L’Union pour la Méditerranée : un cadre approprié pour une ambition mesurée
Le projet de l’UPM a connu depuis son lancement en 2008, des fortunes diverses puisqu’il est passé de l’ambitieux statut de substitut au processus de Barcelone à celui de simple initiative s’inscrivant dans le cadre de ce même processus.
En effet, dans sa démarche originelle le projet de l’Union méditerranéenne, ne cachait pas son ambition de s’imposer comme le nouveau cadre de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée en lieu et place du processus de Barcelone
La dynamique que devait générer l’UPM a été ralentie, voire arrêtée, par les conséquences de la grave crise financière qu’a connue le monde et, en particulier, le continent européen ces dernières années et qui a rendu encore plus problématique la recherche de financements pour les projets structurants dont l’UPM s’est faite le porteur, alors même que les modalités de financement des projets ne brillaient déjà pas par leur clarté.
L’UPM a aussi subi les effets des mutations politiques observées dans certains pays arabes à la faveur de ce qui a été appelé − non sans précipitation − « Le printemps arabe », mutations qui ont amené au pouvoir de nouvelles élites dirigeantes qu’il a bien fallu sensibiliser au projet et convaincre de sa viabilité.
C’est dire que l’UPM a souffert, dès sa naissance, d’un environnement hostile qui est venue se greffer à des déficiences d’ordre institutionnel manifestes.
Conçue à l’origine comme une structure légère et réactive, le secrétariat de l’UPM a progressivement pris la forme d’une machine bureaucratique sous le jeu des luttes d’influences, comme l’illustre le processus rocambolesque ayant conduit à l’inflation du nombre de secrétaires généraux adjoints et le turn over impressionnant des secrétaires généraux.
Il est utile de rappeler, qu’originellement, le président Sarkozy, initiateur du projet, l’avait présenté comme porteur d’une grande ambition politique pour les pays riverains de la Méditerranée seulement, avant d’être contraint de le fondre dans une vision plus large et de l’élargir à tous les pays membres de l’Union européenne.
Aussi, convient-il aujourd’hui de s’interroger sur ce que l’UPM ne peut être, à l’évidence, et sur ce qu’elle peut apporter à ce paysage euro-méditerranéen, marqué par une sédimentation des initiatives depuis la déclaration de Barcelone de 1995.
À partir de cette date, le cadre de la coopération méditerranéenne est gouverné par divers instruments, en l’occurrence les Accords d’association, la politique européenne de voisinage, rénovée en 2012, et l’UPM.
Articuler ces différents cadres et leur donner une cohérence d’ensemble n’est pas chose aisée même s’ils ont en partage un objectif commun, réaffirmé à l’occasion du sommet de Paris : « Faire de la Méditerranée un espace de paix, de démocratie, de coopération, de prospérité et de compréhension humaine sociale et culturelle. »
À son lancement, l’UPM a soulevé un sentiment d’espoir et une forte attente avant de laisser place au scepticisme et aux désillusions.
Les effets d’annonce précipités, le manque de rigueur dans l’ingénierie, notamment en ce qui concerne le volet financier, ont été pour beaucoup dans ce changement d’état d’esprit.
Devant un tel constat, l’UPM apparaît bien en mal de pouvoir dynamiser un partenariat euro-méditerranéen qui souffre toujours de ses péchés originaux et sur lesquels l’UPM n’a aucune prise.
Si le processus de Barcelone n’a pas totalement répondu aux attentes, c’est notamment parce que la situation au Moyen-Orient a constitué un frein au développement du partenariat.
Si le processus de Barcelone a engendré des déceptions, c’est parce qu’il ne s’est pas doté des attributs d’un véritable partenariat, particulièrement dans sa dimension humaine, se contentant le plus souvent d’être une simple zone de libre-échange sur le plan bilatéral.
Malgré tous ces handicaps, et alors que nous étions nombreux à penser que l’UPM allait mourir de sa plus belle mort après le départ de son principal concepteur, en l’occurrence le Président Sarkozy, l’UPM est toujours là avec un secrétariat qui donne des signes de vitalité et un engagement renouvelé de la diplomatie française en faveur de ce projet, ainsi que l’a souligné le président François Hollande lors de la dernière conférence des ambassadeurs en France.
Je crois qu’il y a lieu de se réjouir de cette continuité et de saisir cette opportunité pour apporter la clarté dans la vision qui a manqué, dès le départ, à cette initiative.
Il semble important, à cette étape charnière, de redimensionner l’ambition accolée à l’UPM et de la doter d’un cadre institutionnel à même de lui garantir un surplus d’efficience.
Présentée au départ comme le temple de l’intergouvernemental, l’UPM se doit de se fondre dans le modèle communautaire dans lequel le service européen d’Action extérieure doit reprendre tous ses droits.
Le fait que l’Union européenne assume la coprésidence (actuellement avec la Jordanie) de l’UPM constitue un gage pour la pérennité de l’initiative et une garantie de son intégration au sein de l’architecture institutionnel du partenariat euro-méditerranéen.
En effet, il ne semble pas opportun que le processus de Barcelone se transforme en une sorte de placard à tiroirs dans lequel chaque tiroir répondrait à une logique institutionnelle différente pour ne pas dire contradictoire.
Par ailleurs, il paraît plus que judicieux que l’UPM ait ancrée dans son fonctionnement le principe de la « géométrie variable », qui permet aux États de réaliser les projets avec les partenaires de leur choix.
Cette option ne résulte pas d’une logique d’exclusion, combien même celle-ci serait justifiée dans certains cas, pour ne pas dire dans un cas certain, mais constitue la meilleure garantie contre les impasses et les échecs.
L’UPM se doit de se regarder comme elle est et de donner à son ambition une dimension pragmatique et réaliste en valorisant ses atouts et en étant consciente de ses handicaps.
Au nombre des atouts, faut-il rappeler que l’UPM représente une population de 800 millions de personnes qui totalise un produit intérieur brut de 15 000 milliards d’euros ?
Parmi les handicaps, force est de reconnaître qu’un ensemble regroupant 43 pays est, par définition, un ensemble disparate devant générer en son sein des mécanismes pour gérer les contradictions et les antagonismes.
À ce titre, la « géométrie variable » était, et reste toujours, la seule approche possible pour impulser la coopération régionale, qui constitue son champ d’intervention puisque l’UPM s’interdit d’interférer dans l’approche bilatérale.
Ce que ne peut être l’UPM :
A – L’UPM ne peut être un projet politique intégrateur en Méditerranée :
Dans sa première ébauche, formulée à l’occasion de la campagne présidentielle française de 2007 par le candidat Nicolas Sarkozy lors d’un discours prononcé à Toulon, le projet de l’Union méditerranéenne a pris la forme d’un grand dessein politique à même de constituer un nouveau cadre de coopération entre les pays riverains de la Méditerranée.
Cette vision a été formalisée lors de l’appel de Rome de décembre 2007 réunissant au plus haut niveau les dirigeants français, espagnols et italiens.
Cette vision a avorté devant les réserves et les réticences, principalement allemandes, pour aboutir à un compromis lors du sommet franco-allemand de Hanovre du 3 mars 2008, validé par le Conseil européen du 13 mars 2008.
Sur le plan de l’appellation, l’Union méditerranéenne est devenue l’Union pour la Méditerranée et a été formellement intégrée au processus de Barcelone, comme l’atteste la nouvelle formulation retenue pour le projet, en l’occurrence l’Union pour la Méditerranée : processus de Barcelone.
Nonobstant les réserves allemandes, l’approche initiale de l’Union méditerranéenne portait en elle les péchés originaux qui ont été la cause des pesanteurs du processus de Barcelone :
– La transposition inévitable dans le nouveau cadre du conflit du Moyen-Orient qui a, de tout temps, constitué un facteur de blocage du processus euro-méditerranéen.
Ceci est d’autant plus vrai que le projet de l’Union méditerranéenne a été perçu par les pays arabes comme une manœuvre visant à normaliser les relations entre ces pays et Israël.
En effet, l’Union méditerranéenne est apparue, de prime à bord, comme une démarche inclusive permettant de fondre cette normalisation dans un cadre multilatéral et sous couvert de projets économiques structurants.
Ce constat a éveillé au sein des opinions publiques, mais également à l’intérieur des cercles de décisions dans les pays arabes, beaucoup de méfiance, de peur de cautionner un processus de « normalisation rampante ».
Cette méfiance et le scepticisme qui l’accompagne sont toujours de mise, même si la démarche pragmatique, qui semble prévaloir aujourd’hui, notamment au sein du Secrétariat, a contribué à lever quelque peu les réserves.
– La persistance au sein de la partie européenne d’une démarche fondant le partenariat avec les pays du Sud sur une logique de gestion et d’endiguement du risque plutôt que sur un véritable esprit de coopération.
Au nord de la Méditerranée, la rive sud est de plus en plus perçue comme une zone porteuse de menaces et de dangers. Un tel constat a poussé les pays européens à mettre l’accent, dans leurs relations avec les pays du Sud de la Méditerranée, sur les sujets de la sécurité et du contrôle de la migration comme en témoigne, à titre d’illustration, l’attachement des pays européens à la signature des accords de réadmission et aux politiques de plus en plus restrictives en matière de délivrance de visas.
La montée de la xénophobie et de l’intolérance et la vulgarisation des idées de la droite extrême sur la rive nord, conjuguées au repli identitaire observé sur la rive sud, plaident en faveur d’une exacerbation de cette tendance.
– Les interrogations que soulèvent l’évolution de certains pays de la rive sud de la Méditerranée qui ont connu, et qui continuent à connaître, des bouleversements dans le cadre de ce qui est communément appelé « le printemps arabe » et qui laisse peser beaucoup d’interrogations sur leur volonté ou leur capacité d’adhérer aux valeurs démocratiques portées par le partenariat.
Les bouleversements observés dans certains pays arabes élargissent le champ des incertitudes quant à leur évolution future et à la place qu’ils souhaitent accorder au partenariat européen, qui apparaît plus que jamais comme un « nain » politique, ce qui encourage la tentation de lorgner davantage vers l’hyper puissance américaine qui fait preuve d’un remarquable pragmatisme pour s’adapter aux changements dans les pays arabes, à défaut de les anticiper.
Ce constat ne concerne pas uniquement l’UPM, mais se révèle être une épée de Damoclès qui pèse sur le partenariat euro-méditerranéen en général.
L’Europe en tant qu’ensemble et les pays européens pris individuellement ont perdu beaucoup de leur crédibilité et de leur influence dans la sphère arabe à la faveur des mouvements de révolte qui ont été enregistrés dans de nombreux pays de la région.
– L’élargissement de l’Europe qui rend fortement improbable l’émergence en son sein d’une vision homogène concernant la Méditerranée.
L’élargissement de l’Europe, le déplacement de son centre de gravité vers l’Est font peser une lourde suspicion sur sa capacité et sa volonté à mener une politique volontariste en direction des pays du Sud.
L’ensemble européen s’avère aujourd’hui bien incapable de porter un projet politique homogène en raison des dissensions qui le minent et des divergences dans l’ordre des priorités en matière de politique étrangère entre les pays membres.
Toutes les raisons susévoquées montrent pourquoi la version politique de l’UPM, en l’occurrence l’Union méditerranéenne ne pouvait représenter une démarche fiable et crédible.
B – L’UPM ne peut être un projet d’intégration économique entre les deux rives de la Méditerranée :
Le compromis de Hanovre a marqué un tournant dans le sens où il a mis fin à l’ambition politique qui prévalait au commencement de la démarche avec l’Union méditerranéenne pour lui substituer une ambition économique à travers le projet de l’Union pour la Méditerranée.
Dans un certain sens, ce compromis a, non seulement, apporté plus de clarté à la démarche, puisqu’il a réinscrit l’UPM dans le cadre du processus de Barcelone, mais il l’a aussi redimensionné en la réduisant à une union de projets.
Dans sa nouvelle déclinaison, l’UPM prend les contours d’une union de projets fondée sur la dimension économique de la coopération avec une intention, à peine voilée, de reléguer le segment politique au second plan.
Dans cette optique, il y a lieu de ne pas céder à un excès d’enthousiasme car les projets inscrits dans le cadre de l’UPM, malgré le caractère structurant de certains d’entre eux, ne traduisent pas une vision d’intégration entre les économies des deux rives.
Une telle vision serait, pour le moins, irréaliste au regard des écarts qui existent en matière de développement entre les pays concernés et qui continuent, par certains égards, à s’approfondir d’une manière de plus en plus nette, malgré les effets de la crise durement ressentis sur le continent européen , une crise qui n’épargne du reste pas les pays du Sud, même si certains peuvent se prévaloir d’une certaine aisance financière.
Le succès de cette nouvelle vision basée sur la mise en chantier en commun de projets dépend de la capacité à dépasser les contingences politiques omniprésentes dans la région.
Force est de constater qu’un tel défi est difficile, mais non impossible, à relever et l’UPM, qui a déjà eu à souffrir des tensions politiques intervenues au Moyen-Orient et des changements connus dans le monde arabe, a réussi, sinon à contourner les difficultés, à tout le moins à sauvegarder l’essentiel en évitant la paralysie et l’inaction.
L’UPM se trouve confrontée à la difficulté de faire de l’économie en essayant de se mettre à l’abri des turbulences politiques, ce qui est un pari qui n’est jamais gagné d’avance.
Malgré les pesanteurs et les difficultés, l’UPM peut apporter une dynamique intéressante au partenariat euro-méditerranéen, encore faut-il cerner son champ d’intervention et identifier ses leviers d’actions.
L’UPM a besoin de renforcer son identité, construite autour de projets, comme elle a besoin de clarifier les modalités d’ingénierie et de financement de ces mêmes projets pour marquer, enfin et définitivement, une rupture avec la conception première de l’Union méditerranéenne qui était, d’essence, fondamentalement politique.
Ce que peut être l’UPM :
A – L’UPM peut constituer un levier pour la matérialisation de la coopération renforcée dans l’espace euro-méditerranéen
L’UPM est en mesure de constituer un instrument œuvrant en faveur de l’instauration, dans l’espace euro-méditerranéen, de la logique de la coopération renforcée qui a fait ses preuves dans la construction européenne.
Cette coopération renforcée ne concernerait, dans le cas présent, que la dimension économique, mais ceci serait déjà fort appréciable.
À l’occasion de la tenue du séminaire : « The Multilateral Track of Euro-Mediterranean Relations » organisé le 3 octobre 2012 à Barcelone par le réseau Euromesco et le Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée, Monsieur Sijilmassi, secrétaire général de l’UPM, a, dans une remarquable intervention, clairement énoncé l’apport de l’UPM au partenariat euro-méditerranéen en expliquant son champ d’intervention.
Il ressort de cette contribution que l’UPM est un instrument de la coopération régional basé sur la coappropriation.
Cette notion de coappropriation apparaît essentielle en raison des critiques que les pays du Sud ont, d’une manière constante, adressé au partenariat euro-méditerranéen qui a trop souvent pris à leurs yeux le visage d’une initiative imposée par les pays de la rive nord sur laquelle la rive sud était peu consultée, l’Europe tirant bénéfice d’un rapport de force qui lui est largement favorable.
Il a également cité un certain nombre de projets concrets à réaliser selon le principe de la géométrie variable. L’année 2013 devant marquer l’échéance de lancement des projets.
Cette intervention sous forme de clarification a permis de remettre l’action de l’UPM dans son juste cadre et de redimensionner son ambition à un niveau plus modeste.
Néanmoins, l’adoption du principe de la géométrie variable permet d’introduire dans l’espace euro-méditerranéen une dimension qui se rapproche des coopérations renforcées organisées par les États membres de l’UE dans le cadre des politiques européennes.
Faut-il rappeler que les coopérations renforcées permettent aux États participants d’organiser une coopération plus approfondie que celle initialement prévue par les traités dans la politique concernée.
Il ne s’agit pas, dans ce cadre, de mettre en application la démarche prévue à cet effet et les conditions sévères mises en place par les traités d’Amsterdam et de Lisbonne, mais plutôt de s’inspirer de ce modèle pour qu’il serve de fondement à la démarche de l’UPM dans le cadre plus globale du processus euro-méditerranéen.
B – L’UPM peut être un label pour crédibiliser et viabiliser les projets structurants et les programmes
L’un des modes d’intervention les plus intéressants de l’UPM réside dans son rôle d’assistance technique pour la conception et la maturation des projets.
Sans être elle-même un bureau d’ingénierie, l’UPM peut, par son action, piloter un projet pour lui assurer des conditions optimales de réalisation.
Par ailleurs, l’UPM est tout à fait à même d’accéder à un rôle important dans l’ingénierie financière des projets.
En effet, l’implication de l’UPM est de nature à constituer un gage de confiance pour les bailleurs de fonds publics et privés qui dépasseront leurs hésitations au regard de l’assurance qualité dans le pilotage du projet que leur garantirait l’UPM.
De même que le label UPM accroîtra le capital confiance dans les projets, ce qui permettra d’attirer les investisseurs, rassurés par la compétence de la conduite des projets et la transparence dans l’utilisation des financements.
Les investisseurs ne prendront le risque de financer des projets identifiés dans le cadre de l’UPM que si ceux-ci leur paraissent viables et, indéniablement, le label de l’UPM peut participer de cette viabilité.
Les éventuels bailleurs de fonds seront rassurés par le fait que l’UPM procède également à une ingénierie politique et technique des projets, même si les critères prévalant lors de l’ingénierie politique peuvent être sujets à caution mais ont le mérite du réalisme et du pragmatisme.
Il est salutaire, à cet égard, que l’UPM n’ait pas l’ambition d’aller à l’encontre du climat politique prévalant de la zone euro-méditerranéenne, en adoptant une démarche teintée de réalisme qui consiste à faire ce qu’il est possible de faire en attendant de mieux faire et de faire davantage.
À ce titre, l’UPM assume un rôle important de facteur d’amélioration du climat du partenariat euro-méditerranéen, ce qui n’est pas négligeable au moment où ce climat souffre de source de « pollution » aussi diverses que persistantes.
L’UPM peut être assimilée à une certaine forme de politique des « petits pas » qui permet d’engranger des réalisations quand le temps n’est pas aux grandes enjambées.
Un projet qui est avalisé par l’UPM est donc techniquement « faisable » au sens économique du terme et politiquement « gérable ».
À l’heure qu’il est, l’UPM a labellisé 14 projets à l’unanimité des 43 pays membres, 40 projets sont en cours d’évaluation alors que 70 projets sont enregistrés.
Il est, par ailleurs, intéressant de relever que les projets peuvent émaner tant des États membres que du secrétariat et même des organisations non gouvernementales.
L’intervention, sous forme de droit à proposer des projets ou des programmes, reconnue à la société civile revêt un caractère hautement symbolique qui permet de créer des solidarités et des synergies entre les sociétés civiles dans l’espace euro-méditerranéen dans le cadre de programmes régionaux.
Les champs d’intervention de l’UPM sont aussi divers que l’environnement, l’eau, l’énergie, le transport et le développement urbain, l’éducation, les affaires sociales et civiles.
C – L’UPM est déjà un espace du « travailler ensemble »
Au-delà des résultats espérés et attendus, l’UPM a déjà commencé à apporter une contribution utile au renforcement du partenariat euro-méditerranéen par le simple fait qu’elle réunit les expertises des pays de la région à l’effet de travailler sur des projets communs et d’échanger des expériences.
Il ne faut pas négliger l’apport de cette mise en œuvre des synergies dégagées par les équipes du Nord et du Sud qui travailleront ensemble sur les projets et les programmes, ce qui induira inévitablement un transfert de savoir-faire et une mise en cohérence des méthodes de travail.
L’UPM représente aujourd’hui une plateforme de travail unique en son genre en Méditerranée − et, en cela, elle porte une expérience riche en enseignements − dont il faut espérer des retombées positives.
D – L’UPM doit œuvrer à une amélioration des perceptions sur les deux pourtours de la Méditerranée
Il est indéniable que l’espace euro-méditerranéen souffre d’un problème de perception.
La rive nord de la Méditerranée développe une crainte vis-à-vis du Sud et les citoyens de l’Europe ne comprennent pas l’effort financier même modeste que l’union déploie en direction du sud de la Méditerranée.
De son côté, la rive sud observe avec méfiance cette citadelle fermée que représente l’Europe, et ses gouvernants apprécient souvent très mal ses comportements intrusives et sa volonté d’exporter son modèle de gouvernance politique.
À ce titre, l’UPM constitue incontestablement une conception novatrice dans les relations euro-méditerranéenne. En effet, les projets au sein de l’UPM répondent au principe « Trade not aid » puisque basé sur une logique « win-win » et non sur la philosophie de l’aide et de l’assistance.
Une telle approche marque de l’empreinte de l’interdépendance un partenariat euro-méditerranéen qu’on assimile souvent à tort à une démarche altruiste fondée sur la seule solidarité.
En un certain sens, l’idée de l’UPM qui fait plus largement ressortir la notion « d’intérêt mutuel », comparativement aux autres segments du partenariat euro-méditerranéen, peut grandement contribuer à améliorer l’image de ce partenariat au sein de l’opinion publique au Nord de la Méditerranée.
Cette philosophie basée sur les intérêts mutuels que pourraient générer les projets estampillés « UPM » peut contribuer à améliorer l’image du partenariat sur la rive nord en rompant avec la notion d’assistanat et en faisant prévaloir celle de la complémentarité.
Dans le même temps, les projets structurants, mais surtout les programmes que l’UPM entend mettre en œuvre, sont susceptibles d’avoir un véritable impact sur les conditions de vie des populations sur la rive sud.
Ce que ne doit pas être l’UPM :
Au-delà du déficit d’image et de la perte de crédibilité engendrés par les atermoiements qu’a connus l’UPM à son lancement, il est important d’empêcher que ce projet soit confisqué par des intérêts économiques puissants au détriment de son véritable ancrage dans la vie quotidienne des citoyens de la Méditerranée, en d’autres termes, l’UPM doit éviter d’apparaître comme un projet confisqué par les grands groupes industriels dans la méconnaissance des revendications des populations, portant sur des projets plus modestes, mais qui contribuent d’une manière concrète à améliorer leur conditions de vie.
A – L’UPM ne doit pas se focaliser uniquement sur les grands projets structurants qui intéressent au premier chef les grandes entreprises internationales
Il existe une crainte légitime de voir l’UPM ne s’intéresser principalement qu’à des projets importants qui suscitent l’appétit des grands groupes industriels.
Le sommet de Paris a semblé suivre cette voie en mettant l’accent sur les grands projets structurants qui nécessitent des moyens de financements importants. Aujourd’hui, l’UPM a identifié un certain nombre de projets de cette dimension :
– L’usine de désalinisation de la bande de Gaza qui permettra de fournir de l’eau potable à plus de 2 millions d’habitants ;
– L’axe autoroutier transmaghrébin ;
– Le réseau logistique euro-méditerranéen qui est de nature à augmenter l’attractivité de la zone au regard des investisseurs potentiels ;
– L’université euro-méditerranéenne de Fez ;
– Le Plan solaire méditerranéen qui déclare l’ambition de faire passer les capacités de production de l’électricité à base de l’énergie solaire de 2GW à l’heure actuelle à 20GW en 2020 ;
– Le réseau de chemin de fer en Jordanie avec une connotation régionale.
Ce danger semble écarter à la lumière des programmes moins budgétivores et moins médiatisés que l’UPM est en train de mettre en œuvre, à l’instar de :
– La promotion du rôle des femmes dans le domaine de l’emploi ;
– La mobilité des jeunes en Méditerranée, qui concerne les étudiants ;
– La création et l’accès à l’emploi.
Il y a lieu de se féliciter de cette évolution et de l’accentuer en élargissant le spectre des programmes qui, logiquement, devront être plus nombreux que les projets structurants car leur concrétisation est plus aisée.
Dans ce cadre, nous considérons que l’UPM a une vocation naturelle à porter des projets aussi indispensables que :
– Un programme Erasmus à l’échelle euro-méditerranéenne qui facilitera la mobilité des étudiants non seulement dans le sens Sud-Nord mais également Nord-Sud et Sud-Sud ;
– Une chaîne de télévision euro-méditerranéenne qui servira à améliorer les perceptions que nous avons les uns des autres en Méditerranée et à promouvoir les valeurs de tolérance et de liberté que porte le projet euro-méditerranéen ;
– Une charte euro-méditerranéenne sur les programmes scolaires qui mettra en exergue les dénominateurs communs que doivent contenir les programmes éducationnels dans chacun des pays membres comme un premier socle pour l’émergence d’une identité euro-méditerranéenne.
B – L’UPM ne doit pas perpétuer la logique des entraves à la circulation des personnes :
Dans le même état d’esprit, par son action et par les projets qu’elle porte, l’UPM doit s’imposer comme un outil qui œuvre à encourager la mobilité des compétences et de la main-d’œuvre.
Cette mobilité offrira une occasion propice pour un enrichissement mutuel et un échange précieux d’expériences.
Il serait en effet illusoire de considérer comme viable la vision de ceux qui veulent marginaliser la dimension humaine dans le partenariat euro-méditerranéen.
Le partenariat euro-méditerranéen existe en tant que tel en raison notamment du facteur humain qui constitue un facteur de rapprochement entre les deux rives.
Le phénomène migratoire observé du Sud vers le Nord, qui a renforcé en Europe même le sentiment d’une identité euro-méditerranéenne, et le déplacement des populations du Nord vers le Sud, ne serait-ce que dans le cadre des activités touristiques, créent des convergences culturelles qui font vivre le partenariat euro-méditerranéen.
Vouloir amputer ce partenariat de sa dimension humaine, c’est le priver d’une source de richesse inestimable et lui ôter un atout qui lui assure sa vitalité.
Le partenariat sera une notion abstraite au sud de la Méditerranée tant qu’il n’impactera pas positivement et concrètement la vie de larges pans de population, notamment, la jeunesse qui aspire légitimement à plus d’échanges et de mobilité.
Il manquera toujours du crédit au partenariat euro-méditerranéen tant que la population au Sud verra ses marchés s’ouvrir aux produits européens alors que, dans le même temps, les frontières de l’Europe se ferment devant elle comme les portes d’une citadelle assiégée.
L’opinion publique en Europe doit prendre conscience qu’elle a besoin du sud de la Méditerranée qui représente un espace géopolitique privilégié et un arrière-pays stratégique sans lequel l’Europe aura encore plus de mal à rivaliser avec les puissances actuelles et celles en gestation.
D’un point de vue économique, l’Europe a besoin, pour gagner en compétitivité, de nouer des alliances avec les pays du Sud dans le cadre de la colocalisation, ce concept qui exprime, d’une manière politiquement correcte, le besoin de délocalisation.
Les pays du Sud ont, pour leur part, besoin de l’apport technologique de l’Europe dans une approche non exclusive, mais une approche dans laquelle elle apparaît comme une partenaire de premier plan pour des raisons historiques, culturelles, et surtout humaines.
Il est, par ailleurs, important que l’UPM inscrive son action dans le cadre de la complémentarité avec les autres cadres de coopération qui existent dans l’espace euro-méditerranéen, à l’instar des 5+5.
Enfin, il y a lieu de se féliciter de l’émergence d’une mise en relation de plus en plus étroite entre le secrétariat de l’UPM, à travers le comité des hauts fonctionnaires, et des réseaux d’études et d’analyses œuvrant dans la sphère euro-méditerranéenne.
C’est ainsi que des relations institutionnelles existent aujourd’hui entre l’UPM et la fondation Anna Lindh puisque le comité des hauts fonctionnaires est représenté au sein des organes de direction de la fondation en attendant que la réciproque soit vraie.
Dans ce cadre, le réseau EuroMeSCo, qui offre l’avantage de regrouper plus de 90 instituts spécialisés dans les relations internationales, a vocation à représenter pour l’UPM un partenaire de qualité en ce qu’il possède comme capacité en matière d’analyse et d’anticipation prospective sur les questions euro-méditerranéennes.
Les instances officielles euro-méditerranéennes ne peuvent faire l’économie de l’éclairage indispensable fourni par les centres de réflexions, qui doivent trouver toute leur place au sein d’un mécanisme ayant pour objectif d’irriguer les centres de décision du partenariat euro-méditerranéen d’idées novatrices à même d’assurer une régénération permanente de la démarche de partenariat.
En conclusion, il est loisible de soutenir que malgré toutes les insuffisances relevées à son lancement, et qui renvoient à une forme de précipitation dans les effets d’annonce et à un surdimensionnement dans les ambitions, il doit être reconnu à l’UPM le mérite d’avoir résisté à toute ces formes d’hostilité endogènes et exogènes. Il lui reste, maintenant, à gagner le pari de la crédibilité, qui ne peut faire l’économie d’une vision réaliste, d’une ambition mesurée loin des discours triomphalistes et des prétentions démesurées.