Les politiques industrielles au Maghreb

Une conséquence de l’ouverture extérieure des années quatre-vingt fut l’abandon des politiques industrielles, sans adoption de stratégies alternatives

Fatiha Talahite

Comme dans beaucoup d’autres pays en développement, la politique de substitution aux importations adoptée au Maghreb dans les annés soixante et soixante-dix, si elle a pu permettre un certain rattrapage dans le secteur manufacturier, sous l’impulsion de la demande interne et grâce à une protection douanière élevée, a mené à des rigidités structurelles des balances des paiements. Paradoxalement, les pays où elle a donné des résultats sont ceux où elle a été associée à des stratégies sectorielles de compétitivité et de conquête des marchés extérieurs. Cela fut possible tant que les pays industrialisés, soucieux d’abord de consolider le libre-échange entre eux à travers le GATT, toléraient le protectionnisme dans le tiers monde. Mais, avec la concurrence nouvelle des pays émergents, ces règles ont été élargies aux pays en développement, invités à rejoindre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à sa création en 1994.

Au Maghreb, le contexte institutionnel, l’héritage historique et les choix de politique de développement n’ont pas favorisé très tôt cette ouverture. Ainsi, au moment où ces pays entreprirent de conquérir les marchés extérieurs, les pressions pour l’ouverture de leurs propres marchés étaient bien plus fortes qu’elles ne le furent en leur temps pour les nouveaux pays industrialisés d’Amérique latine et d’Asie. Elles sont devenues aujourd’hui incontournables.

En Algérie et en Tunisie, il y a eu un projet volontariste de modernisation autoritaire dans lequel l’industrialisation était une pièce maîtresse, tandis qu’au Maroc, ce processus a été longtemps retardé par le souci de maintenir les équilibres traditionnels sur lesquels était assis le système politique. Cela s’est traduit notamment par un retard dans la scolarisation, dont le pays a pâti lorsqu’il a voulu attirer les IDE. L’Algérie est le pays qui est allé le plus loin dans l’étatisation du secteur industriel. Dans les trois pays, la liberté d’entreprendre, si elle existait, était surtout formelle, les entrepreneurs étant soumis au poids de l’administration et d’un système clientéliste : Makhzen au Maroc, parti unique en Algérie et en Tunisie.

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