Femme et changement social dans le monde arabe

n.65

Editorial

Le Sáhara dans le labyrinthe

Si les deux premières décennies du XXIème siècle ont été celles des nouveaux conflits dans le monde arabe, celle-ci semble confirmer la tendance à la résurgence des « conflits enlisés » en Méditerranée. Le Sahara occidental, où l’Espagne joue sans doute un rôle de premier plan, est une « patate chaude » dont on ne parlait guère et dans laquelle le statu quo préservait un équilibre fragile entre les parties et les pays concernés.

Il n’a jamais été facile pour l’Espagne de naviguer sur les sables mouvants du Sahara, où son empreinte coloniale fait appel à une responsabilité envers la population sahraouie. Ainsi, les partis politiques espagnols ont varié leurs positions en fonction des postes occupés : plus pro-sahraouis dans l’opposition, plus pro-marocains lorsqu’ils sont au gouvernement. Dans ce délicat va-etvient, l’Espagne était tiraillée entre l’indispensable complicité et relation avec le Maroc et l’indiscutable relation énergétique avec l’Algérie. Alors qu’avec le premier, les liens étaient plus intenses et marqués par le passé colonial, avec l’Algérie, la relation a été moins complexe et moins ressentie, mais tout aussi nécessaire.

La position ambivalente et protectrice sous l’égide des Nations unies avait permis à l’Espagne d’esquiver les turbulences, non sans quelques frayeurs. De la guerre des Sables en 1963-64, en passant par les affrontements militaires entre le Maroc et le Polisario, jusqu’à la fermeture des frontières entre le Maroc et l’Algérie en 1994, la situation au Sahara était restée largement inchangée jusqu’à l’automne 2020.

Sous la direction de James Baker III, 2003 a été le moment le plus prometteur depuis des décennies, mais l’impossibilité de progresser face au blocus des parties a fait que les efforts des Nations unies, officiellement responsables de l’avenir du Sahara occidental, soient relégués au maintien de la MINURSO. Peu après, le Maroc a lancé son initiative de plan d’autonomie, une proposition qui, sur le papier, semblait être un moyen pratique de résoudre un problème que tout le monde semblait vouloir éviter. Cependant, la crédibilité du plan a été remise en question, car la promesse émanait d’un gouvernement dont le crédit démocratique restait à prouver. Et cela reste un des principaux écueils : quelle serait l’autonomie de cette autonomie ? Dans quelle mesure une autonomie, gérée à partir d’un centre de pouvoir encore très centralisé et dans le cadre d’une transition démocratique qui hésite à déboucher sur une démocratie pleine, serait-elle capable de répondre aux demandes des Sahraouis ?

À vrai dire, la communauté internationale s’est révélée incapable de gérer bon nombre des conflits en cours, et lorsque les solutions n’arrivent pas, la réalité sur le terrain change et prend le dessus. L’administration Trump a dicté, à sa manière et pour ses raisons, sa propre solution pour le Sahara et a ouvert la voie à un pragmatisme que d’autres pays avaient déjà initié, comme la France, ou ont ensuite adopté, comme l’Allemagne et maintenant l’Espagne. Le statu quo ne favorise pas les milliers de réfugiés qui, génération après génération, voient leur avenir prisonnier de la hamada, mais s’écarter du cadre de la légalité internationale ne leur offre pas non plus les garanties d’un avenir meilleur.

Il est indiscutable que le « matelas d’intérêts » entre l’Espagne et le Maroc pèse lourd et que la rupture des relations bilatérales était intenable. La nécessaire coopération en matière de contrôle des frontières, l’érosion progressive du droit international et des mécanismes internationaux de résolution des conflits ont permis de faire pencher la balance vers la promesse d’autonomie. Il conviendrait toutefois de veiller à ce que l’autonomie promise ne soit pas un chant de sirène, dans un contexte où la transition vers la démocratie est un chemin que l’on parcourt, mais qui ne semble pas atteindre sa destination. Il est certainement trop tôt pour mesurer les conséquences – ou même pour analyser les incitations – du geste de soutien du gouvernement espagnol au plan d’autonomie. Il semble également difficile d’envisager un retour en arrière. Il est donc plus crucial que jamais que l’Espagne – et l’Union européenne – accompagnent le Maroc dans ce passage. Non seulement pour le bien des relations de voisinage, non seulement pour le bien des Marocains, mais surtout du fait de sa responsabilité envers la population sahraouie, à laquelle elle doit répondre d’une manière ou d’une autre./

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