Co-edition with Fundación Análisis de Política Exterior
Ideas políticas

L’importance stratégique de la mer Rouge

Federico Donelli
Professeur associé de Relations internationales à l’Université de Trieste (Italie). Il est l’auteur de plusieurs articles et ouvrages, dont Turkey in Africa. Turkey’s strategic involvement in sub-Saharan Africa (Bloomsbury, 2021).

 Les attaques des Houthis à la suite de l’offensive israé­lienne à Gaza et la signature du protocole d’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland ne sont que deux des récents événements politiques qui ont encore accru l’im­portance internationale de la mer Rouge. Voie de transit vitale pour le commerce maritime et les lignes de commu­nication maritimes, la mer Rouge est située au carrefour de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Elle représente un point nodal de l’initiative chinoise connue sous le nom de Belt and Road Initiative (BRI) ou nouvelle route de la soie. Ces facteurs expliquent l’inté­rêt croissant des acteurs extrarégionaux qui cherchent à exercer une influence dans la zone. Cependant, ils ne sont pas les seuls. Avec une population de près de 450 millions d’habitants, la région dispose d’importantes res­sources qui dépassent les frontières nationales. En outre, la zone de la mer Rouge est une source essentielle de pro­duits de base, ce qui souligne encore plus son importance économique, et présente un potentiel significatif pour la transition énergétique de l’Europe, dans la mesure où elle fournit des matières premières essentielles telles que l’aluminium, le cuivre, le phosphore et l’ammoniac.

Dans ce contexte, les acteurs régionaux et extra­régionaux sont confrontés à des défis communs. Tous sont soumis aux vulnérabilités présentées par les dé­troits de Bab el Mandeb et du canal de Suez. En outre, les attaques de pirates menacent la sécurité des routes maritimes. Mais ils doivent aussi faire face à d’autres défis communs, entre autres la prolifération d’activités criminelles telles que la contrebande de khat, de char­bon, d’armes et de drogues, ainsi que la lutte contre le trafic d’êtres humains et la pêche illégale. L’importance géoéconomique de la mer Rouge en fait un complexe sécuritaire impliquant des acteurs locaux et divers ac­teurs internationaux. Nombre d’entre eux considèrent la région comme une porte d’entrée vers l’Indo-Paci­fique via le transit du golfe d’Aden. L’existence d’inté­rêts communs entre de nombreux acteurs a favorisé la coopération et, plus important encore, la stabilité.

Cependant, le scénario de la mer Rouge dépasse sa dimension maritime. La dimension terrestre, contrai­rement à la dimension maritime, est marquée par une grande instabilité. La présence d’États faibles ou défail­lants, de conflits intra et interétatiques, de personnes dé­placées et de crises humanitaires cycliques fait des pays bordant la mer Rouge un foyer permanent d’instabilité régionale. Pourtant, tout se passe comme si ces deux di­mensions n’étaient pas liées. La dernière décennie a vu se succéder des crises – du Yémen à l’Éthiopie, de la Soma­lie au Soudan –, dans lesquelles la dimension maritime a rarement été impliquée. Cette discontinuité entre le ma­ritime et le côtier est donc une caractéristique structu­relle de la mer Rouge. Ce n’est que récemment, à la suite de l’attaque israélienne contre Gaza, que les attaques des Houthis ont affecté la dimension maritime.

Lire l’integralité de l’article

Ideas políticas

Autres numéros