- Réalité et ‘fake news’ Marc Marginedas
- Quel avenir attend Rohani ? Luciano Zaccara
- L’opposition dans l’arène politique turque Carmen Rodríguez López
- La renaissance de l’Europe Carlos Carnicero Urabayen
Editorial
Les éclosions d’espoir démocratique dans le Sud de la Méditerranée, semées par les printemps arabes, ont dérivé dans de nombreux cas vers la frustration. Tandis que la population civile souffre les conséquences des politiques autoritaires, des déportations, des interminables guerres et des difficultés économiques, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient est devenue l’échiquier des pouvoirs régionaux et internationaux qui, avec le déplacement de leurs pions, aspirent à diriger la région.
Le dernier mouvement a été effectué par l’Arabie saoudite qui a décidé d’imposer un embargo au Qatar, marquant ainsi un tournant dans la politique régionale du Golfe. Avec ce mouvement, l’Arabie saoudite – ainsi que les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte – répriment le mouton noir du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en raison de son appui présumé au terrorisme et aux Frères musulmans en Tunisie et en Égypte, et de ses relations économiques, militaires et énergétiques avec l’Iran, ce que Ryad regarde d’un mauvais oeil craignant un renforcement du dit croissant chiite. Oman et le Koweït, de leur côté, maintiennent une timide neutralité sans remettre en question l’embargo.
Les raisons qui ont conduit à la rupture des relations trouvent leur origine dans le long historique de rivalité entre le Qatar et l’Arabie saoudite depuis la création du CCG en 1981. Un Conseil consacré à la coopération économique et scientifique qui, au jour d’aujourd’hui, est assez obsolète, sans que les pays qui l’intègrent aient réussi à accorder une politique extérieure et de défense commune. Pour l’instant, l’héritier du trône saoudien, récemment élu, Mohammed ben Salmane, fils du roi actuel, qui détient déjà une grande partie du pouvoir, ne semble pas vouloir promouvoir une coopération horizontale dans la Péninsule. Derrière son visage affable et son apparence réformiste, Ben Salmane aspire à étouffer les voix critiques dirigées contre la monarchie saoudienne, comme le démontre son exigence de fermer Al Jazira et Al Arabi Al Jadid comme condition à la levée de l’embargo du Qatar. En plus de favoriser Al Arabiya en tant que média hégémonique dans le monde arabe, l’objectif de cette guerre médiatique entreprise par Ryad est de réussir à discréditer ceux qui critiquent le régime. Avec un discours qui qualifie les dissidents de terroristes, le régime saoudien prétend les faire taire, annuler leurs agendas politiques et, ainsi, légitimer ses politiques régionales. Une technique qui est familière dans le cas de la Syrie, où Bachar al Assad, cherchant un appui international, délégitime les forces rebelles en les qualifiant de terroristes.
Mais c’est là une tactique dangereuse, puisqu’elle tend à représenter islamisme et violence comme deux faces de la même monnaie. En plus d’attiser le feu dans un climat d’islamophobie croissante en Europe, elle ignore la complexité des événements qui ont lieu dans la Méditerranée. Dans de nombreux cas, il s’agit aussi d’un écran de fumée qui nourrit la « guerre contre la terreur » et qui empêche de voir comment certains pays occidentaux justifient ainsi une vente massive d’armes au Moyen- Orient. Selon le dernier rapport du SIPRI, l’Arabie saoudite est le second importateur d’armement, seulement surpassée par l’Inde et devançant la Chine et les EAU, tandis que les États-Unis, la France et la Grande Bretagne figurent parmi les principaux exportateurs vers le Moyen- Orient, considérée comme une des régions les plus conflictuelles et militarisées du monde.
L’actuelle crise dans le Golfe ne repose pas tant sur la remise en question des régimes politiques, mais plutôt sur un bras de fer entre deux camps – dirigés par l’Arabie saoudite et l’Iran respectivement – pour réussir à se placer à la tête et influencer la région, qui s’est accru après la levée des sanctions contre l’Iran.
Comprendre ce complexe échiquier géopolitique requiert des médias plus transparents qui, loin de servir d’instruments au service des gouvernements, devraient offrir les outils adéquats aux lecteurs pour comprendre les différents facteurs économiques, politiques et sociaux qui sont en jeu dans la Méditerranée et qui vont au-delà de la rhétorique ethnico-religieuse sectaire.
Trop d’armes dans une zone trop conflictuelle
Une région relativement petite mais renfermant certains des conflits les plus gelés et les plus virulents. Interférences et interventions militaires. Tensions entre les différents États leaders de la région. Échos d’une série de révolutions populaires, les printemps arabes, qui dans certains cas ont ouvert une fissure dans l’autoritarisme existant et qui, très souvent, ont été écrasées par un nouveau cycle de répression et se sont terminées dans un contexte de nouvelles tensions. Un bilan inquiétant en termes de droits humains. Le tout assorti d’investissements militaires notables et croissants : hausse des dépenses militaires, activisme du commerce des armes, etc. Il existe un schéma très répandu bien que fortement remis en question en termes d’analyses rigoureuses de la sécurité, selon lequel une puissance ou un pays qui prétend le devenir, doit compter sur des capacités militaires robustes. Il est bien évident que l’action des grandes pui...
Lire la suiteFemmes, journalisme et guerre, la discrimination à la maison
Une guerre, c’est la peur. C’est la poussière et la destruction, la mort et la décomposition, le froid et le besoin, les odeurs ataviques et les sensations viscérales qui dominent l’individu de façon autonome, faisant fuir tout indice de raisonnement. Une guerre, c’est la faim, c’est l’incertitude, c’est la douleur avec des majuscules et c’est, encore et encore, la peur. Peur de mourir, peur de vivre. Peur de continuer à perdre. Dans une guerre, personne n’est étranger à ces sentiments. Hommes et femmes, enfants et vieux, civils ou journalistes. C’est sûrement là la raison pour laquelle j’ai rarement senti que l’on m’ait perçue comme une particularité pour être femme journaliste dans une zone de conflit : car la guerre nous rend tous égaux, tous ceux qui la subissons, que nous soyons acteurs ou témoins. Nous sommes tous des êtres humains vulnérables, soumis aux mêmes injustices, aux mêmes carences et aux mêmes impondérables. Il est...
Lire la suiteLe trafic d’armes dans la région MENA
La création d’une ou plusieurs filières d’approvisionnement illégal en armes à feu et en munitions n’est jamais le fruit du hasard. Elle est toujours la conséquence d’un besoin concret sur le terrain, un besoin réel ou ressenti de combattre, de se protéger ou de protéger les siens, ou tout simplement en prévision de futures périodes chaotiques. L’idée reçue, selon laquelle des filières illégales d’armes à feu se constitueraient en raison d’une forte disponibilité en armes à un moment donné et sur des territoires faciles d’accès, est fausse. Sinon la Guyane française vivrait le même sort que le territoire colombien – connaissant déjà le même type de territoire naturel – alors qu’il n’en est rien. Sinon, les zones difficiles d’accès comme les montagnes afghanes ou pakistanaises, seraient épargnées comme les Alpes françaises, alors qu’il n’en est rien. La création d’une filière illicite d’armes à feu et de muniti...
Lire la suite- Dialogue interreligieux contre les extrémismes
- La folle et inefficace course aux armements des monarchies du Golfe Marc Cher-Leparrain
- Vente d’armes dans la région MENA, un commerce sans limites Jesús A. Núñez Villaverde
- Journalisme et guerre
Le pape François, entre l’ombre et la lumière
Avez-vous déjà vu le pape François avec le visage sérieux, la figure tendue, sans un sourire et les yeux réduits à deux fissures sans vie ? C’est là une image insolite du Pontife plutôt assez rare. Au contraire, Jorge Mario Bergoglio est connu pour être le Pape des sourires, de la rencontre, capable d’embrasser et d’offrir des paroles de réconfort et d’espoir pour tous. Cependant, moi, cela m’est arrivé, je l’ai vu ainsi et de près. Ça n’a pas été terrible, ça a été différent. Et non, cela ne s’est pas passé pendant le récent voyage du président des États-Unis, Donald Trump, au Vatican, malgré la froideur qui a entouré la visite au sein des Segrete Stanze. Cela s’est passé il y a quelques années, et avec un autre de ses nombreux « adversaires » – aujourd’hui ils sont encore plus nombreux – dans le monde : le chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan. Ce jour-là je me trouvais à Ankara. Étant donné que je m’occupais...
Lire la suiteFronts médiatiques en Syrie
Cela fait un bon moment que la Syrie est devenue le conflit le plus dangereux du monde pour les journalistes. Les presque sept ans de violence ont transformé ce pays en la scène d’une guerre de plus en plus complexe qui a mis à l’épreuve des médias en crise. Des reporters précarisés, des attaques directes contre la couverture informative, et des agendas médiatiques confrontés à un conflit clairement dynamique, avec des alliances changeantes, que beaucoup de médias occidentaux se sont entêtés à raconter comme un contentieux entre bons et méchants. Une confrontation sans zones grises, simplifiée dans une réduction à deux camps, les rebelles au régime – comme s’il s’agissait d’un bloc homogène – et les loyaux à Bachar al Assad. Et parmi eux, ceux qui se chargeaient de raconter cette guerre, coincés par un cruel black-out d’information, défiés par l’irruption de nouvelles sources et de nouvelles technologies dans la configuration du récit syr...
Lire la suiteLe discours iranien sur la Syrie et la sur la région
Mohammad Marandi est une des personnalités les plus connues du régime iranien dans le monde, ou du moins à la télévision à l’étranger, étant données ses constantes apparitions sur les principales chaînes de télévision. Tout d’abord parce qu’il parle anglais, langue qu’il a appris dans son enfance aux États-Unis, où il est né. Deuxièmement car il s’agit de l’une des personnes au sein du système iranien qui est disposée à débattre au sujet de la réalité du pays, en particulier des relations avec ses voisins. Marandi, professeur de Littérature anglaise à l’Université de Téhéran, a aussi été directeur du département d’Études du Monde de ce même centre. Il s’agit de l’un des spécialistes locaux en politique internationale ayant le plus de contact avec des pays tels que le Liban ou la Syrie où il se rend fréquemment pour donner des cours de politique internationale. Ses voyages et ses liens avec ceux qui profilent la politique étra...
Lire la suite