Dans le domaine des arts plastiques, les expressions les plus actuelles sont nettement conditionnées par un ensemble de classifi cations géographiques, politiques et économiques très traditionnelles. De ce fait, lorsque nous découvrons l’œuvre d’un artiste, nous nous demandons immédiatement quelle est son origine ou à quel groupe il appartient. Toutefois, les œuvres de nombreux jeunes artistes plastiques d’Europe et d’Afrique remettent constamment en question les limites des particularités locales pour pénétrer dans les terrains de plus en plus ambigus, de la mondialisation. Des artistes, tels Zineb Sedira, Kader Attia ou Adel Abdessemed conçoivent leurs œuvres comme une façon de démontrer les limites de concepts comme la mémoire ou l’identité, concepts que nous employons continuellement dans notre vie quotidienne et que nous appliquons au monde artistique.
Définis tour à tour comme l’incarnation de la scène artistique contemporaine émergente algérienne, mais aussi française, ou même britannique, Zineb Sedira, Kader Attia et Adel Abdessemed se font -parfois bien malgré eux- les porte-drapeaux d’une identité tantôt signe de la globalisation et de la circulation d’artistes originaires de la rive sud de la Méditerranée, tantôt symbole d’une intégration réussie. Ces définitions multiples interrogent de nouveau la compartimentation géographique des identités de ces artistes, que critiques, historiens de l’art, commissaires d’exposition utilisent comme nomenclature dans la présentation et l’analyse de ces travaux d’art plastique. Doit-on y voir ici une reconnaissance politique et institutionnelle de l’identité-culture algérienne ou française, ou les limites dans la définition par l’espace territorial de l’artiste à l’heure où la circulation des œuvres, mais aussi de ces individus, éclate par tropisme la dimension du local ? Ces œuvres, qui dialoguent avec la notion d’identité, questionnent alors les contours dessinés par le particularisme du local et l’érosion neutralisante de la perception globale de la culture mondialisée. Ce débat sur l’identité composite, au sein même de l’histoire de l’art, n’en est certes pas à ses prémices, mais la confusion et l’amalgame n’en sont pas pour autant exempts des circuits de médiations autour de ces artistes composites. Partons donc des œuvres de ces artistes pour mieux appréhender les questions et définitions qu’elles confèrent à la dimension d’identité.
Zineb Sedira, expression de la « diaspora » : de l’introspection à l’identité en dialogue
Lorsqu’en mai dernier, à l’occasion d’un entretien sur le sujet, on interroge Zineb Sedira sur l’identité par laquelle elle souhaiterait être présentée, cette dernière répond : « Je suis une artiste tout court. Après les gens mettent où je suis née, où j’ai grandi et où je travaille. Je suis née en France, travaille à Londres ; ou vis à Londres et travaille entre Londres, Paris, Alger. Mais je fais aussi pas mal d’expositions où les gens veulent mettre un pays, donc c’est l’Algérie ou la France, ou l’Angleterre. Je suis British artist aussi, puisque je suis dans la collection des British artists ici à la Tate ».
Cette circulation est alors ainsi justement résumée par Paul Ardenne dans un article consacré à l’artiste : « Le parcours de Zineb Sedira, d’une formule : celui d’une enfant de l’immigration, ayant grandi à l’ère de la globalisation »1. Éminemment centrés autour du récit autobiographique les premiers travaux de Zineb Sedira —artiste vidéaste, photographe et plasticienne — puisent dans son histoire individuelle liée au genre et à la mémoire. Au moyen de l’utilisation de la mémoire particulière de sa famille, elle dialogue alors avec l’histoire des générations, mais aussi l’histoire des deux pays dont elle est originaire. Elle puise en effet dans la macro histoire pour aborder les problématiques de l’Histoire et de la « mémoire monde », pour reprendre une formulation d’Elvan Zabunyan2. Dans une vidéo intitulée Retelling Histories : my mother told me, Zineb Sedira recueille le témoignage de sa mère sur la guerre d’Algérie au travers d’un dialogue bilingue. L’artiste questionne en français et reçoit les réponses de sa mère en arabe dialectal. La fille née à Gennevilliers en 1963, suite à l’émigration de ses parents algériens, interroge la mère qui répond en dialecte algérien, sa langue maternelle. Ainsi son témoignage est transmis à la seconde génération, et développe de facto la question de la transmission de la mémoire mais également de l’identité au travers de la thématique du genre, puisqu’il est question du rôle des femmes pendant la guerre d’Algérie. L’utilisation de la langue comme signe de circulation est déjà présente dans Mother Tongue, réalisée en 2002, où elle met en scène un dialogue en trois temps, diffusé sur trois écrans disposés de manière linéaire et projetés simultanément. La mère raconte en arabe un récit de son enfance en Algérie à sa fille – artiste. Sur un second écran, on voit Zineb Sedira témoigner à sa fille, en français, de sa propre histoire liée à son éducation en France. Enfin, la jeune fille de Sedira doit raconter en anglais à sa grand-mère son vécu d’écolière à Londres, mais la communication est rompue, puisque ni la petite fille ni la grand-mère ne comprennent le langage employé par chacune. Dans un entretien de 20063, Zineb Sedira revient sur la construction de cette oeuvre: « Lorsque je crée une pièce, même si je pars d’un point bien précis, attaché à certains faits autobiographiques, je recherche un élargissement conceptuel. Ainsi Mother Tongue atteint, je pense, ce point de vue universel, car même si cette pièce met en scène trois générations de femmes au sein de ma famille, c’est aussi une pièce qui parle de trois langues et de trois pays, donc d’immigration ou d’expérience de la diaspora. Je pense qu’il y a dès lors des spectateurs de nationalités diverses, vivant dans des diasporas et qui se sentent concernés par Mother Tongue ».
Éminemment centrés autour du récit autobiographique, les premiers travaux de Zineb Sedira puisent dans son histoire individuelle liée au genre et à la mémoire
Les travaux plus récents de l’artiste tendent en effet à se tourner vers une dialectique de l’universel, qui pourtant trouve encore sa matrice dans le vécu personnel de l’artiste. Ainsi dans Middle Sea, une vidéo nous propose de regarder un homme qui fait face à la mer lors d’une traversée dont on ne connaît ni la destination, ni la finalité. Le titre de la pièce nous guide alors sur la piste de lecture de cette œuvre qui traite de la notion de voyage, de passage, d’entre deux. C’est la dimension de passerelle, de changement, de non-ancrage, illustrée par une sorte de suspension de l’instant T dans la ligne du temps qui sépare le passé et le futur, l’ici et le là-bas et qui annonce le changement de lieux, de possible. L’artiste exploite ici la notion d’identité en mouvance, tant sur le champ géographique que temporel.
Pendant trois années, Kader Attia a photographié le quotidien de travestis algériens qui se prostituaient sur le boulevard Ney, boulevard périphérique de la capitale française
Kader Attia : des Correspondances aux analogies
Kader Attia, né à Dugny (Seine-Saint-Denis, banlieue parisienne) en 1970, de parents algériens, est également un artiste de Correspondances4, de passerelle : passerelle culturelle, et géographique mais aussi sociale. Une de ces premières œuvres synthétise bien cette approche plurielle, avec la série photographique Pistes d’atterrissage.Pendant trois années, l’artiste a photographié le quotidien de travestis algériens qui se prostituaient sur le boulevard Ney, boulevard périphérique de la capitale française. Cette série exposée au Centre national de la photographie en 2000 et à la Biennale de Venise en 2003 mais aussi diffusée dans le magazine gay Têtu, interroge la société française sur le devenir de ces individus transgenres menacés par une société algérienne en proie à la montée de l’intégrisme islamique et rejetés par la terre d’exil qu’ils avaient choisi. Terre d’exil où on ne leur concède pas l’asile politique, et donc aucun titre de séjour, aucun droit. Rejetés à la périphérie de ces deux sociétés, ils errent clandestinement à la lisière de la Cité, dans l’exclusion d’un entre deux, d’un nulle part. Selon Hannah Feldman, qui écrit dans un catalogue éponyme de l’œuvre de Kader Attia, « l’art lui permet de “parler avec” et d’ “agir contre” »5, et en introduisant alors ces invisibles dans le lieu public de l’exposition, il leur offre un espace d’existence aux yeux et su de tous, illustrant de la sorte les limites de l’universalisme. Par cette action artistique, ce focus d’un pan invisible de la société, plusieurs de ces travestis ont finalement obtenu des droits citoyens, et le sésame d’entrée dans la société civile.
Les œuvres de Kader Attia jouent également avec beaucoup d’ironie sur une approche analogique des concepts perçus comme antagoniques tels que l’érudition et le populaire, la périphérie et le centre, le vide et le plein. Dans Arabesque, installation réalisée en 2006 pour l’exposition parisienne « Notre Histoire… » au Palais de Tokyo, l’artiste fait dialoguer le motif architectural de l’arabesque et l’actualité brûlante des banlieues françaises. Sur une façade d’un blanc immaculé, percée en son centre d’une ouverture permettant d’accéder aux autres salles d’exposition, il assemble des « tonfas » – matraque en forme de L utilisée par la police – pour construire un motif ornemental et géométrique qui se réfère à l’arabesque. Il articule alors des éléments incarnant la violence, l’outil de répression étatique pour construire un ensemble exaltant la poésie, la douceur et l’harmonie du raffinement décoratif. De prime abord, la lecture superficielle à distance de cet ornement ne permet pas de voir l’essence de sa construction fondée à partir d’un outil de répression. Ces matraques, que l’artiste a récoltées sur le champ des émeutes des banlieues en 2005, sont ici introduites pour illustrer à l’intérieur d’un lieu central, les problèmes qui animent la périphérie, souvent absente des lieux de contemplation. De cette violence urbaine, il crée une représentation esthétique aux confluences des codes graphiques de l’art minimal et de la calligraphie arabe de style koufi : invitation à errer entre les interprétations politiques, témoins des problématiques socio-économiques contemporaines, et le dialogue continu des formes esthétiques. Selon Kader Attia : «L’art, et en particulier l’art contemporain, c’est-à-dire l’art en train de se faire, n’a pas de connotation ni par rapport à la localisation spatiale, ni par rapport à la race ou la sexualité. Il n’est pas convenable d’ériger des limites à l’art ».
La périphérie et le centre ne sont pas réductibles à un questionnement identitaire et géographique, mais sont alors exprimés au travers d’une approche marxiste, traduisant le fossé entre les différentes classes sociales
En effet dans Kasbah,installation de 2008, qui propose au spectateur de fouler du pied les toitures de tôle d’un bidonville apposé à même le sol de la salle d’exposition, c’est tout autant la kasbah d’Alger, que les favelas de Rio ou les bidonvilles de Calcutta que l’artiste reproduit pour souligner la proximité de cette pauvreté visible de haut, lorsque l’on survole ces zones pauvres à bord de nos vols commerciaux et touristiques ; mais aussi l’éloignement dû à l’indifférence à ces zones périurbaines et « péri économiques ». La périphérie et le centre ne sont alors pas réductibles à un questionnement identitaire et géographique, mais sont alors exprimé au travers d’une approche marxiste, traduisant le fossé entre les différentes classes sociales.
Adel Abdessemed, identité composite revendiquée : un artiste citoyen du monde
Adel Abdessemed entretient quant à lui un rapport à une identité qui est totalement revendiquée comme mixte et non identifiable. Ce n’est en effet pas étonnant que la première monographie le concernant, soit publiée sous le titre de Global. Expatrié en France en 1994, suite au meurtre du directeur de l’École des Beaux arts et de son fils par le Groupe Islamiste Armée, Adel Abdessemed s’installe à Lyon où il finira sa formation à l’École des Beaux Arts. Reconnu internationalement, il figure désormais dans la liste des artistes représentés par la prestigieuse galerie new-yorkaise David Zwirner. Cette identité-monde assumée et revendiquée le mène à refuser tout étiquetage géographique. Il décline en effet l’invitation des commissaires d’ « Africa Remix », qui le conviaient à exposer en tant qu’artiste algérien, positionnement qu’il explique dans un entretien avec Guy Tortosa, en 20056 : «Pas de frontières, pas de bannières, pas de ghetto, pas d’artiste “maghrébin” ». L’artiste navigue aujourd’hui entre plusieurs continents. Abdessemed pense son travail plus comme un acte de résistance au système. Un entretien accordé au journal suisse Le Courrier,7 à l’occasion d’une exposition en 2008, nous permet de mieux cerner une volonté artistique plus en lien avec une identité sociale que géographique. « Je cherche à briser les tabous, à entrer dans les zones sensibles, entre le légal et l’illégal. Je me considère comme un portraitiste. Un portraitiste du système » : mettant ainsi sur le devant de la scène les thématiques de la violence (Don’t trust me), de la sexualité (Real Time), du corps (Le joueur de flûte),de la religion(Chrysalide, Dio) etc., comme autant de réflexion sur les phénomènes sociétaux. Fuyant la définition d’un artiste « exotique […] dont on attend qu’il produise un art aussi épicé que leur cuisine », Adel Abdessemmed s’attaque aux excès de la globalisation, illustrés par sa vidéo Foot on, où il écrase du pied une canette de Coca-cola, symbole de la mondialisation économique et culturelle. Même si le titre de certaines de ces œuvres est en arabe, et sème ainsi des traces de ses origines algériennes comme Bourek ou Habibi, elles ouvrent une réflexion à vocation universelle, comme lorsqu’il reprend par exemple le motif classique de la vanité, au travers de son célébrissime squelette géant suspendu. Artiste volontairement inclassable, Adel Abdessemed reconnaît être un « désespéré»8 issu d’une « génération du terrorisme », vécu personnel de ses années de guerre civile en Algérie, dont il semble porter encore la stigmates d’une violence sociale et politique, évacuée et traduite dans une création engagée à vocation universelle.
Image de soi et perception par l’autre : une dichotomie ?
Quand est-il en effet de la politique de médiation de ces artistes, construite par le réseau d’expositions artistiques et scientifiques ? À ce propos Zineb Sedira, toujours lors de notre entretien en mai dernier explique quelques enjeux inhérents à ces choix: « Après c’est des histoires de financement, de politique et puis de thème. Et puis évidemment l’artiste arabe, l’artiste algérienne, ou africaine, ça m’arrive très souvent aussi. Moi ça ne me pose pas de problème tant que les expositions ne sont pas bêtes. J’ai aucun problème à me considérer comme algérienne, arabe ou africaine ou française ou anglaise. […] Je trouverai une force que l’on ne mette rien, de laisser voir à travers le travail des uns ou des autres, montrer que l’on peut être différent physiquement, culturellement etc. et politiquement. Mais le curator, il te dira que pour des raisons pédagogiques, surtout il te montre dans un musée etc… qu’il faut justement expliquer aux gens. Il y a toujours ce parti pris de dire que les audiences sont plutôt simples et ont un manque de culture, ce qui est un peu énervant. »
N’est-ce pas aussi la mission que se donnent l’art et ces médiateurs de déconstruire, dans le sens derridien du terme, le sens des mots usités, par les vulgates médiatique, économique et politique ?
L’identité nationale choisie comme mode de présentation de ces artistes dans le cadre des expositions relève parfois plus du parti pris. Ainsi dans « Notre Histoire… », en 2007, Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans intègrent Attia et Abdessemed pour affirmer une histoire et une identité définie par les circulations, comme une réponse prémonitoire au débat de 2009 lancé par le gouvernement français sur l’identité nationale. Cette exposition qui « vise à définir comment les artistes français émergents participent de l’intérieur à l’élaboration de la société française » définit « les œuvres d’art [comme] la grammaire de notre monde9 ». Précédemment « Africa Remix » en 2005 au Centre Pompidou se propose de mettre en avant un « étant-dans-le-monde » où « la carte d’identité n’informe pas sur ce que nous sommes mais plutôt sur l’endroit d’où nous venons. » Toutefois, les cartels de l’exposition identifient et classent chaque artiste par nation africaine autour d’une thématique continentale ; et il semblerait que la scénographie et la dialectique employées par les commissaires de cette exposition n’est pas sans avoir été exempt de critique sur la vision européenne de l’Afrique10. Reste qu’il eut agi ici de voir reconnaître symboliquement au sein même du « musée universel de l’art contemporain » une création en dialogue avec un continent, dont l’expression artistique même contemporaine est souvent reléguée aux musées d’Art primitif, à caractère ethnographique. Une initiative similaire avait été déjà amorcée par Jean Hubert Martin dans « Magiciens de la Terre » toujours au Centre Pompidou, en 1989, pour sortir de la perception exotique des « alter-artistes ». « A contrario », une exposition plus récente à la Villa Medicis, en mars-juin 2010, propose sous le terme de Mutants, de réunir cinq artistes – dont Adel Abdessemed et Djamel Tatah- qui incarnent un monde où « la stabilité des identités ne saurait plus y être définitive », articulant ainsi l’hybridité des techniques et la pluralité des identités de ces artistes.
N’est-ce pas aussi la mission que se donne l’art et ces médiateurs de déconstruire, dans le sens derridien du terme, le sens des mots usités, par les vulgates médiatique, économique et politique ? Orient, Occident, global, Nord, Sud… Autant de polarisations et compartimentations que l’on présente aussi comme antinomiques et hermétiques. La reconnaissance du particulier dans la masse d’un tout globalisé, à l’intérieur d’une culture Google ou Coca-cola, qu’Abdessemed piétine du talon dans Foot on, exprime alors un paradoxe pour le moins difficile à résoudre.
Mais ces artistes offrent autant de dimensions qui transcendent les frontières géographiques et mentales, au profit d’un discours de la poétique. Ces pièces, mises en exposition, face au public, interrogent les limites du tout global et du tout local. C’est à la fois la question du rôle de l’artiste comme « animal social » que sous-tend la définition de l’identité artistique. L’art se fait signe de cette circulation, ce va-et-vient entre centre et périphérie, tout en offrant un lien entre ces antagonismes par l’expérience de la représentation. Pour comprendre ces perceptions, ces œuvres nous invitent donc à élargir le spectre de nos références au travers de l’expérience art. Elles nous proposent d’ouvrir les épicentres de notre interprétation. Aborder la question des arts visuels au Maghreb force alors à nous interroger sur les grilles de lecture et les compartimentations par lesquelles nous cherchons à étudier et classifier ces phénomènes. Les arts visuels au Maghreb sont-ils les œuvres crées par des artistes originaires de ce territoire ou des œuvres en lien avec des problématiques traversant cette zone géographique ? Ces représentations autorisent une compréhension des identités —souvent perçu comme figées — dans leurs complexités, comme un bouillon de culture en perpétuelle rencontre et zone d’hybridation.
Édouard Glissant, dans l’héritage de Deleuze, les comprend sous formes rhizomiques, alors que Derrida nous invite à déconstruire et hybrider les concepts. Toutefois, d’autres semblent moins convaincus par ces lectures comme Jean Loup Amselle, qui signe un pamphlet11 contestant ces approches, qu’il interprète comme essentialistes, « le retournement du stigmate », comme il aime à le définir. Le débat entre identité artistique nationale, régionale, continentale et universelle, entre singulier et global fait encore rage, mais doit -on finalement trancher pour l’une ou l’autre de ces classifications ? Penser ces artistes et ces œuvres en termes socio-historiques plus que géographiques pourrait être une des grilles de lecture alternatives. Même si finalement, l’observation de l’œuvre guide elle-même cette définition : reste à expérimenter pour comprendre.
Notas
[1] Paul Ardenne, « Zineb Sedira : avant de retrouver un centre », [En ligne] pour l’exposition Zineb Sedira, Musée National Pablo Picasso, La Guerre et la Paix, Vallauris, 2010. URL : http://www.musees-alpesmaritimes.fr/documents/zineb.pdf
[2] Elvan Zabunyan, « Ramener le temps au présent : regards sur l’œuvre récente de Zineb Sedira », dans Zineb Sedira, Saphir, cat exp. Paris, Galerie Kamel Mennour/Londres, The Photographer’s Gallery, 2006, p. 64-83, 67
[3] Ibid., p. 113
[4] Titre de la première œuvre acquise et conservée à la Cité nationale de l’histoire de l’Immigration : Kader Attia, Correspondances, 2003, installation, deux vidéos et trente photographies.
[5] Hannah Feldman, « La vie à la surface de tout », dans Kader Attia,Paris : Blackjack Eds, 2008, p.173-177, 174.
[6] Adel Abdessemed, Global, Paris : Paris-Musée, 2005.
[7] Raphaëlle Bouchet, « Adel Abdessemed. L’être d’exil », Le Courrier, samedi 15 mars 2008.
[8] Harry Bellet, « Adel Abdessemed L’enfant terrible de l’art », dans Le Monde, 01.03.08.
[9] Dossier de presse de l’exposition « Notre Histoire… », Palais de Tokyo, 2007.
[10] voir Maureen Murphy, « À propos de l’exposition Africa Remix », Gradhiva, 2 | 2005, [En ligne], mis en ligne le 10 décembre 2008. URL : http://gradhiva.revues.org/521. Lire aussi le droit de réponse Jean Hubert Martin, in Jean-Hubert Martin, « Par Jean-Hubert Martin », Gradhiva, 2 | 2005, [En ligne], mis en ligne le 10 décembre 2008. URL : http://gradhiva.revues.org/527.
[11] Jean Loup Amselle, L’Occident décroché : enquête sur les postcolonialismes, Paris : Stock, 2008.