Guerre en Ukraine : impact sur la Méditerranée du sud

n.66

Éditorial

Faire de la nécessité vertu

Depuis l’attaque de la Russie contre l’Ukraine en février, l’onde de choc a été ressentie dans le monde entier, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Accablée par les conséquences de la pandémie, la région est désormais confrontée à une crise économique, énergétique et alimentaire sans précédent, qui pourrait entraîner des troubles sociaux à la frontière sud d’une Europe préoccupée – légitimement, mais trop exclusivement – par son flanc oriental, l’inflation et l’approvisionnement énergétique.

La guerre en Ukraine a mis en lumière les différences entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. En Occident, nous commettons souvent l’erreur de croire que tout le monde pense comme nous. Toutefois, l’ambiguïté des gouvernements du Sud dans leur soutien à l’Ukraine et à l’Occident face à la Russie, ainsi que les opinions publiques tendant à rendre l’Europe et l’OTAN (voir les USA) responsables de cette guerre, ont démenti cette perception et mis en évidence l’influence russe dans la région. Cela attise le sentiment antioccidental, en soulignant les responsabilités de l’Occident dans les maux qui affligent la région. Telle est la situation actuelle ; il reste à voir si, le conflit se prolongeant, comme cela semble probable, la présence russe peut être maintenue ou diminuée.

Sur le plan géopolitique, la guerre pourrait chroniciser encore plus les conflits régionaux déjà enlisés – Yémen, Syrie, Libye et même Soudan – où, profitant du manque d’initiative de l’UE et du retrait des États-Unis, la Russie a joué un rôle politique et militaire clé ces dernières années. Il en est de même en Iran. Poussés par des intérêts communs face aux sanctions occidentales, Moscou et Téhéran ont renforcé leurs relations stratégiques, mettant en péril les timides progrès des négociations de l’accord nucléaire. D’autre part, le flanc sud, où la Russie cherche à étendre son influence, a été reconnu pour la première fois comme une source « de conflit, de fragilité et d’instabilité » dans le nouveau Concept stratégique de l’OTAN.

Face à la possibilité de l’interruption de l’approvisionnement en gaz par la Russie – la fermeture du gazoduc Nord Stream est un signe de ce qui pourrait se passer à l’automne prochain – les pays du Sud de la Méditerranée sont dans une position avantageuse pour couvrir au moins une partie des besoins énergétiques de l’Europe. Cette situation pourrait donner carte blanche et renforcer les autoritarismes dans le Sud, au moment même où le risque de troubles sociaux est élevé. En même temps, dans un scénario aussi complexe, les défis et les intérêts communs du Nord et du Sud de la Méditerranée peuvent aider à reconstruire la confiance mutuelle.

Face au risque de voir les relations de partenariat euroméditerranéen passer au second plan dans les priorités de l’UE et se concentrer uniquement sur le contrôle des migrations, la sécurité ou la lutte contre le terrorisme, l’Europe doit retrouver sa position d’acteur clé et réorienter positivement ses politiques vers le Sud de la Méditerranée. En ce sens, l’UE doit déployer activement et mieux doter en ressources le nouvel Agenda pour la Méditerranée adopté en 2021, transformer les défis communs actuels en opportunités et œuvrer dans l’intérêt mutuel de l’UE et de ses voisins et partenaires méditerranéens. Cela peut être un tournant pour faire de nécessité vertu.

Il est impératif de renouer avec l’opinion publique du Sud, de soutenir les demandes de la société civile et de surmonter les accusations de « deux poids, deux mesures ». De nouvelles voies de coopération doivent être explorées pour gagner le soutien des sociétés des deux rives, en particulier des jeunes. Le Partenariat euroméditerranéen et la PEV doivent donner un élan décisif à la modernisation et à la croissance économique, en donnant la priorité à la création d’emplois et aux politiques sociales. Les énergies renouvelables et l’économie verte, entre autres, font partie des secteurs dans lesquels il faut investir. La reconfiguration des chaînes de valeur du commerce international et des investissements industriels constitue une grande opportunité.

Nous nous trouvons donc à un moment clé de la réorganisation du cadre géopolitique régional. L’Europe a besoin d’un Maghreb intégré et stable dans un monde arabe stable et en croissance. Pour y parvenir, l’Europe doit être à la hauteur de son rôle et constituer un point de référence pour les pays du Sud, comme elle l’a été pour l’Europe de l’Est. S’il n’en est pas ainsi, elle sera la grande perdante./

Entretien

Grand Angulaire

Idées politiques

Tendances économiques

Dialogues

Publications

Revue de presse

Le régime tunisien, la guerre en Ukraine et la politique étrangère espagnole, sujets de la revue de presse (Télécharger)

Avec la collaboration de

Autres numéros