Déconstruire l’orientalisme 

Passé-présent, anticolonialisme-modernisme, Orient-Occident, voilà des binaires présents dans le cinéma arabe, qui se débat entre assimilation et rejet des messages orientalistes.

Viola Shafik

Halfaouine, l’enfant des terrasses (traduction littérale « l’oiseau sur le toit », 1989), du réalisateur tunisien Férid Boughédir, a été l’un des premiers films arabes qui ont été projetés en France et qui sont entrés dans le circuit de distribution du cinéma d’auteur européen. Jusqu’alors, les sorties en salles s’étaient réduites principalement en France, à des productions ou à des coproductions françaises de quelques célèbres réalisateurs comme le libanais Maroun Baghdadi ou l’égyptien de l’Orient arabe Youssef Chahine, et d’un nombre important de réalisateurs des pays du Maghreb (Tunisie, Algérie et Maroc), comme Merzak Allouache ou Mohammed Lakhdar-Hamina. Par ailleurs, jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, on ne voyait que très rarement des longs métrages arabes dans les plus prestigieux festivals de cinéma et encore moins remporter des prix comme par exemple La Momie (1969) à Venise, Le Vent des Aurès (1966) et Chronique des années de braise (1974) à Cannes ou Alexandrie pourquoi? (1979) à Berlin.

Que s’est-il donc passé avec Halfaouine ? La stratégie de financement et de marketing d’Ahmed Attia, le producteur, a certainement beaucoup à voir. Il avait fondé une société en France grâce à laquelle il pouvait accéder au marché européen et aux opportunités de financement du pays. Par ailleurs le film avait une composante de spectacularité. Le cinéaste avait en effet osé montrer des femmes nues pour la première fois dans le cinéma tunisien. Pour cela et pour d’autres raisons, le film s’adaptait assez facilement à la lecture européenne que je percevais, à ce moment-là, comme ayant un certain degré d’auto-orientalisation ou, pour être plus exact, présentant des symboles étroitement liés au discours orientaliste.

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