Co-edition with Fundación Análisis de Política Exterior
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Breve historia del conflicto entre Israel y Palestina

Cristina Mas
Periodista, Ara

Breve historia del conflicto entre Israel y Palestina.
Ilan Pappé
Capitán Swing, 2025. 136 pág.

« Ce n’est pas un conflit compliqué. Ce qui est compliqué, c’est de trouver une solution. » Une idée qui, comme toute l’oeuvre de l’historien israélien Ilan Pappé, prend le contre-pied du récit dominant. Pappé est l’un des principaux représentants de la génération dite des « nouveaux historiens » qui, dans les années 1980, lorsque les archives britanniques, américaines et israéliennes sont déclassifiées, commencent à raconter l’histoire d’Israël d’un autre point de vue – confirmant, documents à l’appui, l’expérience vécue du peuple palestinien. Ce récit brisera les mythes qui entouraient la fondation d’Israël – ces mythes qui sont encore invoqués . Pappé a consacré sa vie à les déconstruire, ce qui lui a attiré des actes de répression. Car la bataille autour du récit n’est jamais un enjeu secondaire, et dans le cas de la colonisation de la Palestine, elle l’est encore moins. Ce livre s’inscrit avant tout dans une démarche de vulgarisation : c’est un travail court et clair qui passe en revue les concepts clé de son oeuvre et qui met en perspective historique le génocide à Gaza.

Le concept de colonialisme de peuplement est central dans son analyse. Depuis le XVIème ou XVIIème siècle, certains groupes en Europe étaient discriminés pour des raisons religieuses, économiques, ethniques ou culturelles. Cette discrimination les a poussés à chercher un endroit pour recréer une nouvelle Europe. Les empires les ont aidés à coloniser d’autres lieux (où vivaient d’autres personnes), parce qu’ils voulaient s’étendre. Cependant, à la fin, les colons, qui étaient des Européens que l’Europe ne voulait pas, ont développé leur propre identité nationale et ont voulu cesser de faire partie des vieux empires. C’est ce qui s’est passé avec la guerre d’indépendance des États- Unis ou la guerre entre les colons blancs d’Afrique du Sud et l’Empire britannique. Dans le colonialisme classique, les colons envoyés par l’empire rentrent chez eux lorsque la puissance coloniale s’effondre, alors que dans le colonialisme de peuplement, les colons n’ont pas de maison où « revenir ». Leur objectif n’est pas d’exploiter ou de profiter de la population autochtone ou de ses ressources, mais de l’éliminer. En Amérique ou en Australie, ce colonialisme a fini par exterminer les populations indigènes. Dans d’autres endroits, des systèmes d’apartheid ont été imposés. En Palestine, il s’agissait d’une épuration ethnique. En Algérie, le projet colonial a été vaincu. Quoi qu’il en soit, la raison principale du conflit doit être recherchée en Europe. Et dans le cas de la Palestine, l’Europe a décidé que la meilleure façon de faire face à l’antisémitisme était de construire un État juif, au coeur du monde arabe, contre la volonté du peuple palestinien. Pour y parvenir, la force était nécessaire, et pour le maintenir, la force l’était tout autant. C’est ainsi que nous en sommes arrivés jusqu’à aujourd’hui.

Ainsi, il ne s’agit pas d’un conflit entre deux peuples, mais, selon la vision de Pappé, d’un projet colonial initié en Europe par le sionisme avec le soutien des puissances impériales, d’abord la Grande-Bretagne, puis les États-Unis. Et c’est pourquoi le déplacement forcé des Palestiniens – il existe une continuité historique entre la Nakba de 1948, l’établissement d’un régime d’apartheid avec l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie en 1967 et le génocide à Gaza – ne saurait être considéré comme un dommage collatéral, mais comme le résultat du plan du sionisme de construire un État aussi ethniquement pur que cela lui serait possible. L’objectif a toujours été de contrôler le maximum de territoire palestinien tout en limitant au minimum la présence des Palestiniens.

Une autre idée clé dans l’oeuvre de Pappé, qui déconstruit l’un des grands mythes du sionisme, est que la Palestine ne possédait pas d’identité nationale propre avant 1948 – l’idée de la « terre vide » promise à un « peuple sans terre ». Il conteste aussi la notion selon laquelle la racine du conflit est religieuse – musulmans contre juifs –, en rappelant le rôle clé que les chrétiens palestiniens ont joué dans le mouvement de libération nationale.

Ce livre a le mérite de populariser des idées qui sortent du cadre académique. Cette histoire n’a pas commencé avec les attaques du Hamas du 7-O (en fait, le livre a été publié en 2022), ni en 1967 avec la guerre des Six Jours, ni même en 1948 avec la proclamation de l’État d’Israël ou avec le mandat britannique établi après la défaite de l’Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale. Les racines de cette histoire plongent dans une Europe coloniale et marquée par le suprémacisme. Et, fidèle à son titre, ce livre, bien que concis, est riche en contenu et a la capacité de synthétiser une vision globale des forces historiques qui ont attisé les flammes, entretenu les braises et dispersé les cendres dans ce recoin du bassin méditerranéen.

Cristina Mas, journaliste, Ara

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