité des civilisations arabes se reflétaient dans leur naturalité relative en matière de vie sexuelle. Le déclin s’est produit au cours des siècles et, comme dans bien d’autres zones du Sud global, il a gagné du terrain avec la colonisation européenne. Son rythme s’est accéléré à partir de la fin des années soixante-dix, et l’essor du fondamentalisme islamique a agi en tant que catalyseur de la restriction généralisée de la façon de voir le sexe et de la diffusion des efforts pour contrôler les rôles de genre et la sexualité.

La sexualité à débat public

“Simplement dit non », voilà la réponse des conservateurs dans le monde entier à toute remise en question des normes sexuelles. Dans le monde arabe, ces tentatives sont taxées de « conspiration » occidentale pour ébranler les valeurs « arabes » et « islamiques ». Cependant, l’histoire nous montre que, même à l’époque de nos parents et grands-parents, il y a eu des moments de plus grande tolérance, pragmatisme et disposition à considérer d’autres points de vue vis-à-vis des questions de la vie sexuelle. Qu’il s’agisse de l’avortement, des préservatifs ou de la question incendiaire de l’homosexualité, les choses ne sont pas blanches ou noires, comme le soutiennent les conservateurs. Sur celles-ci et sur d’autres questions, la religion et la culture offrent au moins 50 nuances de gris.

Avec toutes ses vicissitudes, le Printemps arabe a ouvert un nouvel espace pour que les hommes et les femmes explorent ce spectre. Il y a 10 ans, très peu de femmes parlaient ouvertement du harcèlement sexuel qu’elles avaient subi, et encore moins de viol. Par contre, aujourd’hui, le sujet est objet de débat public et d’action de la société civile. C’est le cas en Égypte, par exemple, où la violence sexuelle abonde dans les rues. Même la maltraitance domestique, si longtemps cachée, a commencé à éclater au grand jour grâce aux récentes études, et une ample réforme de la loi est en cours. L’année dernière, le Liban a mis fin à la fissure légale du mariage avec le violeur qui permettait que les agresseurs échappent au châtiment en se mariant avec leurs victimes, et la Jordanie a rendu des lois sur les crimes d’honneurs plus restrictives. La Tunisie a avancé encore plus sur ce front et elle a approuvé une série de lois sur la violence contre les femmes qui suppose un jalon historique en durcissant les peines pour violence sexuelle contre des mineurs, en imposant le paiement d’indemnisations et le suivi et appui aux survivants, et en reconnaissant explicitement que les hommes et les enfants, aussi bien garçons que filles, peuvent être victimes de viol. Cependant, le fait que la loi existe sur le papier ne signifie pas nécessairement qu’elle soit appliquée dans la pratique, au vu de l’attitude généralisée qui pousse les femmes à souffrir en silence et qui tourne le dos trop fréquemment à celles qui demandent réparation.

Les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important au moment de mettre ces questions en lumière et d’offrir des opportunités sans précédents pour l’expression sexuelle. Nous en retrouvons un bon exemple dans Al Hubb Thaqafa (L’amour est culture), une plateforme pionnière qui permet de parler sans mystères et en arabe d’amour, de sexe et de relations. Cependant, il peut être difficile que la franchise sur Internet se traduise en un changement dans les relations en face à face, comme peuvent en témoigner les milliers de manifestants de toute la zone. Quoi qu’il en soit, dans cette transition, les ONG arabes qui prêtent appui à la population LGBT sont en train d’obtenir des résultats excellents, et depuis le début de cette décennie le nombre de leurs adhérents a doublé (bien qu’il partait d’une très petite base). Au Liban, par exemple, leurs efforts ont contribué à encourager presque 100 candidats aux élections générales de mai à faire campagne en faveur de la dérogation de l’article 534 du Code pénal qui condamne l’homosexualité (plus concrètement, « les relations sexuelles contre nature »), bien que finalement seulement quatre aient été élus à un Parlement dominé par le conservateur Hezbollah.

Beaucoup d’autres initiatives semblables sont en train de prendre racine même dans les terrains les plus arides, dans une tentative, par exemple, pour introduire l’éducation sexuelle dans les écoles, pour améliorer la vie des travailleuses du sexe ou pour aider les mères célibataires à trouver une place dans la société. Les initiatives qui ont rencontré le plus de succès sont conscientes du fait que le changement dans le monde arabe n’arrivera pas à travers l’affrontement – dans le genre torse-nu de FEMEN –, mais à travers la négociation en parallèle avec la religion et la culture. Ainsi donc, il s’agit plus d’une évolution que d’une révolution sexuelle.

Introduire la sexualité dans le débat plus ample sur les droits individuels et les libertés personnelles qui commence à avoir lieu dans la région constitue un facteur clé pour qu’un changement se produise aussi bien dans le domaine politique qu’individuel. Des forces de plus amples dimensions liées à la politique et l’économie, la science et la religion, la culture et la tradition influencent notre vie sexuelle, mais il en est de même à l’inverse : quel est le pouvoir des femmes lorsqu’elles se rendent aux urnes si elles ne contrôlent même pas leur corps ? Comment les jeunes vont-ils gouverner leurs sociétés s’ils ne sont pas familiarisés avec l’information et les services nécessaires pour gouverner leur propre vie sexuelle ? Si les hommes et les femmes ne peuvent pas communiquer et se traiter mutuellement avec respect dans leur chambre à coucher, comment vont-ils travailler en tant qu’égaux dans la salle de conseil ? La sexualité est un reflet des conditions qui ont conduit aux soulèvements dans le monde arabe, et dans les prochaines décennies, elle représentera une mesure des avancées dans les réformes remportées à la force du poignet. Il y a, cependant, du travail à faire pour une génération, au moins.