Comment faire avancer le statut avancé UE-Maroc?
Préface
Senén Florensa, Directeur Général de l’Institut Européen de la Méditerranée (IEMed)
Le premier Sommet UE-Maroc, qui aura lieu le 7 mars 2010, marque un moment historique des relations euro-marocaines UE-Maroc. Ce n’est pas un hasard si ce Sommet se tiendra sous la Présidence espagnole et à Grenade puisqu’il s’agit d’un lieu symbolique des relations historiques euro- et hispano-marocaines, et de la culmination d’un engagement déterminé du gouvernement espagnol pour concrétiser l’ambition d’une relation privilégiée entre l’Union européenne et le Maroc. Pour accompagner ce moment, différents forums auront lieu à la veille du Sommet : un Forum des Entreprises UE-Maroc, un Forum des autorités locales et régionales UE-Maroc, ainsi qu’un séminaire d’experts et d’autres activités. Cette pléthore de rencontres et activités marque un moment fort dont il faut profiter pour lancer des débats de longue haleine sur les perspectives des relations bilatérales et consolider une fois pour toutes les progrès atteints. L’IEMed, en tant que think tank spécialisé dans les relations euro-méditerranéennes à partir d’une démarche pluridisciplinaire et d’une mise en réseau, est déterminé à être protagoniste de ce processus et y faire une contribution substantielle.
De fait, depuis quelques années, l’IEMed a contribué au processus qui a mené au Statut Avancé. Ainsi, les 1 et 2 mars 2007, nous avons organisé, à Barcelone, un séminaire de haut niveau sur « Le Maroc et l’Union européen. Vers un statut avancé dans l’Association euro-méditerranéenne », placé sous le haut patronage de la Commission européenne et des gouvernements de l’Espagne, la France, du Portugal, de l’Allemagne (qui occupait à l’époque la Présidence de l’UE) et du Maroc. Ce séminaire, auquel ont participé deux cents experts et représentants de toutes les institutions impliquées, y compris quatre ministres et un conseiller royal du Royaume du Maroc, a marqué un politique fort pour l’impulsion des négociations du Statut Avancé, formellement ouvertes peu après, lors du Conseil d’Association tenu en juillet de cette même année. La Monographie nº 6 de l’IEMed prend acte de cet événement.
Ultérieurement, l’IEMed a publié un document de travail rédigé par trois experts reconnus (« Maroc-UE: vers un statut avancé Dans le cadre du PEM et de la PEV », Erwan Lannon, Jorge Braga de Macedo et Alvaro de Vasconcelos, Papiers IEMed nº 2, novembre 2007) afin d’explorer les options et possibilités de donner un contenu au Statut Avancé en cours de négociation.
Pendant toute cette période, l’IEMed a continué à traiter la question du Statut Avancé UE-Maroc dans nombre de ses activités, en Espagne comme à Bruxelles ou au Maroc, ainsi que dans ses différentes publications. Aujourd’hui, au moment où le premier Sommet UE-Maroc est amené faire avancer le Statut Avancé, l’IEMed, en partenariat pour l’occasion avec le Groupement d’Études et de Recherches sur la Méditerranée (GERM) marocain, fait appel à deux experts indépendants, l’un espagnol et l’autre marocain, pour faire état de la situation sans complaisance et alimenter le débat avec des propositions concrètes, domaine par domaine, pour assurer « un partenariat de plus en plus étroit » à l’hauteur des ambitions réciproques.
Prologue
Driss Khrouz, Secrétaire Générale du GERM
La réflexion engagée dans le cadre des activités de l’Institut européen de la Méditerranée par les professeurs Larabi Jaidi et Iván Martín est une très bonne initiative. C’est assurément là un cas, parmi d’autres, d’actions dans lesquelles les centres de recherche et les universitaires préparent le terrain et explorent des pistes qui peuvent aider les décideurs et les négociateurs à appréhender toutes les dimensions des dossiers qu’ils abordent.
Le Groupement d’études et de recherches sur la Méditerranée (GERM) se trouve dans ce cas de figure. Depuis vingt ans le GERM travaille pour le partenariat euroméditerranéen et accumule une réflexion précieuse et prospective à cet égard. Chaque année, nous organisons une rencontre sur une problématique importante dont les interventions et les débats sont repris dans l’Annuaire que le GERM publie régulièrement. L’Annuaire 2009, sous presse, traite précisément de cette thématique : « Le Statut avancé Maroc-Union européenne à l’épreuve de l’Union pour la Méditerranée ».
Les clauses du Statut avancé font clairement référence au Conseil de l’Europe et à ses principes repris dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), c’est dire la prise en compte de la globalité des questions de voisinage dans cette nouvelle approche. C’est dans ce cadre que le Maroc a adhéré au Centre Nord-Sud pour la solidarité et l’interdépendance du Conseil de l’Europe et s’apprête à faire de même pour des conventions spécifiques de ce Conseil.
Il est clair, vingt ans après le lancement du GERM, que le Maroc est bien engagé dans la dynamique européenne. Cette étude réalisée par les deux collègues est sérieuse et opportune, et elle montre bien l’importance de toutes les politiques et programmes qui renforcent la coopération entre le Maroc et l’Union européenne.
Dans ce contexte, le premier sommet bilatéral entre l’Union européenne et un pays tiers depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne se tiendra le 7 mars à Grenade avec le Maroc. Les discussions porteront sur le nouveau Plan d’action de voisinage UE-Maroc et les instruments de coopération financière. Il n’est pas étonnant qu’il se tienne à Grenade et sous présidence espagnole car il serait difficile de trouver un moment et un lieu plus symboliques.
Introduction: Une rencontre au Sommet, une opportunité unique
Le 7 mars aura lieu le premier sommet UE-Maroc de l’histoire. Il s’agit également du premier sommet bilatéral entre l’UE et un pays arabe[1]. Il marque à la fois la culmination d’un processus, celui de l’ambition du Maroc d’obtenir un Statut Avancé «plus et mieux que l’Association revue et corrigée à laquelle nous nous sommes attelés, et peut être pour quelque temps encore, un peu moins que l’adhésion que nous dictent pourtant la raison, la géographie et les réalités au quotidien de la vie économique, sociale et culturelle dans nos pays»[2], et le début d’une nouvelle phase où il s’agit surtout de donner du contenu au cadre du Statut Avancé accordé en octobre 2008 lors du 7ème Conseil d’Association moyennant l’adoption par les deux parties d’un « Document conjoint UE-Maroc sur le renforcement des relations bilatérales/Statut Avancé »[3]. Il s’agit là aussi d’un cadre spécifique, que l’UE n’avait octroyé jusqu’alors à aucun autre partenaire ou voisin[4].
Le Sommet UE-Maroc s’inscrit dans un nouveau contexte des relations de l’UE avec ses voisins. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1 décembre 2009, la désignation du premier Président du Conseil européen (le belge Herman Van Rompuy), de la nouvelle Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Étrangères et la Politique de Sécurité (la britannique Catherine Ahston) et l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne 2010-2014 (avec un nouveau Commissaire chargé de l’élargissement et de la politique de voisinage, le tchèque Stefan Fule), changent essentiellement la donne de la politique extérieure de l’UE. Par ailleurs, le Traité de Lisbonne établit, dans son article 7 bis, que l’UE « développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage (…) l’Union peut conclure des accords spécifiques avec les pays concernés», ouvrant ainsi la porte à la formalisation du Statut Avancé par un instrument conventionnel ad hoc (le Document conjoint n’a jusqu’alors que la valeur d’une déclaration politique).
Dans ce nouveau contexte, force est de constater que le Partenariat Oriental, établi en mai 2009 par l’UE avec six pays voisins de l’Est de l’Europe (Ukraine, Moldavie, Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie et Bélarus), avec un contenu très semblable au Statut Avancé, a rapidement commencé à fonctionner, tandis que l’Union pour la Méditerranée, lancée en juillet 2008 sous Présidence française comme nouveau cadre des relations multilatérales euro-méditerranéennes, peine à démarrer. Plus généralement, un recentrage géopolitique de l’UE sur l’Est semble de plus en plus évident, avec cette fois des implications encore plus dangereuses pour les pays méditerranéens que l’opération qui, entre 1993 et 2007, a culminé avec l’adhésion de 10 nouveaux États membres à l’UE (avec en parallèle une triplication des fonds structurels de la politique régionale et de cohésion européenne dont bénéficiaient surtout les pays méditerranéens européens et une répartition équilibrée de l’assistance financière entre le Sud et l’Est de l’Europe accordée en 1995 sur la base du fameux ratio 2/3-1/3, qui a prévalu jusqu’aux Perspectives Financières 2007-2013).
La Présidence espagnole de l’UE offre alors une opportunité peut-être unique pour mettre l’Union pour la Méditerranée sur les rails, mais aussi pour bien encadrer le développement et l’approfondissement des relations bilatérales avec le Maroc. Il est peu probable que l’impulsion politique qui ne serait pas donnée durant ce semestre, avec, de plus, l’opportunité offerte par l’organisation du Sommet, ne soit rattrapée plus tard sous les Présidences belge, hongroise, polonaise, danoise ou chypriote. La même logique s’applique à la négociation des nouvelles Perspectives Financières 2014-2018, qui devrait démarrer durant le deuxième semestre 2010.
Symboliquement, le jour même de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la <Commission>{AFET}Commission des affaires étrangères </Commission>du Parlement européen organisait une audition publique sur «Le renforcement des relations avec les pays voisins: enseignements tirés du Statut Avancé du Maroc».[5] Les questions des eurodéputés aux trois intervenants[6] ont montré tous les obstacles auxquels la concrétisation du Statut Avancé doit se heurter: le conflit toujours ouvert du Sahara Occidental, les perceptions différentes sur les avancées en matière de droits de l’homme, la question du contrôle des migrations irrégulières et de la mobilité des citoyens marocains, l’incohérence entre les objectifs de la Politique Européenne de Voisinage et les moyens mobilisés pour la mettre en place… Cependant, cette étude ne prétend pas souligner les difficultés, mais se penche plutôt sur le potentiel, secteur par secteur, du Statut Avancé, formulant des propositions pour le faire évoluer. En effet, le grand défi est maintenant de rendre opérationnelles les possibilités crées par le Statut Avancé, de lui donner de la substance, d’autant plus que l’analyse du Document conjoint et sa première année d’application rendent légitimes quelques doutes sur la valeur ajoutée de ce nouveau cadre par rapport à la Politique Européenne de Voisinage mise en œuvre depuis 2005. Si le Statut Avancé s’inscrit, de fait, dans la même logique que la Politique Européenne de Voisinage et utilise pour autant la même « boite à outils » que la PEV, et donc que l’élargissement, il doit encore prouver sa pertinence et sa nécessité par rapport à celle-ci. Mais le Statut Avancé doit aussi démontrer dans quelle mesure il constitue effectivement un cadre de relations tenant compte des spécificités historiques et substantielles existant entre l’UE et le Maroc et reflétant les progrès différenciés du Maroc par rapport à d’autres partenaires, d’autant plus s’il a vocation, comme il le semble, de servir de précédent pour un nouveau modèle de relations spéciales entre l’UE et quelques-uns de ses voisins (voir le chapitre 2 sur la différentiation).
Quelques principes et considérations méritent que l’on s’y attarde un petit moment avant d’entamer cette tache:
- Tant dans le Document conjoint que dans tout le processus de conception et d’application du Statut Avancé, l’accent est mis sur l’intégration du Maroc dans l’Espace Économique Européen. Or le Statut Avancé ne pourra réussir que si cette intégration du Maroc s’oriente également vers l’espace social, humain et même culturel européen.
- La convergence réglementaire est certes la pierre angulaire du Statut Avancé (chapitre 7), mais elle doit être accompagnée d’une convergence réelle des niveaux de vie comme des salaires (et pas seulement d’une convergence macroéconomique, comme cela a été le cas depuis 1995). Les ressources nécessaires pour l’assurer, notamment financières, doivent être mobilisées (voir le chapitre 10).
- Le Statut Avancé est un cadre pour les relations bilatérales entre l’UE et le Maroc, mais il n’a aucune chance d’aboutir s’il n’est pas accompagné d’une intégration simultanée du Maroc avec ses propres voisins, notamment les pays du Maghreb. Les programmes régionaux euro-méditerranéens, les projets de l’Union pour la Méditerranée, les stratégies et plans d’action sectoriels définis dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen, mais surtout le déblocage des relations économiques avec l’Algérie, même si ce n’est que par l’ouverture de la frontière commune fermée depuis 1994, sont des éléments fondamentaux du projet de Statut Avancé.
- Il est de plus en plus clair que l’emploi et la compétitivité (et notamment l’innovation et l’économie de la connaissance) prennent le relai de l’agriculture et la politique régionale comme grands axes d’action économique de l’Union européenne. Évidemment, pour les pays voisins comme le Maroc, cela impose un impératif d’adaptation et, pour l’Europe, l’impératif de chercher les mécanismes pour intégrer ses pays voisins dans cette nouvelle stratégie économique (notamment en matière d’emploi et mobilité de la main d’œuvre et les emplois). Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de pays avec un niveau de développement inférieur qui doivent toujours passer les étapes que la plus grande partie des pays européens a déjà laissé derrière elle.
Pour finir cette introduction, il est juste de reconnaître les apports à cette réflexion que nous avons reçus de nombreux correspondants dans les milieux diplomatiques du Maroc et d’Espagne, les sociétés civiles autant marocaine qu’européenne, mais surtout nos collègues chercheurs et universitaires qui, au fil des colloques et séminaires, nous ont aidés à faire avancer notre réflexion sur un sujet sur lequel nous échangeons depuis bien des années déjà. La contribution de l’IEMed et du GERM pour la publication de cette étude, mais aussi par l’organisation de séminaires sur le sujet[7], a également été fondamentale.
Vers le Statut Avancé
Plus qu’association, moins que adhésion : éclairage sur une ambition historique
Le détroit de Gibraltar ne sépare que de 13 kilomètres le Maroc du vieux continent. La vocation du Royaume à servir de trait d’union entre l’Orient et l’Occident a été confirmée par l’histoire. Selon la formule de Hassan II, le Maroc “ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique et qui respire, grâce à son feuillage bruissant des vents d’Europe”. La géographie et l’histoire désignaient déjà le Maroc comme un partenaire privilégié de l’Europe à l’aube même de la construction européenne.
La première génération d’accords
En effet, un protocole annexé au Traité de Rome reprenait les concessions traditionnellement accordées par la France aux exportations agricoles marocaines depuis l’indépendance. Cependant, la véritable naissance des relations contractuelles entre l’Europe et le Royaume date de 1969 avec la signature d’un premier Accord d’Association quinquennaldont le champ se bornait au strict domaine commercial. Sept and plus tard, en 1976 un nouvel Accord d’Association ajoute au volet commercial une coopération dans les domaines économique, technique et financier. Il constitue à cet égard une étape décisive dans les relations entre les deux rives de la Méditerranée.
La conception et la mise en œuvre des rapports euro-marocains se sont faites de façon à la fois progressive et concomitante. Les négociations qui aboutirent à la première génération d’accords d’association et celles qui menèrent à la conclusion des accords de coopération ont été engagées dans les mêmes phases avec le Maroc et les pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée (en plus du Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie et le Liban).
La création de la Communauté économique européenne avait amené tous les pays indépendants de la région, dont le Maroc, à chercher à nouer avec ce nouvel ensemble des relations garantissant leur accès privilégié au marché européen. Au cours de la décennie soixante, des accords bilatéraux furent conclus progressivement avec tous les pays du pourtour méditerranéen qui avaient souhaité un rapprochement avec la CEE. Bien qu’établissant une convention d’association, le premier accord signé en 1969 fût conclu pour une durée de cinq ans. Cet accord était limité au régime des échanges. Il assurait au Maroc un accès au marché de la Communauté pour la quasi totalité de ses produits manufacturiers et un régime privilégié pour certains produits agricoles. Une certaine réciprocité était prévue en faveur de la Communauté par le Maroc. Il préfigurait déjà l’établissement à terme d’une zone de libre-échange.
En 1976, fût un accord de “coopération globale” comportant, au delà d’un régime commercial préférentiel (ouverture unilatérale du marché européen aux produits industriels marocains, et notamment les textiles), divers volets d’aide financière et technique. L’accord de 1976 s’inscrivait dans une « approche globale méditerranéenne » dont les principes de base étaient : le traitement non discriminatoire entre pays voisins, la conformité aux règles du GATT et la coopération au développement. Visant à établir une “large coopération” entre les partenaires, l’accord de 1976 combinait des interventions dans différentes sphères d’actions: dans le domaine des échanges commerciaux, de la coopération économique, technique et financière, ainsi que dans le domaine social. Accord de durée illimitée, il devait donner à la “coopération globale” une perspective lui permettant de contribuer à la prise en charge de problèmes de développement qui ne peuvent se suffire d’approches de court terme. Déjà, on était conscient que la garantie d’un libre accès durable au marché communautaire était nécessaire pour stimuler les investissements productifs -notamment dans le domaine industriel- et ceci bien au delà de la contribution financière de la Communauté à ces investissements.
Pour accompagner cet Accord, quatre protocoles financiers quinquennaux ont été signés durant la période 1976 à 1996[8] complétés par des prêts de la Banque Européenne d’Investissement.[9] Au delà de la participation financière de la Communauté au développement de l’infrastructure économique du pays, un vaste champ d’action fut ouvert à la coopération économique et technique.
La mise en place des accords successifs a ainsi, au cours des trois dernières décennies, renforcé encore les liens entre le Maroc et l’Union européenne devenue, de lin, le premier partenaire économique du Maroc. L’Union apparaît en effet le premier client (64 % des exportations marocaines), le premier fournisseur (54 % des importations), le premier investisseur (entre 60 et 70 % en moyenne des investissements étrangers au Maroc) mais aussi la première destination des expatriés marocains.
Définies dans l’optimisme de la longue période d’expansion économique, ces accords de coopération ont survécu, non sans difficultés, à la récession, qui après le deuxième choc pétrolier, a frappé l’Europe plus sévèrement que d’autres régions du monde. Toutefois, l’ambition nourrie par les dispositions des ces accords conclus dans l’optimisme de la période d’expansion économique a été confrontée à la dure épreuve des tensions commerciales et des contraintes financières nées de la crise et des soubresauts des premiers élargissements de la Communauté. Le deuxième puis le troisième élargissement de la Communauté (Grèce en 1981, puis Espagne et Portugal en 1986) ont fourni l’occasion d’une révision des relations de la Communauté avec le Maroc et les pays du bassin méditerranéen non membres de la CEE.
L’adaptation des accords méditerranéens à cette nouvelle situation ne s’est pas soldée par un saut qualitatif de la coopération entre les deux rives. Avec la définition de la “politique méditerranéenne rénovée”, des espoirs ont été nourris par les grands principes qu’elle avait fait naître. A l’évaluer à l’aune de ses résultats, elle n’a pu que maintenir les courants d’échanges sans modifier l’asymétrie de leurs structures. La surface des protocoles financiers s’est légèrement accrue sans exercer un effet dynamisant sur la croissance.
Si les accords de la première et de la seconde génération ont survécu à un environnement défavorable, les relations de la Communauté avec le Maroc et les pays du pourtour méditerranéen avaient besoin d’être revitalisées pour faire face aux tensions et aux défis du futur.
L’Union européenne avait choisi de commencer le processus de renouvellement des accords de coopération conclus avec les pays du sud de la Méditerranée par le Maroc. Cependant les négociations se sont révélées difficiles. En premier lieu, les Douze (à l’époque) ont du s’accorder sur le mandat de négociation confié à la Commission : dans ce cadre, les perspectives initiales de libre-échange agricole ont été revues dans un sens plus restrictif pour se limiter à des concessions au cas par cas. En second lieu, les négociations avec le Maroc ont du surmonter plusieurs contentieux dans le domaine agricole -le régime d’accès des tomates marocaines en particulier- et surtout dans le secteur de la pêche. En 1996, les deux parties ont finalement signé parallèlement un accord de pêche et l’Accord d’Association.
Les innovations de l’Accord d’Association de 1996
L’accord, tout comme les autres Accords d’Association euro-méditerranéens, présente deux innovations principales par rapport au précédent accord de 1976 : la mise en place d’un dialogue politique, d’une part, et l’organisation d’une zone de libre échange, d’autre part. Entré en vigueur en mars 2000, l’Accord d’Association a inscrit les relations entre le Maroc et l’Union Européenne dans une nouvelle approche fondée sur le partenariat. Il englobe à la fois les aspects économiques, commerciaux, socioculturels et les dimensions politiques et de sécurité, ainsi que la transformation des concessions commerciales unilatérales en des rapports de réciprocité aussi bien dans le domaine industriel qu’agricole.
En effet, cet accord qui s’inscrit dans le cadre du nouveau Partenariat euro-méditerranéen engagé à Barcelone en 1995, s’articule autour de quatre axes fondamentaux : la création progressive d’une zone de libre-échange, l’approfondissement de la coopération économique, financière et technique, la mise en place d’une véritable coopération sociale et culturelle et enfin l’établissement d’une dialogue politique chaque fois que nécessaire. Ce dialogue politique pourra permettre à chaque partie de prendre en considération la position et les intérêts de l’autre partie.
La coopération politique constitue l’une des principales innovations de l’Accord d’Association. Elle se décline sous deux formes : l’introduction d’une clause sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, la mise en place d’un dialogue politique entre les parties. Selon l’article 2, ” le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme constitue un élément essentiel de l’accord”.
Sans en déterminer la périodicité, l’accord prévoit des rencontres à « échéance régulière » principalement à trois niveaux de concertation -entre ministres au sein du Conseil d’Association, entre hauts fonctionnaires, et entre diplomates dans les instances internationales ou dans les pays tiers. Le dialogue doit porter sur des sujets d’intérêt commun, relatifs en particulier à la sécurité et à la stabilité dans le bassin méditerranéen. Il peut déboucher sur des initiatives communes.
L’accord prévoit, en outre, une très large coopération dans les domaines économique, social et culturel. La coopération s’emploiera principalement à accompagner le processus de libéralisation des échanges et à en limiter les effets « perturbateurs » sur l’économie marocaine. Afin de permettre au Maroc de relever le défi de l’intégration économique, l’Accord entend notamment promouvoir une mise à niveau du Maroc en matière de normalisation et d’évaluation de la conformité des produits fabriqués dans ce pays. De façon plus générale, le rapprochement des législations constitue l’un des objectifs poursuivi par l’accord.
Au-delà de ces aspects économiques, il convient de mentionner trois autres domaines essentiels pour la coopération entre les Quinze (à l’époque) et le Maroc. En premier lieu, l’accord s’assigne pour mission le renforcement de l’éducation et de la formation. La sauvegarde de l’environnement constitue également une priorité : la coopération portera notamment sur la « qualité des sols et des eaux ». Enfin, des « actions conjointes » ou, à tout le moins coordonnées, sont prévues en matière de lutte contre le trafic des stupéfiants.
Les conditions de travail, de rémunération et de licenciement des travailleurs marocains dans l’Union européenne ou des ressortissants des États membres de l’UE au Maroc sont régies par le principe de la non-discrimination fondée sur la nationalité. L’ensemble des dispositions relatives aux travailleurs, il faut le souligner, ne s’applique pas aux ressortissants de l’une des parties qui résident ou travaillent illégalement sur le territoire du pays d’accueil. De plus, l’accord prévoit, dans le domaine social, l’ouverture d’un dialogue ainsi que des actions de coopération visant « la réduction de la pression migratoire, notamment à travers la création d’emplois et le développement de la formation dans les zones d’émigration », mais aussi dans le « cadre de la législation marocaine en la matière ».
L’accord a jeté les fondements d’une institutionnalisation de la coopération sous la forme d’un Conseil d’Association. Ce dernier réunit les représentants du Conseil de l’Union européenne et de la Commission, d’une part, et du gouvernement marocain, d’autre part. Il a constitué le cadre normal du dialogue institué entre les parties contractantes sur les questions bilatérales ou internationales d’intérêt commun. L’Accord a institué par ailleurs au niveau des hauts fonctionnaires un Comité d’Association, compétent pour la gestion de l’accord et auquel le Conseil peut déléguer tout ou partie de ses compétences.
Durant la période qui a suivi les protocoles financiers, le programme MEDA I (1996-99), qui représente un triplement de l’aide au Maroc par rapport aux protocoles financiers, a permis d’appuyer la transition économique et l’équilibre socio-économique au Maroc. Le programme MEDA II, a permis d’augmenter le montant financier attribué au Maroc[10].
L’Accord d’Association constituait un formidable défi pour le Maroc; si le libre échange a présenté à court terme des effets fortement perturbateurs, il a représenté une chance pour le développement économique du pays à moyen terme. En effet, le Maroc s’est préparé au défi de la libéralisation des échanges et son ancrage à l’Europe constitue un gage de développement.
En premier lieu, le Maroc a favorisé une adaptation progressive de son économie dans la perspective du libre échange. L’économie marocaine souffre de handicaps : l’insuffisante productivité de la main d’oeuvre, les coûts élevés de l’énergie, des transports et des terrains industriels, la faible intégration des industries au sein des filières économiques.
Autant de facteurs qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Cependant, l’Etat a pris la mesure de ces difficultés. Il s’est engagé dans un processus de réformes qui s’est déployé sur divers chantiers.
Au-delà même de l’effort d’adaptation soutenu par l’Accord d’Association, le Maroc a fait un double pari conforme à l’intérêt du Royaume. Il a d’abord pris acte de la mondialisation des échanges et préféré devenir un acteur de ce vaste mouvement plutôt qu’un témoin passif condamné bientôt à la marginalisation et au déclin. Plus encore, le Maroc a fait le choix de l’Europe : un choix politique autant qu’économique. Il s’est résolument engagé sur la voie d’une modernisation harmonieuse, soucieuse, certes, du respect des traditions et de la fidélité au passé, mais ouverte sur l’avenir et les valeurs du monde occidental. La candidature du Maroc à l’Union européenne plusieurs fois renouvelée depuis 1994 s’inscrit dans le droit fil de cet engagement.
« Plus qu’association »
Mais le Maroc officiel a exprimé à maintes reprises sa volonté de conclure la conclusion, “à moyen terme”, d’un nouveau cadre juridique et institutionnel “qui aille au-delà de l’association actuelle”.[11] Déjà le Roi Hassan II a fait part, à plusieurs reprises, de son souhait de se rapprocher de l’Europe et, plus encore, de voir fixée une perspective d’intégration pour son pays. Dès le 15 juin 1984, à la veille de l’adhésion de l’Espagne et le Portugal, le Roi Hassan II avait adressé une lettre au Président Mitterrand, président en exercice du Conseil européen, par laquelle il faisait part de la volonté du Royaume d’adhérer aux Communautés européennes. Trois années plus tard, en juillet 1987, il avait adressé à la présidence du Conseil des Communautés européennes une lettre présentant une demande formelle d’adhésion pour son pays. Le roi rappelait à cet égard la communauté d’intérêt unissant son pays à l’Europe, tous deux appartenant à un ” même espace de sauvegarde et de paix “, ainsi que la parenté des choix politiques et institutionnels des deux parties. Cette demande du Maroc avait été rejetée quelques mois plus tard, sur avis de la Commission, en raison « du caractère non européen » de ce pays. Mais elle préfigurait déjà le débat actuel sur les contours du Statut Avancé.
Depuis 2005 et l’adoption du Plan d’Action UE-Maroc, le “statut avancé” auquel aspire le Maroc avec l’UE est à trouver dans le cadre de la politique de voisinage mise en oeuvre par l’Union. Dans sa signification globale, le concept de statut avancé signifiait, pour le Maroc, ‘”un appel à l’approfondissement permanent de cette relation vers des obligations réciproques et mutuellement avantageuses, l’objectif étant d’atteindre un véritable partenariat bénéfique pour le Maroc”.
Partant du principe que le Maroc est le seul pays à avoir avec l’UE une structure permanente de “dialogue politique renforcé”, l’Etat marocain estimait qu’il pouvait donc aller aussi loin et aussi vite que possible dans la construction de cette relation pour atteindre ce statut et concevoir, le moment venu, avec son partenaire européen un nouveau cadre juridique et institutionnel qui aille au-delà de l’association actuelle.
Modèles de référence pour le Statut avancé
Deux précédents s’avèrent particulièrement intéressants pour éclairer les perspectives du Statut Avancé en tant que partenariat privilégié avec l’Union européenne.
Le modèle de l’Espace Economique Européen
L’objectif de l’Espace Économique Européen (EEE) consiste à étendre le marché unique communautaire à un certain nombre de pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) qui ne veulent pas ou ne sont pas encore prêts pour entrer dans l’Union européenne. En tout cas, l’Espace Économique Européen est basé sur un Traité juridiquement contraignant pour les deux parties. Il est institutionnalisé.
Origine, évolution et limites.
L’EEE a trait aux relations entre la Communauté européenne (CE) et l’AELE. En 1973, l’entrée de deux de ses États membres, le Royaume-Uni et le Danemark, dans la Communauté, perturba l’AELE réduite à cinq pays: l’Autriche, la Finlande, la Norvège, la Suisse et la Suède. Il fallut conclure des accords commerciaux avec chacun de ces pays. Mais la perspective de la création du grand marché intérieur communautaire lancé à partir de 1985 et achevé fin 1992 exerça une attraction très forte sur ces pays auxquels l’Islande s’était jointe entre-temps. Il fallait une formule pour les faire participer substantiellement à ce marché sans pour autant qu’ils deviennent membres de la Communauté.
Négocié à partir de 1992, l’accord créant l’EEE fut signé le 2 mai 1992, pour entrer en vigueur le 1er janvier 1994. Il liait la Communauté (alors composée de 12 membres) et les 6 États membres de l’AELE[12]. Depuis que trois autres États de l’AELE, l’Autriche, la Finlande et la Suède, sont entrés dans l’Union européenne début 1995, l’EEE ne concerne plus que l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein (qui a rejoint l’AELE en mai 1995)[13].
L’Espace Économique Européen est un pas au-delà d’une zone de libre-échange. Le but de l’EEE consiste fondamentalement à étendre aux trois pays de l’AELE le marché intérieur de la Communauté européenne. Ce marché va bien au-delà de la suppression des droits de douane et des restrictions quantitatives entre pays membres: il vise à lever tous les obstacles pour créer un espace de liberté de circulation totale analogue à un marché national. A ce titre, l’EEE inclut:
– Les quatre libertés : libre circulation des marchandises (avec la suppression des droits de douane et des taxes d’effet équivalent ainsi que des restrictions quantitatives et des mesures d’effet équivalent; aménagement des monopoles commerciaux étatiques; simplification des contrôles frontaliers et coopération douanière ; libre circulation des personnes, des services et des capitaux (interdiction de la discrimination nationale pour la résidence et l’accès à l’emploi des travailleurs salariés; droit d’établissement pour les travailleurs indépendants et les sociétés; libre prestation des services; mesures destinées à faciliter l’exercice de ces libertés, en particulier la reconnaissance mutuelle des qualifications).
– Les politiques «horizontales» liées à la réalisation des quatre libertés : la plus importante est la politique de concurrence pour laquelle l’accord EEE reproduit à la lettre les dispositions du traité CE ; les autres politiques communautaires intégrées à l’EEE (transports; marchés publics; le droit des sociétés; propriété intellectuelle; politique sociale; protection des consommateurs; environnement) ;
– La participation aux politiques d’accompagnement («coopération en dehors des quatre libertés»). L’accord EEE prévoit la participation des États AELE aux activités de l’Union dans un certain nombre de domaines: recherche et développement; information; éducation et formation; jeunesse; tourisme; PME; audiovisuel; protection civile. Dans ces domaines, les États AELE participent en particulier aux programmes-cadres et aux projets sur la base d’un certain nombre de principes: égalité de droits et de responsabilités dans l’action concernée; participation financière des Etats AELE.
L’EEE a des limites : le libre-échange lui-même est limité: il ne couvre pas certains secteurs comme l’agriculture et la pêche. L’extension du marché intérieur n’est pas complète[14]. L’EEE n’est même pas une union douanière puisqu’il n’a pas de tarif extérieur commun. Par le fait même, il n’a pas non plus de politique commerciale commune vis-à-vis du reste du monde. Evidemment l’EEE exclut les autres éléments de l’intégration européenne qui sont: l’union économique et monétaire; la politique extérieure et de sécurité commune; la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures. Par-dessus tout, il n’intègre pas les trois pays au système institutionnel et de décision de l’Union européenne.
L’accord EEE ne se contente pas d’étendre aux pays AELE les règles fondamentales du traité CE relatives au marché intérieur. Il incorpore aussi l’ensemble de la législation d’application de ces règles produites par la Communauté à l’époque, le «droit secondaire» ou «l’acquis communautaire». Cette incorporation s’est faite dans les protocoles et les annexes de l’accord. Elle a porté sur environ 1 600 actes communautaires : règlements, directives, décisions et actes non contraignants relatifs pour la plupart aux quatre libertés et aux politiques connexes et, pour une minorité, aux politiques d’accompagnement.
L’UE produit en permanence de la législation sur le marché intérieur et les politiques qui y sont liées, législation qui doit évidemment être étendue aux trois États AELE pour que l’EEE fonctionne de manière pleinement homogène. L’accord EEE a donc organisé un mécanisme permanent d’incorporation.
– Les décisions d’incorporations sont prises, au fur et à mesure de l’adoption de nouveaux textes par l’UE, par un comité mixte, composé paritairement de représentants de l’Union européenne d’une part, de représentants des trois Etats AELE d’autre part, se réunissant à intervalles rapprochés (une fois par mois), pour décider ce qui, dans la législation et plus généralement dans l’ensemble des actes communautaires (actions, programmes…), doit être incorporé dans l’EEE[15]. Au total, quelque 4 000 actes communautaires ont été incorporés à l’accord EEE depuis son entrée en vigueur. Un conseil de l’EEE, composé des représentants du Conseil de l’UE et des ministres des affaires étrangères des États AELE, se réunit au moins deux fois par an pour donner l’impulsion politique et des orientations au comité mixte.
– Une fois un acte communautaire incorporé à l’accord EEE, il doit être transposé dans le droit interne des trois États AELE, si cette transposition est nécessaire suivant leurs règles constitutionnelles. Cette transposition peut prendre la forme d’une simple décision gouvernementale ou requérir une approbation parlementaire.
– Le mécanisme donne l’impression que l’extension des actes communautaires du marché intérieur aux États AELE est soumise à l’appréciation de ces Etats, une première fois sous la forme d’une décision d’incorporation du comité mixte, une seconde fois sous celle d’une décision nationale de transposition. En réalité, ces décisions ont un caractère essentiellement formel: la législation communautaire doit être étendue à ces Etats, ils n’ont pas le choix.
L’Accord d’Association oblige d’ailleurs le comité mixte à décider aussi vite que possible pour que l’acte en cause s’applique à peu près en même temps dans l’Union et dans les trois pays; la seule marge d’appréciation consiste en la possibilité d’adaptations purement techniques. Des dispositions ont certes été prises pour associer les États AELE à la préparation des actes communautaires. C’est ainsi que les représentants de ces États sont invités, à égalité avec leurs homologues des États de l’Union, à prendre part aux consultations écrites ou orales, et parfois au travail de comités permanents organisés à ce titre par la Commission européenne.
Même au stade de la procédure communautaire de décision (proposition de la Commission, délibération et décision du Conseil et du Parlement européen), les États AELE sont tenus régulièrement informés et même consultés. Après les décisions législatives, les Etats AELE sont encore consultés sur les mesures d’exécution de ces décisions prises par la Commission européenne. Ils sont en effet souvent invités à participer, sans droit de vote toutefois, aux divers comités qui assistent la Commission dans l’exercice de son pouvoir exécutif («comitologie»).
Il reste fondamentalement que les États AELE ne participent évidemment pas aux décisions de l’Union européenne elles-mêmes alors qu’un grand nombre de ces décisions leur sont quasi automatiquement applicables. C’est bien sûr la conséquence de leur non-appartenance à l’Union. Mais cela signifie paradoxalement que le mécanisme de l’EEE les rend moins souverains qu’ils ne le seraient s’ils étaient membres de l’Union.
Une fois le droit du marché intérieur intégré aux Etats AELE, reste à contrôler sa bonne transposition et sa bonne application. Sachant que ces États ne disposaient d’aucun mécanisme pour exercer ce contrôle, l’accord EEE a prévu que l’AELE mettrait en place un mécanisme approprié. Il se compose d’une autorité de surveillance, d’une cour juridictionnelle. Ces deux instances jouent, pour faire respecter les règles par les États AELE membres de l’EEE, le même rôle que jouent respectivement la Commission européenne, le Tribunal de première instance et la Cour de justice au sein de l’Union européenne.
Le modèle turc: un long parcours à la recherche de l’adhésion
Tout d’abord, la Turquie est candidate à l’entrée à l’UE. Sa candidature est ancienne. Dès le 31 juillet 1959, la Turquie présente sa demande d’association à la Communauté économique européenne. L’Accord d’Association entre la Turquie et la CEE, surnommé Accord d’Ankara, est signé le 12 septembre 1963 et inclut, comme celui avec la Grèce, et contrairement à ceux conclus avec le Maroc et la Tunisie en 1969, la perspective d’une adhésion[16]. C’est en 1995 que les institutions européennes et la Turquie relancent alors le processus d’intégration économique de l’Accord d’Ankara : l’union douanière, phase définitive de l’Accord d’Association, entre en vigueur le 31 décembre 1995[17].
Ensuite, la Turquie bénéficie de la reconnaissance du statut de candidat. Le Conseil européen de Luxembourg en décembre 1997 « confirme l’éligibilité de la Turquie à l’Union européenne », mais il ajoute que « les conditions politiques et économiques permettant d’envisager des négociations d’adhésion ne sont pas réunies ». Le Conseil européen d’Helsinki, en décembre 1999, présente une avancée décisive vers la reconnaissance du statut de candidat à la Turquie, puisqu’il « réaffirme que la Turquie, comme les autres pays candidats, bénéficiera d’une stratégie de pré-adhésion visant à encourager et à appuyer ses réformes ». En décembre 2000, un partenariat pour l’adhésion est conclu. Révisé en 2003, il a pour objectif général d’offrir un programme cohérent dans les domaines politiques et économiques pour préparer la Turquie à l’adhésion. Lors du Conseil européen de Copenhague en décembre 2002, « l’Union encourage la Turquie à poursuivre énergiquement son processus de réforme » et lui donne un « rendez-vous » en 2004 pour ouvrir des négociations d’adhésion. Mais celles-ci n’ont été formellement ouvertes qu’en 2005.
L’acceptation de l’adhésion est conditionnée par l’application des critères de Copenhague. Le Conseil européen d’Helsinki, en décembre 1999 précise que « l’adhésion à l’Union est subordonnée au respect de tous les critères de Copenhague », mais qu’une « condition préalable à l’ouverture des négociations d’adhésion est le respect des critères politiques ». En conséquence, seul le respect des critères politiques de Copenhague (institutions stables, démocratie, primauté du droit, droits de l’homme, respect et protection des minorités) est un préalable pour l’ouverture des négociations; les critères économiques (économie de marché viable, capable de supporter la concurrence au sein du marché unique) et l’alignement de la législation nationale sur l’acquis communautaire constituent deux exigences supplémentaires auxquelles un candidat doit satisfaire ultérieurement pour l’adhésion. Mais le cas de la Turquie démontre clairement que finalement il s’agit d’une décision politique.
Comme pour l’ensemble des pays candidats, la Commission européenne publie chaque année un rapport de suivi des progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion[18]. Ces rapports permettent de mesurer les progrès du pays et de pointer les éléments restant à décider ou à mettre en oeuvre dans l’ensemble des domaines couverts par les critères de Copenhague. Les rapports successifs soulignent que l’amélioration des droits de l’homme, des droits des minorités et de la liberté religieuse a été au coeur des réformes institutionnelles. Par ailleurs, les réformes se sont attaquées fortement aux structures mêmes de l’économie permettant à l’économie turque de s’engager dans un cercle vertueux de croissance.
Le Conseil européen de décembre 2004 a décidé de l’ouverture des négociations, celles-ci dureront de nombreuses années sous le contrôle, encore plus fin et plus attentif qu’actuellement, des institutions européennes qui pourront décider à tout moment, au vu de l’évolution du pays, de leur suspension ou de leur arrêt définitif. Compte tenu de l’opposition politique de l’Allemagne et la France à l’adhésion de la Turquie, ainsi que du conflit entre celle-ci et Chypre, notamment à cause du refus turque à ouvrir ses ports et aéroports aux bateaux et avions chypriotes, jusqu’au moment on a ouvert seulement 12 des 35 chapitres des négociations d’adhésion, et un seulement –Science- a été fermé.
Des limites de l’Union douanière à l’idée d’un « partenariat privilégié »
En attendant la suite à donner à la demande d’adhésion les relations entre la Turquie et l’UE sont régies par l’Accord d’union douanière entré en vigueur le 31 décembre 1995. Il est le seul accord de ce type pour un pays non membre de l’Union. Depuis le 1er janvier 2001, la Turquie applique les mêmes droits de douane que la Communauté européenne à l’égard des pays tiers. Cet exemple montre la particularité d’un tel accord douanier: la Turquie applique des mesures à la décision desquelles elle ne participe pas. L’accord douanier concerne la plupart des biens et marchandises, à l’exception des produits agricoles; les services ne sont pas non plus inclus dans l’accord.
Avec cette union douanière avec l’Union européenne, la Turquie est de fait déjà partie intégrante de « l’Europe-espace », quand bien même elle ne prend pas part au processus de décision communautaire. Elle semble prête, de plus, à participer à l’édification d’une « Europe-puissance » : elle dispose d’une politique étrangère et d’une défense telles qu’elle pourrait très largement contribuer au développement d’une politique étrangère et de sécurité commune qui ferait de l’Union européenne un acteur mondial.
Cependant, la faiblesse de conception de cette union douanière est que le partenaire, en l’occurrence la Turquie, doit aligner sa législation sur la législation communautaire sans pour autant participer au processus de décision européen. Ainsi, afin d’assurer un bon fonctionnement de l’Union douanière, la Turquie a dû reprendre une bonne partie de l’acquis communautaire, notamment dans les secteurs des douanes, de la politique commerciale, de la concurrence et de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale[19]. Cette particularité explique d’ailleurs en partie les difficultés d’application de l’union douanière, la Turquie imposant régulièrement des barrières non tarifaires aux importations européennes.
D’où l’idée d’un partenariat privilégié, en attendant l’aboutissement des négociations d’adhésion qui s’heurtent à des importantes difficultés, qui pourrait consister en une intégration complète de l’économie turque dans le marché unique. En fait, la formule « tout sauf les institutions » a émergé précisément en 2002 alors que les difficultés politiques pour une pleine adhésion de la Turquie semblaient insurmontables. Mais si le partenariat privilégié signifie la participation à certaines politiques communes, il ne s’agit que de politiques encore marginales dans le budget européen comme la politique de la recherche ou de l’éducation. La participation à la politique agricole commune ou à la politique régionale, qui représentent environ 80 % du budget européen, ne semble pouvoir se faire pour des raisons diverses que si le pays est un membre à part entière. Comment accepter les contraintes de la politique agricole commune sans en partager les décisions ? Comment faire participer à la politique de cohésion, censée marquer la solidarité entre les États membres, un pays non membre ?
La participation de la Turquie aux deux autres piliers que constitue la construction européenne -justice et affaires intérieures, politique étrangère et de sécurité commune – pourrait plus facilement d’un point de vue technique faire l’objet d’un partenariat privilégié, car il s’agit de domaines déjà à dominante intergouvernementale et non communautaire. Si la Turquie respecte pleinement les droits fondamentaux de l’Union européenne, elle peut même apporter une solide expérience en matière de lutte contre le terrorisme par exemple. Le secteur de la justice et des affaires intérieures représente un transfert de souveraineté important et sensible, qui ne peut s’entendre que si l’ensemble des partenaires se trouvent sur un pied d’égalité. La contribution turque en matière de politique étrangère et de défense pourrait être encore plus décisive[20].
Cependant,pour la Turquie, quel pourrait être l’avantage de participer à un tel partenariat privilégié sans être membre de l’Union européenne, alors qu’elle est déjà un membre important de l’OTAN ? Le contenu d’un partenariat privilégié est donc problématique. Au surplus, cette idée ne répond pas aux très fortes attentes actuelles des autorités et de la population turques.
Dans le cadre des négociations d’adhésion, la mise en oeuvre effective des réformes est en permanence jugée et un dialogue constant s’engage entre les deux parties. Le pays candidat devient en effet pleinement conscient durant cette période des transferts de souveraineté et des contraintes que constitue l’adhésion à l’Union. La Turquie et l’Union européenne pourront déterminer ensemble le meilleur mode d’association de la Turquie à l’Union européenne.
Les négociations peuvent aboutir à des périodes transitoires, parfois longues ; elles peuvent retenir des clauses de sauvegarde ; elles peuvent prévoir certaines dispositions spécifiques répondant à des situations géographiques particulières ; mais elles ne portent pas sur le fond même de l’acquis communautaire. Celui-ci n’est pas l’objet de la négociation et doit être, à terme, intégré en totalité par un pays qui rejoint l’Union.
Certes, le chemin sera long et difficile. Mais si, demain, se développait, grâce à l’Europe, un État musulman modéré, porteur du progrès économique et respectueux des libertés et droits humains, cela ne serait-il pas susceptible de changer la vision de beaucoup de ceux qui, déçus, ne voient l’avenir que dans l’extrémisme et l’intégrisme ? Et dès lors que la Turquie répondrait aux exigences européennes et respecterait pleinement ses valeurs, pourquoi refuser de lui tendre la main ?
Entre Politique Européenne de Voisinage et « tout sauf les institutions » : différentiation pour tous les voisins?
Dès les premiers documents de la Politique Européenne de Voisinage (PEV), la différentiation entre les voisins et partenaires et leurs rythmes respectifs d’intégration dans l’Espace Économique Européen a été un des principes d’orientation (avec le gradualisme et l’appropriation commune). Déjà dans la première Communication de la Commission sur la PEV de mars 2003, «L’Europe élargie – voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud »[21], la Commission observait que « étant donné les écarts observés dans l’état d’avancement des réformes et le développement économique, les pays voisins devraient progresser à des rythmes différents au cours de la prochaine décennie». Dans le document d’orientation de la PEV publié par la Commission en 2004[22], le pari pour la différentiation était encore plus explicite et déterminé :
« Les plans d’action s’appuieront sur un ensemble commun de principes mais seront différenciés, reflétant en cela l’état des relations avec chaque pays, ses besoins et ses capacités ainsi que les intérêts communs. Le niveau d’ambition des relations de l’UE avec ses voisins tiendra compte de la mesure dans laquelle ces valeurs sont effectivement partagées. »
L’ambition et le rythme de développement des relations de l’UE avec chaque pays partenaire dépendront de son engagement en faveur de valeurs communes, ainsi que de sa volonté et de sa capacité de mettre en œuvre les priorités convenues.
Différenciation
Le point de départ des plans d’action est un ensemble commun d’éléments qui correspondent aux objectifs de la PEV. […] Toutefois, l’élaboration des plans d’action et l’établissement des priorités avec chaque partenaire dépendront des circonstances spécifiques. Celles-ci diffèrent selon la localisation géographique, la situation politique et économique, les relations avec l’Union européenne et avec les pays voisins, les programmes de réforme, le cas échéant, les besoins et les capacités, ainsi que les intérêts perçus dans le contexte de la PEV. Les plans d’action établis en accord avec chaque partenaire seront donc différenciés.
La différenciation devrait, dans le même temps, être fondée sur un engagement ferme en faveur de valeurs communes et être compatible avec une approche régionale cohérente, en particulier lorsque l’approfondissement de la coopération régionale peut apporter des bénéfices manifestes. »
Comme indiqué au chapitre 3, le Statut Avancé est censé être, avant tout, une manifestation de cette différentiation, ainsi qu’une reconnaissance des spécificités historiques des relations UE-Maroc. Or la spécificité du Statut Avancé du Maroc n’a pas tardé à se diluer après l’adoption du Document conjoint. Dans les Conseils d’Association tenus après l’adoption du Document conjoint avec la Jordanie (le 11 octobre 2008) et la Tunisie (le 11 novembre 2008)[23], les deux pays ont demandé et obtenu l’ouverture de négociations dans le même sens (y compris la constitution d’un groupe de réflexion ad hoc pour définir le cadre et les objectifs d’un partenariat renforcé), et l’Égypte les a rejoint peu après. Dans la même ligne, deux mois après l’adoption du Document conjoint le Conseil des Affaires Générales et Relations Extérieures de l’UE a adopté, lors de sa réunion des 8-9 décembre 2008, des conclusions concernant les «Relations bilatérales avec les partenaires méditerranéens”. Il s’agissait cette fois d’un document unilatéral faisant état des différents arrangements établis ou à établir par l’UE pour « pour renforcer la coopération bilatérale avec tous les pays méditerranéens » (point 1), y compris bien sûr le Maroc, mais aussi la Tunisie, la Jordanie et l’Égypte, la Libye, avec laquelle un accord-cadre qui serait le premier lien contractuel de ce pays avec l’UE est en cours de négociation, ainsi que l’Algérie (qui s’est auto-exclue de la PEV) et la Syrie (qui hésite toujours à signer et ratifier l’Accord d’Association euro-méditerranéen déjà paraphé).
Israël, État membre de fait?
Mais le point le plus long des conclusions (plus d’une page sur les trois que compte le document, plus une annexe spécifique de quatre pages spécifiant des « Lignes directrices en vue du renforcement des structures du dialogue politique avec Israël »[24]) correspond à Israël. «Le Conseil [y] réaffirme sa détermination à rehausser le niveau et l’intensité de sa relation bilatérale avec Israël, à la faveur de l’adoption du nouvel instrument qui succédera au plan d’action actuel, à compter d’avril 2009” (connu comme upgrading).En effet, fin 2007 le gouvernement israélien a transmis à l’Union européenne un document non officiel demandant un « statut spécial » dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage. L’État d’Israël souhaitait ainsi participer à plusieurs politiques et programmes communautaires, notamment pour renforcer la coopération technologique et commerciale, mais également prendre part aux réunions du Conseil ayant trait à l’économie, l’environnement, l’énergie ou la sécurité. Cette demande a, d’une part, donné lieu à la signature, le 15 avril 2008, d’un protocole relatif à un accord-cadre entre la Communauté européenne et l’État d’Israël relatif aux principes généraux de la participation de l’État d’Israël aux programmes communautaires, chose que l’UE n’a fait, jusqu’à présent, qu‘avec les pays des Balkans occidentaux. D’autre part, la demande de l’État d’Israël a été examinée et accueillie favorablement lors du huitième Conseil d’Association entre l’UE et Israël tenu le 16 Juin 2008. Il faut ici souligner que les négociations autour du possible contenu de ce « rehaussement » des relations se sont déroulées dans la plus grande opacité jusqu’au Conseil d’Association (CA). La position du CA a suscité une vive critique des parlementaires européens, tant sur le fond que sur la méthode et l’absence de transparence de ce processus. Tous les groupes politiques confondus ont conclu à l’inopportunité d’ouvrir de telles négociations, au vu de la dégradation de la situation et du non-respect des engagements d’Annapolis. De même, le 3 décembre 2008, le Parlement européen a repoussé le vote sur la participation accrue d’Israël aux programmes communautaires, au motif que la situation humanitaire à Gaza ne se prêtait pas à un rehaussement des relations avec Israël. Pourtant, contre toute attente, la proposition du Conseil d’Association a été examinée par le Conseil « Affaires étrangères et relations extérieures » du 8 décembre 2008, qui a adopté les conclusions mentionnées ci-dessous avec les lignes directrices.
Ce rehaussement des relations bilatérales, qui devait se matérialiser immédiatement au premier semestre 2009 par un Sommet UE-Israël sous présidence chèque, a, par la suite, été de facto gelé, fin avril 2009, suite aux attaques militaires d’Israël sur Gaza (décembre 2008-janvier 2009) et à l’élection du nouveau gouvernement israélien. Mais cela n’a pas empêché la coopération étroite de se poursuivre, tant sur le plan économique et commercial qu’aux niveaux politique et même stratégique, au point de permettre au Haut Représentant de l’Union européenne pour la Politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, d’assurer, lors d’une visite en Israël en octobre 2009, que « Israël, permettez-moi de le dire, est un membre de l’Union européenne sans être membre de ses institutions ».
L’annexe des conclusions du Conseil définit les lignes directrices en vue du renforcement des structures du dialogue politique avec Israël, y compris un sommet sur une base ad hoc (comme dans le cas du Maroc), trois réunions annuelles au niveau des ministres des affaires étrangères (dans le cas du Maroc, seulement des réunions informelles sur une base ad hoc sont prévues) et la participation ad hoc d’Israël dans les groupes et comités de l’UE (comme dans le cas du Maroc), ainsi que d‘autres mesures de dialogue politique formulées, en général, en termes plus spécifiques et systématiques que dans le cas du Maroc.
Par ailleurs, les lignes directrices prévoient l’ouverture du champ des négociations ministérielles, l’ouverture à Israël du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne, la facilitation de l’audition d’experts israéliens par les groupes et comités du Conseil, la systématisation et l’élargissement des consultations stratégiques informelles, l’approfondissement des échanges thématiques, notamment sur les droits de l’homme, l’encouragement d’Israël à s’aligner sur la Politique étrangère et de sécurité commune, la mise en œuvre d’une coopération de terrain en matière de Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), l’insertion et l’implication d’Israël dans les enceintes multilatérales et enfin l’approfondissement du dialogue inter-parlementaire.
De fait, cela établirait avec l’État d’Israël un partenariat politique qui n’a jamais été accordé à ce jour à aucun pays au titre de la politique de voisinage. Cette coopération renforcée prévoirait la possibilité pour chaque présidence tournante de l’UE d’inviter un responsable de la diplomatie israélienne à une réunion des ambassadeurs de l’UE sur les questions de sécurité. L’UE se dit aussi prête à envisager “la possibilité d’inviter Israël à participer aux missions civiles” menées dans le cadre de sa politique de défense et de sécurité, “au cas par cas et lorsque l’intérêt commun s’y prêtera”, et à avoir avec Israël, “au moins une fois par an”, un dialogue informel sur les grandes questions stratégiques.
Sur le fond et par respect des normes de droit international et communautaire, il est déplorable que l’État d’Israël puisse se voir octroyer, comme une récompense, un statut spécifique de quasi membre de l’Union alors même que, sur le terrain, Israël accélère la construction de colonies, maintient le bouclage des territoires palestiniens, notamment dans la bande de Gaza, et pratique de nombreuses formes de violation des droits de l’homme envers sa propre minorité palestinienne et dans les territoires occupés.
Le Partenariat Oriental ou le Statut le plus avancé ?
Au voisinage Est de l’Europe, une dynamique semblable est en place. Autant le contenu que la formulation du « Partenariat Oriental » établi lors du Sommet de mai 2009 avec l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et le Bélarus ont les mêmes contours que le Statut Avancé. Même s’il s’agit d’une initiative multilatérale, conçue par la Suède et la Pologne en bonne partie comme réaction au projet d’Union pour la Méditerranée, ses éléments constitutifs rappellent ceux du Statut Avancé. La coïncidence temporelle avec celui-ci et les Conclusions du Conseil que nous venons de rappeler permettent de penser à l’émergence d’un nouveau modèle de relations spéciales de l’UE avec son voisinage : le Partenariat Oriental a en effet été défini dans la Communication de la Commission européenne du 3 décembre 2008,[25] puis dans les conclusions du Conseil européen des 19-20 mars 2009. La Communication de la Commission a formulé des propositions porteuses d’un message politique fort insistant sur la mise en œuvre du Partenariat Oriental sur la base d’un engagement politique profond et sans faille des États membres de l’Union européenne. « L’Union doit être ouverte à ces aspirations en offrant un niveau d’association politique plus élevé et en intensifiant progressivement les relations dans des domaines essentiels ». Des accords d’association, négociés avec les partenaires, constitueraient le nouveau cadre contractuel pour un engagement plus profond, qui remplacerait les accords de partenariat et de coopération actuels.
Les éléments communs de ce nouveau modèle sont les suivants : a) le renforcement du dialogue politique, b) l’établissement d’une Zone de Libre-échange Globale et Approfondie, 3) des modalités de participation des pays partenaires dans les agences et programmes de l’UE, et d) la perspective d’une augmentation significative de l’assistance financière. Cependant, quelques différences donnent au Partenariat Oriental une dimension plus profonde que les relations qui caractérisent le Statut Avancé avec le Maroc:
- Les Ministres des affaires étrangères se réuniront tous les ans (et non sur une base ad hoc), et les sommets des chefs d’États et de gouvernements sont prévus « en principe » tous les deux ans et non sur une base ad hoc. Le premier Sommet a eu lieu à Prague le 7 mai 2009 au moment même où le Partenariat a été établi formellement.
- Dans le cas du Partenariat Oriental, des “mesures pour avancer vers une pleine libéralisation des visas en tant qu’objectif à long terme pour les partenaires individuels sur une base au cas par cas, pourvu que les conditions pour une mobilité bien gérée et sûre concurrent » sont prévues, et la Commission s’engage à lancer une étude “pour quantifier les coûts et les bénéfices pour l’UE et pour les partenaires en ce qui concerne la mobilité de la main d’œuvre et des éventuelles mesures pour coupler la demande et l’offre de main d’œuvre”, avec pour perspective de « poursuivre une ouverture ciblée du marché de travail de l’UE aux citoyens des pays partenaires ». Cette question est complètement absente du Statut Avancé (voir chapitre 9).
- Le soutien au développement régional des pays partenaires. Le Partenariat Oriental prévoit un programme de renforcement des capacités institutionnelles « bien au-delà de ce qui a été entrepris jusqu’alors dans le cadre de la PEV », ainsi qu’une assistance directe pour la mise en œuvre d’une politique régionale sur le modèle de la politique de cohésion de l’UE.
- La création de quatre plateformes thématiques pour le dialogue politique sectoriel dans le cas du Partenariat Oriental (sur la démocratie, la bonne gouvernance et la stabilité, l’intégration économique et la convergence avec les politiques sectorielles de l’UE, la sécurité énergétique et les contacts entre les peuples), en contraste avec l’ambigüité du Document conjoint à cet égard. Chacune de ces plateformes, qui ont été mise en œuvre seulement quelques semaines après le Sommet de Prague, «adoptera un ensemble d’objectifs-clés réalistes et régulièrement actualisés – avec un programme de travail correspondant – et évaluera les progrès réalisés. Les réunions se tiendront deux fois par an au niveau des hauts fonctionnaires ».
- La Communication de la Commission prévoit de « compléter l’actuelle enveloppe financière de l’IEVA avec 350 millions d’euros en plus des ressources prévues pour 2010-2013 » provenant des réserves du chapitre 4 du budget communautaire, tandis que dans le cas du Statut Avancé aucune ressource financière additionnelle n’est prévue avant 2014.
Le Partenariat Oriental se profile alors clairement comme un schéma « PEV Plus », ce qui reste à prouver dans le cas du Statut Avancé, mais « EÉE moins » car il ne configure pas un mécanisme juridiquement contraignant et institutionnalisé de participation au marché unique. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si cette prolifération de relations spéciales et privilégiées avec les pays voisins répond à un concept global de « politique de voisinage à vitesse variable » qui module le « jalon dans le marché unique », la participation dans les programmes et agences communautaires et l’intensité du dialogue politique en fonction des progrès effectués en matière de réformes, d’application du Plan d’Action et d’adoption de l’acquis communautaire de chaque partenaire (reliant l’accès différencié au marché unique à une convergence différenciée[26]) ; en d’autres termes, si elle répond à une stratégie de différentiation basée sur une conditionnalité positive comme prévu dans l’article 7a du Traité de Lisbonne ou plutôt à l’intérêt géopolitique conjoncturel des États membres à chaque moment.
Dans tous les cas, plus spécifiquement par rapport au Statut Avancé, il est possible de se poser la question de savoir s’il s’agit d’un montage politico-institutionnel ad hoc pour le Maroc dans les relations extérieures de l’UE ou plutôt d’un nouveau « modèle » d’intégration profonde que l’UE propose comme diversification de sa stratégie à des voisins désireux de s’intégrer à l’EÉE grâce aux réformes qu’ils mènent. La Partie II de ce document aborde cette question domaine par domaine.
Une année de Statut Avancé : vers un partenariat de plus en plus étroit?
Le Document conjoint
La volonté mutuelle d’établir une relation privilégiée entre l’UE et le Maroc s’est concrétisée le 13 octobre 2008 lors du 7ème Conseil d’Association dans le cadre duquel les parties ont adopté un « Document conjoint UE-Maroc sur le renforcement des relations bilatérales/Statut Avancé », sur proposition d’un groupe de travail ad hoc qui avait été créé lors de l’antérieur Conseil d’Association en 2007[27]. Il s’agit d’une formule inhabituelle, dans le sens où ce Document conjoint, de 14 pages, est avant tout l’expression d‘une volonté politique sans effets juridiques, une « feuille de route ambitieuse pour le développement des relations bilatérales UE-Maroc vers un ‘Statut Avancé’ » qui, par conséquent, ne se considère pas acquis et dont la « mise en œuvre se fera à court et moyen terme ». Dans un même temps, le Document conjoint spécifie que « les actions et propositions retenues par le groupe de travail couvrent les dimensions politique, économique, financière, sociale et humaine”, passe en revue tous les domaines de coopération entre les deux parties et mentionne des actions très concrètes dans quelques cas.
Les objectifs du Statut Avancé sont les suivants:
- « Le renforcement des relations bilatérales a pour ambition d’accompagner la
dynamique endogène que connaît le Maroc et d’accélérer le mouvement du partenariat Maroc-Union européenne » ;
- « le Statut Avancé devra se traduire par un raffermissement de la coopération politique entre le Maroc et l’Union européenne en vue d’une plus grande prise en compte de leurs priorités stratégiques respectives, par une intégration progressive du Maroc au Marché Intérieur de l’UE».
- « Le Statut Avancé a également pour vocation une plus grande implication des entités territoriales, des acteurs économiques et des partenaires sociaux des deux parties dans l’objectif de promouvoir les synergies entre ces intervenants et de concrétiser l’appropriation commune de ce partenariat ».
- « Les deux parties affirment leur volonté que le Statut Avancé, dans sa dimension économique et financière, devrait permettre, à terme, la mise en place d’un espace économique commun, entre l’UE et le Maroc, caractérisé par une intégration poussée de l’économie marocaine à celle de l’UE et s’inspirant des normes qui régissent l’Espace Économique Européen. »
- « Développer la dimension humaine du partenariat UE-Maroc, à travers le renforcement des échanges culturels, éducatifs et scientifiques».
Ces objectifs ont été synthétisés quelques semaines plus tard dans les conclusions du Conseil des ministres des Affaires générales et relations extérieures de l’UE des 8-9 décembre 2008 sur les « Relations bilatérales avec les partenaires méditerranéens »,[28] où la « volonté commune du Royaume du Maroc et de l’Union européenne de nouer un partenariat de plus en plus étroit et mutuellement bénéfique, couvrant toutes les dimensions et a tous les niveaux, afin notamment de consolider le processus de réformes et de modernisation économique et sociale de ce pays » est mentionnée.
Quant aux instruments mis en place pour atteindre ces objectifs, hors des nombreuses actions de dialogue et coopération prévues dans le DC, il convient de souligner les suivants:
- le premier, mentionné parmi les objectifs mêmes du Statut Avancé, dés la première page du Document conjoint, est bien celui d’un «soutien financier approprié et en phase avec l’ampleur et le caractère ambitieux de cette nouvelle évolution » ;
- quant à l’intégration du Maroc au marché intérieur de l’Union européenne, il « constitue un objectif ambitieux qui doit être atteint à travers un processus graduel et séquencé, basé sur la reprise progressive de l’acquis communautaire de l’UE » par le Maroc.
- la « conclusion d’un Accord de Libre-échange Global et Approfondi » et « éventuellement, du lien contractuel qui remplacerait l’Accord d’Association» ;
- la « connexion du Maroc aux réseau transeuropéens et coopération sectorielle » de transports, énergie et TIC
- « la participation du Maroc à certains programmes et agences communautaires ».
Ainsi, le quid pro quo du Statut Avancé semble se résumer à une adhésion du Maroc à l’acquis communautaire en échange de sa participation dans certains des programmes, agences et processus politiques communautaires, l’accès au marché unique et une assistance financière « appropriée ». Mais le concept d’un « partenariat de plus en plus étroit et mutuellement bénéfique » cache une relation d’une nature structurellement asymétrique : tandis que se multiplient les engagements concrets de « réformes » (5 mentions dans le Document conjoint), « adhésion » (3), « rapprochement du cadre législatif du Maroc à l’acquis communautaire» (5), ou « alignement », l’offre, en échange, est assez limitée, souvent aléatoire (« ad hoc ») et, dans tous les cas, très loin du motto « tout sauf les institutions » qui avait été évoqué lors de la présentation publique même du Statut Avancé.
Le Document conjoint reste avant tout un accord pour continuer à négocier et apprendre sur le chemin, au fur et à mesure de la mise en œuvre de ses actions. Il n’a aucun caractère contraignant, n’entraîne pas d‘engagements fermes des parties. En fait, comme nous le démontrons plus bas, il évite soigneusement tout engagement concret sur les grands dossiers des relations euro-marocaines: l’assistance financière, la mobilité des personnes ou la libéralisation agricole.
Par ailleurs, le Plan d’Action de voisinage adopté en 2005 contenait déjà une offre très semblable à celle du Document conjoint sur le Statut Avancé. En effet, dans le chapitre sur les « Nouvelles perspectives de partenariat » on indiquait que :
« La politique européenne de voisinage offre de nouvelles perspectives de partenariat:
• La perspective de progresser au-delà des relations existantes vers un degré significatif d’intégration, y compris en offrant au Maroc une participation dans le marché intérieur ainsi que la possibilité de prendre progressivement part aux aspects clé des politiques et des programmes de l’UE.
• Une revalorisation de l’étendue et de l’intensité de la coopération politique à travers le dialogue politique renforcé.
• Les possibilités de convergence de la législation économique et d’ouverture des économies entre elles avec en particulier la réduction continue des barrières commerciales stimuleront l’investissement et la croissance.
• Un soutien financier accru: une assistance financière renforcée sera accordée par l’UE au Maroc pour accompagner la mise en œuvre de l’accord d’association dans tous ses volets et soutenir la réalisation des actions identifiées dans le plan d’action. […]
• La perspective d’une ouverture graduelle ou d’une participation renforcée à certains enceintes et programmes communautaires notamment dans les domaines couverts par le plan d’action.
• Un soutien comprenant notamment une assistance technique ciblée et des actions de jumelage en vue du rapprochement avec la législation de l’UE dans les domaines couverts par le plan d’action.
• L’approfondissement des relations économiques et commerciales.
• L’établissement d’un dialogue constructif sur la question des visas entre l’Union européenne et le Maroc, incluant l’examen de facilitation de l’attribution de visa en accord avec l’acquis.
• Un renforcement de la coopération directe entre les administrations qui participent aux sous-comités thématiques institutionnalisés.
En fonction de la réalisation des objectifs de ce plan d’action et de l’évolution générale des relations entre l’UE et le Maroc, la possibilité d’une nouvelle relation contractuelle sera envisagée. […]»
Ce paragraphe se répète quasi littéralement dans tous les autres plans d’action de voisinage qui, par ailleurs, ont une structure très semblable à celle du Document conjoint, mais plus détaillée. Cela met en évidence le fait que, au delà du « label » de « Statut Avancé », l’offre différentielle par rapport à la PEV est éthérée.
Sa valeur ajoutée réside plutôt dans son caractère symbolique marquant la volonté d’établir une relation privilégiée et reconnaissant l’engagement et les progrès du Maroc dans son processus de réformes et d’intégration dans l’espace européen. Ses contributions concrètes, en deçà et au-delà de la Politique Européenne de Voisinage, sont à trouver surtout dans la dimension du dialogue politique, c’est-à-dire, l’intensification des relations politiques et stratégiques entre les deux partenaires. Mais cela se fait d’une façon très prudente et « ad hoc », c’est–à-dire, forcément soumise aux aléas des relations politiques de chaque moment. Par ailleurs, le Statut Avancé semble « verrouiller » les progrès du Maroc en matière des droits de l’homme, et le dialogue renforcé sur ces questions est l’un des aspects les plus positifs de ce nouveau cadre des relations, menant normalement à un degré plus élevé de pression pour le « respect des normes » à moyen terme.
Structure des actions prévues dans le cadre du Statut Avancé
Dimension politique | Dialogue politique et stratégique |
Coopération parlementaire | |
Coopération sécuritaire | |
Coopération judiciaire | |
Dimension économique, financière et sociale | Rapprochement du cadre législatif du Maroc à l’acquis communautaire |
Accord de Libre-échange approfondi et global | |
Coopération économique et sociale Investissement Groupe de travail patronat Industrie Politique d’entreprise Normalisation et réglementation technique Propriété industrielle Dialogue et coopération en matière d’emploi et sociale Coopération entre CES | |
Connexion du Maroc aux réseaux transeuropéens et coopération sectorielle Transports Énergie Technologies de l’information et de la communication Agriculture Pêche Mines Environnement Eau | |
Dimension humaine | Encouragement des réseaux d’échanges et de consultations entre les acteurs de la société civile et implication de nouveaux acteurs |
Structuration des relations entre les entités territoriales | |
Rapprochement du système d’enseignement Supérieur et de Recherche professionnelle marocaine à l’Espace européen d’Enseignement supérieur | |
Coopération dans la mise en œuvre de l’approche globale dans le domaine de la migration | |
Appui à la formation en matière de politiques communautaires | |
Programmes et Agences de l’Union européenne |
Quels objectifs, quelles atteintes cibles ?
Pour éclairer un peu les dessous de cette structure, il est utile de s’attarder un moment sur les objectifs et les atteintes cibles des parties dans cette dynamique.
Pour l’UE, il s’agit surtout d’une dynamique entamée sur la base du principe de différentiation ancré dans la PEV (voir chapitre 3 sur cette question).
Le Maroc, qui se présente volontiers comme le « meilleur élève » des partenaires méditerranéens de l’UE, a adopté, à plusieurs reprises, une attitude constructive dans certains domaines (acceptation, par exemple, de la création d’un sous-comité « droits de l’homme, démocratisation et gouvernance » dans le cadre de l’Accord d’Association) et volontariste de par sa participation à des champs de coopération tels que la PESD (mission ALTHEA en Bosnie-Herzégovine), ou le système européen de radionavigation par satellite Galiléo (signature d’un Accord de coopération le 12 décembre 2006).
Au-delà de ces considérations générales, les motifs de l’UE pour accorder un Statut Avancé au Maroc sont les suivants :
- Les intérêts de quelques États membres, notamment la France (sous la Présidence de laquelle a été adopté le Document conjoint sur le Statut Avancé) et l’Espagne (sous la Présidence de laquelle s’est organisé le Premier Sommet UE –Maroc), qui s’érigent en porteurs du Statut Avancé et donnent l’impulsion politique.
- L’UE porte un regard favorable sur les progrès des réformes entamées par le Maroc dans le cadre du Plan d’Action de voisinage, comme constaté dans les successives déclarations à l’occasion des Conseils d’Association ainsi que dans les rapports de progrès de la Commission européenne.
- Elle souhaite mettre en exergue, dans le cas du Maroc, un modèle de réussite du Partenariat euro-méditerranéen en termes de croissance et gestion macroéconomique, mais aussi de démocratisation et de droits de l’homme et, plus généralement, un modèle de réformes et modernisation pour l’ensemble des pays arabes.
- L’UE souhaite consolider ces progrès et stabiliser un pays voisin clé pour la gestion des flux migratoires, et dont 3 millions de ressortissants habitent en Europe.
- Assurer la coopération avec un partenaire stratégique pour le contrôle des migrations irrégulières, la stabilisation de l’Afrique subsaharienne et la lutte contre le terrorisme international dans la zone du Sahara et du SahelLe Statut Avancé est censé servir d’encouragement pour que le Maroc avance dans la voie de l’adoption de l’acquis communautaire (convergence réglementaire).
Pourtant, il n’est pas clair que l’UE soit prête à mobiliser les ressources financières et institutionnelles nécessaires pour être à la hauteur de ses objectifs et des atteintes du Maroc.
Pour le Maroc, les objectifs se déclinent à des niveaux multiples, autant sur un plan symbolique que sur le plan substantiel :
– Sur le plan géopolitique, le Maroc conforte, grâce au Statut Avancé, son rôle d’avant-garde et partenaire de référence à l’échelle euro-méditerranéenne. Dans un même temps, il se positionne par rapport aux développements prévisibles de la Politique Européenne de Voisinage et ses évolutions différentiées, dans la mesure où l’UE sera amenée à offrir des alternatives à l’adhésion sous formes de cadres contractuels ‘spécifiques et privilégiés’ à ses partenaires les plus proches. Ce pourrait être notamment le cas de l’Ukraine, voire de la Turquie et désormais du Maroc. Au-delà de cet objectif immédiat, le Statut Avancé offre au Maroc une plateforme pour promouvoir auprès de l’UE sa vision de l’Afrique, devenir un co-acteur de l’UE sur les questions liées à la sécurité régionale et au service de sa stratégie économique dans la région.
– Sur le plan politique, le Statut Avancé permet au Maroc se concerter avec l’UE comme partenaire stratégique du point de vue économique comme social et politique, et d’établir des canaux pour assurer que l’UE ait la meilleure perception possible des intérêts stratégiques nationaux, y compris la question du Sahara et la question de la situation de la communauté marocaine établie en Europe.
– Sur le plan économique, le Maroc s’assure un soutien et une impulsion aux réformes sur lesquelles il s’est engagé dans le cadre de son processus de modernisation économique et sociale (propriété intellectuelle, normes SPS, concurrence, protection du consommateur, gouvernance d’entreprise, normes environnementale, normes prudentielles bancaires, aides de l’État …) à travers le recours à l’expertise réglementaire de l’UE. Le Statut Avancé offre également un meilleur cadre pour négocier l’assistance financière de l’UE. Il permet aussi d’essayer d’arrimer physiquement le Maroc aux réseaux transeuropéens (RTE) dans les domaines du transport, de la recherche développement et de l’énergie. Les Accords Open Sky, Galileo et le Plan Solaire de l’UpM seront le socle de cet arrimage. Le rapprochement graduel et séquencé avec l’acquis communautaire a pour but d’arrimer l’économie marocaine au marché intérieur de l’UE. Cet exercice essaie aussi de conforter l’image du Maroc auprès des opérateurs économiques internationaux et des agences de notation sur son engagement irréversible pour les réformes et son orientation à promouvoir les plus hauts standards de bonne gouvernance économique en s’inspirant des normes édictées par l’Union européenne.
Ceci dit, et bien que le Statut Avancé ait pour le Maroc une dimension beaucoup plus stratégique que pour l’Union européenne, quelques épisodes démontrent clairement que les objectifs poursuivis par ce Statut Avancé sont toujours subordonnés à d’autres intérêts de la politique extérieure et intérieure du Maroc qui risquent de fragiliser les progrès, par exemple, en matière de dialogue politique (voir l’ « affaire Aminetou Haidar » et ses conséquences pour la confiance mutuelle, dont il est question ci-dessous) ou de coopération financière (non participation au Programme de coopération transfrontalière, voire chapitre 10).
L’application du Statut Avancé en 2009
Comme on peut le constater dans le Rapport d’évaluation UE-Maroc sur la mise en œuvre du Document conjoint présenté au Conseil d’Association du 7 décembre 2009, la première année d’application de ce nouveau cadre de relations a servi pour démarrer le nouveau cadre de coopération dans quelques domaines, dans certains cas avec des évolutions très symboliques comme la participation d’un représentant du Maroc en marge du Comité Politique et de Sécurité de l’UE (COPS) en juin 2009, mais aussi la concertation dans les enceintes multilatérales (notamment au sein du Conseil des droits de l’homme de Nations-Unies et en marge de l’Assemblée générale des Nations-Unies).
Le Maroc est aussi devenu membre du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe, étant le premier pays non-européen à atteindre ce statut, et, plus important encore, le pays a demandé le statut d’observateur à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il envisage d’adhérer à certaines conventions du Conseil de l’Europe, notamment en matière de protection des droits fondamentaux, ouvertes à la participation des pays non membres. Cela revêt une grande importance étant donné le rôle que le Conseil d’Europe joue dans le système européen de protection des droits de l’homme.
Dans le domaine économique, les échanges sur la convergence réglementaire l’ont emporté sur tout autre sujet, notamment avec la définition d’une méthodologie concertée dans ce domaine, avec un mécanisme pour répertorier l’écart entre la législation marocaine et l’acquis communautaire et l’identification de quelques secteurs prioritaires (en l’occurrence services financiers, marchés publics et normes de qualité/sécurité industrielle). Mais l’élaboration d’un programme national de convergence réglementaire avec l’acquis communautaire définissant des priorités de convergence, mais surtout les ressources nécessaires, le séquençage de mise en œuvre et les arrangements institutionnels (interministériels) pour piloter tout le processus, reste un objectif.
Si les avancées sont évidentes en termes de processus de rapprochement des relations, sur les dossiers substantiels les progrès sont beaucoup plus mitigés. En effet, aucune avancée concrète n’a été faite, ni sur le libre-échange (l’Accord de Libre-échange global et approfondi visé dans le Document conjoint est mis en attente jusque ce que l’on achève un accord sur l’agriculture –c’était le cas en décembre 2009-, sur les services et sur le droit d’établissement, avec entre-temps le risque de réduire le processus d’intégration économique à la simple convergence normative), ni sur les perspectives d’assistance financière (où, même si le Maroc est clairement bénéficiaire de la redistribution des fond de l’Instrument européen de voisinage et partenariat pour 2011-2013 –voire en bas le chapitre 9-, les perspectives ne sont pas claires du tout), ni sur le dossier de la mobilité..
La conclusion des négociations sur la libéralisation agricole, prévues tous les cinq ans dans le cadre de l’Accord d’Association, annoncée en décembre 2009 par la Commission et le gouvernement marocain, est un pas en avant. Cependant, celle-ci doit encore être ratifiée (et la Présidence espagnole de l’UE a déjà annoncé que le conseil des ministres de l’agriculture ne prévoit pas de le faire pendant le premier semestre 2010), mais surtout, elle ne change pas la logique du système de quotas, calendriers de commercialisation et prix minimaux qui s’appliquent jusqu’à présent, notamment pour les fruits et légumes les plus sensibles et avec un potentiel plus important pour le Maroc (tomate, ail, clémentine, fraise, courgette et concombre). Dans tous les cas, le Statut Avancé ne semble avoir eu aucun impact décisif sur la dynamique des négociations commerciales, qui ont suivi leur cours au même rythme qu’auparavant, que ça soit dans le secteur agricole, les services ou le droit d’établissement.
Au niveau sectoriel, les réalisations concrètes au cours de cette année se centrent sur la signature d’une convention entre les institutions marocaines concernées en vue de demander l’adhésion à l’Entreprise Europe Network, en plus de la concertation et consultations sur d‘autres secteurs comme la politique maritime intégrée.
En ce qui concerne la recherche scientifique et technique, le Maroc a initié des contacts pour la participation des chercheurs marocains au programme COST, en organisant une « Journée COST » au Maroc pour diffuser le programme au sein de la communauté scientifique marocaine. Un Protocole à l’Accord d’Association portant sur un accord-cadre relatif aux principes généraux de la participation du Maroc aux programmes de l’Union européenne à été l’objet d’un accord de principe et devrait être signé prochainement (un accord semblable a été signé en 2008 avec Israël).
En conclusion, il semble donc que la mécanique partenariale se perfectionne, mais qu‘elle n’a pas tiré toute les conséquences du nouveau « Statut » dit « Avancé » et qu’elle semble parfois tourner dans le vide, c’est-à-dire, sans se traduire par des avancées substantielles dans les dossiers clés. En effet, si l’on prend un indicateur de performance du partenariat en termes de cadence des réunions techniques et de dialogues politique et économique, de capacité d’absorption de l’appui financier (116% des allocations en 2009), de rythme des négociation sectorielles ou de mobilisation des instruments techniques communautaires mis à disposition, les progrès sont évidents, mais on constate un déséquilibre entre, d’une part, des engagements politiques renforcés et l’impulsion de la convergence en matière normative et, d’autre part, une faible contrepartie économique (accès des produits agricoles marocains au marché européen, appui financier) et dans le domaine de la mobilité des citoyens marocains. La valeur ajoutée du Statut Avancé par rapport à la Politique de Voisinage semble se résumer à sa valeur symbolique, l’empreinte du « label de qualité» qu’elle donne au Maroc.
Par ailleurs, les interférences politiques sont trop fréquentes et, surtout, le Statut Avancé ne semble pas avoir introduit des mécanismes pour les éviter. En effet, la fragilité du Statut Avancé en tant que nouveau cadre de relations privilégiées a été mis en évidence par l’ « affaire Aminatou Haidar», qui a coïncidé dans le temps avec la date prévue pour le premier Conseil d’Association après l’adoption du Document conjoint. Dans ce contexte, nombreux sont les analystes qui ont remis en question le Statut Avancé[29]. Quelques groupes de la société civile, notamment espagnole, mais aussi un groupe de membres du Parlement européen, ont demandé la « suspension » du Statut Avancé, ignorant le fait que, pour l’instant, il ne constitue pas un cadre formel et contraignant des relations, mais plutôt, justement, un engagement pour avancer dans l’intégration et éventuellement la résolution des différences ou conflits par la voie du dialogue et les échanges, et qu’il ne s’agit pas d’une « concession » unilatérale de l’Union européenne octroyant des privilèges ou bénéfices, mais d’un engagement mutuel. Cet épisode a en tous cas montré le déficit de pédagogie politique quant aux relations UE-Maroc dans l’opinion publique. Qui est plus, les gouvernements européens, y compris la Suède, en tant que présidente rotatoire, et l’Espagne, mais à l’exception de la France, ont envoyé une représentation diplomatique de bas niveau (au lieu du niveau ministériel habituel) au Conseil d’Association annuel, tenu à Bruxelles comme prévu le 7 décembre 2009[30].
En ce sens, afin de verrouiller les progrès et les préserver des aléas politiques, le premier Sommet UE-Maroc devrait culminer ce processus propédeutique, et marquer le commencement de la phase opérationnelle du Statut Avancé, de préférence avec l’adoption d’un instrument conventionnel concret qui consacrerait les engagements pris par les deux parties et en finirait avec l’« adorcisme » qui prévaut actuellement. Le Plan d’action de voisinage, qui devrait être adopté à l’expiration de celui actuellement en vigueur, en juillet 2010, ne semble pas recueillir suffisamment les spécificités d’un pays, comme le Maroc, disposant d’un Statut Avancé ; en effet, la comparaison des « Concept notes » sur les nouveaux Programmes Indicatifs Nationaux 2011-2013 pour les pays partenaires méditerranéens publiée par la Commission au printemps 2009 pour consultation publique montre une remarquable similitude entre eux[31].
Suivi
Un dernier point important est celui du suivi des progrès dans la mise en œuvre du Statut Avancé. Dans le Document conjoint, il est indiqué à cet égard que «les différents sous-comités et groupes de travail mis en place par l’Accord d’Association mettront en œuvre et assureront le suivi des différentes mesures techniques qui ont été identifiées dans le Document conjoint. Le groupe de travail devra également s’assurer de l’adéquation de la feuille de route du ‘Statut Avancé’ et en faire rapport au prochain Conseil d’Association ».
Or, l’expérience des rapports de progrès sur l’application de la Politique Européenne de Voisinage publiés chaque année depuis 2007 par la Commission pour chaque pays du voisinage[32], ainsi que le « Rapport d’évaluation UE-Maroc au Conseil d’Association sur la mise en œuvre du Document conjoint sur le renforcement des relations bilatérales/Statut Avancé », adopté lors du Conseil d’Association du 7 décembre 2009, montrent que cela ne suffit pas. Les rapports de progrès ne sont pas basés sur une grille d’analyse prédéfinie, n’utilisent pas des indicateurs objectifs et se limitent en grande partie à prendre acte des évolutions, voire des réunions dans les différents domaines de coopération, sans aucune évaluation d’impact ou analyse de contexte[33]. Ils sont souvent soumis à des considérations politiques qui interférent dans leur objectivité.
C’est pour cela qu‘un système d’évaluation objectif des progrès dans la mise en œuvre du partenariat impliquant des experts indépendants autant européens que marocains, mais aussi certains acteurs clés de la société civile, comme les interlocuteurs sociaux, devra être mis en place. En plus de la valeur d’impulsion de cette démarche, cela pourrait contribuer à l’appropriation du Statut Avancé par les milieux professionnels et la société civile. Une possibilité à cet égard serait de constituer un « Comité de suivi du Statut Avancé » intégré par un nombre limité d’experts indépendants et de représentants de la société civile des deux parties (pas plus de 10 au total) chargés d’élaborer un rapport annuel sur les progrès du Statut Avancé s’appuyant sur les indicateurs définis d’un commun accord et sur les objectifs accordés dans le cadre du Statut Avancé. Ce rapport serait soumis au Conseil d’Association et pourrait devenir un élément essentiel du processus d’interpellation des décideurs.
Les enjeux du Statut Avancé
Le dialogue politique et de sécurité comme vecteur d’approchement
Le renforcement du dialogue politique et stratégique constitue sans doute la partie la plus innovante du Document conjoint. En fait, le Maroc entretien déjà, depuis 2003, dans le cadre d’un exercice informel mais unique dans la région méditerranéenne, le «Dialogue Politique Renforcé », avec des échanges de plus en plus approfondis en matière de coopération politique. Ce dialogue politique se développe suivant l’article 5 de l’Accord d’Association, qui recommande d’établir un dialogue politique chaque fois que nécessaire à travers la pleine utilisation des voies diplomatiques, notamment les briefings réguliers et les consultations à l’occasion de réunions internationales. L’art 3 dispose en outre que le dialogue politique pourra permettre à chaque partie de prendre en considération la position et les intérêts de l’autre partie. Depuis 2007, ce format de dialogue est assorti d’un cadre de consultations politiques menées avec le Conseil européen, et le Maroc a été le premier pays du Maghreb à accepter la création, au sein du Conseil d’Association, d’un Sous-comité « droits de l’homme, démocratisation et gouvernance ».
L’adoption du Plan d’Action de Voisinage UE-Maroc, en 2005, est venue non seulement préciser les engagements réciproques, mais aussi réaffirmer la nécessité d’approfondir le choix d’une coopération politique au lendemain de l’élargissement de l’UE. Il consacre en outre le choix fondamental de politique étrangère du Maroc, de se rapprocher de l’UE, d’approfondir ses relations avec cet ensemble, y compris par la coopération en matière de sécurité.
Aussi, et sous le titre de «actions prioritaires », le Plan d’Action définit le Dialogue Politique Renforcé dans le domaine de la Politique de Sécurité Commune (PESC) et de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense et le renforcement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme, comme une action méritant une attention particulière. Trois actions (8, 9,10) sont respectivement consacrés à:
- Renforcer le dialogue politique et la coopération sur des questions de politique étrangère et de sécurité, ainsi que tout autre sujet d’intérêt commun.
- Renforcer la coopération dans le domaine de la coopération régionale et internationale, prévention des conflits et gestion des crises.
- Continuer à développer la coopération en matière de lutte contre le terrorisme.
Le Projet de « Statut avancé » apparaît dans un premier temps comme un appui aux réformes politiques réalisées par le Maroc ces dernières années pour faire progresser la démocratisation, la protection des droits de l’homme et les libertés fondamentales et la modernisation de la société qui bénéficient de l’appui de l’Union européenne. C’est la dimension politique des engagements prévus par les deux parties et consignés dans le Document en référence qui apportent un « plus » aux initiatives et programmes déjà lancés. Alors même si le Document conjoint ne définisse pas des objectifs explicites pour ce dialogue, il consacre une avancée indubitable au niveau de ses instruments. Il mentionne les suivantes :
- des sommets (« sur une base ad hoc ») et des réunions « informelles » et « ad hoc » à niveau ministériel ;
- « la participation sur une base ad hoc » des ministres des départements sectoriels du Royaume de Maroc avec leur homologues européens » en marge des réunions du Conseil de ministres de l’UE, ainsi que dans le Comité de Politique et de Sécurité de l’UE et dans les comités et groupes du Conseil de l’UE;
- « la concertation dans les enceintes multilatérales » ;
- « renforcement de la coopération du dialogue Maroc-UE dans le cadre de la PESD », avec le soutien du Maroc « aux déclarations PESC » ;
- « le développement du partenariat pour la paix et la sécurité en Afrique », ainsi que « la poursuite au sein du programme de coopération régional euromed » ;
- « coopération au Centre d’information et de suivi du mécanisme communautaire de protection civile » ;
- la coopération parlementaire, notamment par la création d’une commission parlementaire mixte avec le Parlement européen, ainsi que l’obtention pour le Parlement marocain du statut d’observateur à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Malgré cette avancée dans les instruments du dialogue politique, force est de constater qu’il reste fragile et tributaire des aléas politiques et le climat de confiance de chaque moment dans unes relations pas toujours évidentes, notamment tant que le conflit du Sahara Occidentale ne soit pas résolu. En effet, l’expression « ad hoc » est utilisée huit fois dans la section du Document conjoint dédié au dialogue politique et de sécurité, marquant le manque d’engagements contraignants pour se concerter entre les deux partenaires. L’objectif d’assurer une meilleure coordination des positions des deux partenaires est retenu mais les modalités de la concertation restent à définir d’un commun accord et au cas par cas. Et même si les structures prévues, par exemple pour la coopération parlementaire, sont effectivement crées (et quelques approchements dans ce sens ont été amorcées depuis l’adoption du Document conjoint), il n’y a pas de mécanismes pour assurer qu’elles contribuent à avancer vers les objectifs du Statut Avancé.
Même les Sommets bilatérales son prévues uniquement « sur une base ad hoc », sans indication même du principe de tenir des Sommets « tous les deux ans », comme dans le cas, par exemple, du Partenariat Oriental. Cela aussi fragilise le dialogue politique.
De la même façon, le dialogue et la coopération relatifs aux droits de l’homme et la consolidation de l’État de droit, les droits fondamentaux et la lutte contre le racisme gagnerait en efficacité à être mieux encadré, avec des objectifs précis et des procédures de suivi et évaluation mieux définies[34]. Les principes et valeurs partagés ne suffisent pas s’ils ne sont pas accompagnés de structures et procédures permanentes.
Réformer les institutions de la coopération
La réforme des institutions de la coopération constitue un préalable nécessaire à l’efficacité de la mise en oeuvre du Statut Avancé. Il s’agit d’adapter le Conseil et le Comité d’association pour donner corps au Statut Avancé.
Dés l’entrée en vigueur de l’Accord d’association, les deux partenaires ont procédé à la mise en place des principaux organes d’association, en l’occurrence le Conseil d’Association, qui se réunit au niveau ministériel, et le Comité d’association, qui regroupe les hauts fonctionnaires. Le Conseil d’association est le premier et le principal organe de gestion de l’Accord d’Association[35]. Pour la réalisation des objectifs fixés par l’accord, le Conseil dispose d’un certain pouvoir de décision obligatoire. Il peut également formuler des recommandations en vue d’une meilleure mise en œuvre de l’accord. Les réunions du Conseil, qui tendent à être annuelles, sont l’occasion pour les partenaires de se concerter sur la vision stratégique de leurs relations. C’est un lieu d’échange sur l’application des modalités de mise en œuvre des dispositions de l’Accord d’Association (dialogue politique, économique, social et culturel, zone de libre échange…) et d’examen de propositions visant le renforcement des relations entre les deux partenaires. Les partenaires saisissent l’opportunité des réunions du Conseil pour donner un contenu au dialogue politique sur des sujets d’intérêt commun prévu par l’Accord d’Association et auquel les deux parties attachent une grande importance. Elles sont l’occasion de définir les priorités d’action et passer en revue les évolutions des relations politiques, économiques, financières, sociales et culturelles entre le Maroc et l’UE et sur la mise en œuvre de l’Accord d’Association.
Quant au Comité d’Association (article 81), il est chargé de la gestion de l’accord d’association. Le Comité se réunit au niveau des fonctionnaires et est composé, d’une part, de représentants du gouvernement du Royaume du Maroc, et d’autre part, des représentants du Conseil de l’Union Européenne et de la Commission des communautés européennes. Le Comité d’Association dispose d’un pouvoir de décision pour la gestion de l’accord, et dans les domaines où le Conseil lui a délégué ses compétences[36].
Des sous-comités ont été créés sur les neuf thèmes suivants (en plus du dialogue économique et le dialogue politique) : coopération douanière, affaires sociaux et migrations (groupe de travail), justice et sécurité, agriculture et pêche, recherche et innovation, transport, énergie et environnement, droits de l’homme, démocratisation et gouvernance, marché interne, industrie, commerce et services.
Il ressort du suivi de ces réunions les aspects suivants :
- Le Comité d’Association procède en général à des échanges de vues sur des questions politiques d’intérêt commun : les questions relatives à la situation au Moyen-Orient, le dialogue de cultures et civilisations, le Partenariat euro-méditerranéen, l’évolution de la question du Sahara occidental, la coopération régionale et d’autres questions d’intérêt commun. Les réunions ont été aussi l’occasion d’échanger des points de vue sur le rôle joué par les partenaires en vue de dynamiser aussi bien la construction maghrébine que l’intégration Sud/Sud dans la région méditerranéenne et d’apprécier les progrès du Processus d’Agadir. Des échanges de vues ont lieu aussi sur les questions liées à l’intégration européenne et les questions multilatérales (OMC)
- Le Comité assure un suivi de la mise en œuvre de l’accord d’association : généralement, le comité passe en revue la situation économique au Maroc et les relations économiques entre le Maroc et l’UE, et notamment sur l’évolution des échanges commerciaux entre l’UE et le Maroc tant au niveau global que sur le plan sectoriel.
Les instances de suivi de l’Accord d’association (Conseil de l’Association et Comité d’Association) jouent un rôle central dans le processus de décision des relations entre les deux parties, mais leur fonctionnement souffre de certaines défaillances (faible fréquence des réunions, surcharge du Conseil, politisation, gestion de l’urgence…). La refonte des institutions de la coopération constitue un facteur nécessaire à l’efficacité de la mise en œuvre du Statut Avancé. Dans un avenir proche, l’enjeu de ce processus dans le cadre du Statut Avancé est d’étendre les domaines de la coopération. Or, lorsque l’on sait qu’avec l’expérience de l’Accord d’Association, les instances institutionnelles ont déjà rencontré des difficultés de fonctionnement, l’élargissement à de nouveaux domaines ne pourrait qu’aggraver ces difficultés et compromettre la cohérence de la politique de coopération renforcée s’il n’était procédé, en préalable nécessaire à tout approfondissement, à un aménagement de ces institutions.
Le principal aménagement consiste dans la recomposition du Conseil et des sous-comités, sachant que leur composition actuelle est fortement imprégnée de la présence des décideurs politiques et de l’administration. L’ouverture de ces instances à des acteurs du secteur privé et de la société civile aurait l’avantage d’impliquer encore mieux ces acteurs dans la conception, l’orientation et le suivi des programmes et des instruments de la coopération avec l’Europe. Afin de renforcer la légitimité démocratique des décisions prises et de ne pas altérer les décisions par l’influence de l’administration, il serait préférable que la composition soit modifiée dans cette direction.
Le second aménagement consiste dans l’amélioration du mode de fonctionnement de ces structures, dans le sens de la régularité de leur réunion, le mode de concertation entre les acteurs et le suivi des décisions. Ces aménagements conditionnent l’efficacité du partenariat, ils renforceront les capacités décisionnelles des partenaires, la coresponsabilité et les chances d’un approfondissement de la coopération dans un cadre ouvert, tout en tenant compte de l’influence des autres acteurs professionnels et associatifs.
L’objectif d’une plus grande efficacité et d’une plus grande démocratisation commande également de mieux impliquer les Parlements dans les relations futures entre les deux partenaires. Il serait utile de définir de nouvelles modalités de relations entre les deux institutions représentatives dans le cadre des prérogatives qui leur sont dévolues et dans la perspective de mieux anticiper sur les difficultés de mise en œuvre des engagements et sur les tensions qui peuvent se produire sur les questions sensibles. La création d’une structure d’échange et de consultation entre le parlement marocain et l’institution parlementaire européenne serait d’une grande utilité pour renforcer la légitimité démocratique du Statut Avancé.
Cette instance pourrait devenir l’une des institutions du Statut Avancé. Elle disposerait de la faculté d’adresser des avis, voire des recommandations aux organes décisionnels. La participation des deux Parlements, marocain et européen, à l’exercice du pouvoir législatif, en codécision avec le Conseil d’Association, ne peut que renforcer le caractère démocratique du Statut Avancé. Cette participation apparaît même comme le complément nécessaire à la prise de décision dans la coresponsabilité.
Il serait donc opportun, sous réserve d’établir la frontière entre domaine législatif et réglementaire, de recourir plus intensément à des procédures de concertation entre les deux instances pour un meilleur suivi des engagements. De même il serait tout à fait favorable à ce que le Parlement, tout comme le Conseil, dispose du droit d’initiative.
La coopération sécuritaire
Par ailleurs, la coopération sur les questions régionales et internationales ainsi que les menaces communes est un axe majeur des relations entre les deux partenaires dans la perspective de promouvoir la paix et la stabilité et de contribuer à la prévention et à la résolution des conflits. Il en est ainsi du conflit du Sahara occidental qui demeure un obstacle majeur sur la voie d’une plus grande stabilité régionale, de la coopération et de la prospérité. Il en est de même de la gestion commune de la pression migratoire sur les frontières méridionales de l’Europe en convenant que l’immigration clandestine doit être traitée dans le contexte plus large d’un dialogue et la coopération transfrontalière avec tous les pays d’Afrique du Nord, car l’immigration clandestine est une question qui relève d’une responsabilité commune et nécessite une approche régionale dans une optique de codéveloppement. Du même quant aux interactions actuelles et futures avec les multiples menaces qui émergent dans l’arc sahélo-saharien. Ces menaces portent aussi bien sur l’implantation de réseaux terroristes aux connections transnationales diffuses et complexes que dans les faibles sécurisations des voies d’approvisionnement énergétique le long du littoral atlantique sud. Au vu de ces paramètres, le Maroc et l’Union européenne pourraient explorer les modalités d’une coopération opérationnelle en matière de sécurité et de défense.
La contribution marocaine au dialogue avec l’Union européenne sur la sécurité en Méditerranée dans le cadre de la PESD, a très tôt pris place dans la coopération bilatérale avec l’Europe. L’Union européenne s’est félicitée de l’intérêt marqué du Maroc pour la PESC et la PESD. Elle apprécie la volonté du Maroc de renforcer les liens dans ces domaines. Le dialogue politique renforcé, dont les réunions se tiennent à intervalles réguliers, constitue un excellent cadre pour progresser dans la coopération et la compréhension mutuelle, et il faut le préserver. La proposition faite au Maroc de s’aligner au cas par cas sur les déclarations, démarches et positions de l’UE sur les questions relevant de la PESC est un autre élément important dans cette perspective.
La contribution marocaine dans le cadre des activités de la PESD a été initiée dès 2004. Son examen dans les rencontres bilatérales a également débuté en 2004, dans le cadre de la première session du Dialogue Politique Renforcé (29 juin 2004). Sa finalité est de parvenir ensemble à une «culture commune de la sécurité», par la poursuite, dans le cadre euro méditerranéen, d’un dialogue transparent et équilibré, source d’actions concrètes et progressives, qui traiteraient, de manière égale, les différentes dimension stratégique, politique, humaines, sociales et écologiques de notre sécurité régionale.
L’envoi d’un contingent marocain en Bosnie Herzégovine, dans le cadre de l’opération Althéa, a fait du Maroc le 2ème contributeur majeur non membre de l’UE après la Turquie. Cette opération s’inscrivait dans une approche globale de l’Union, à la fois civile (missions de police de l’UE) et militaire (relève de la SFOR). Cette contribution marocaine qui a pris fin l’automne 2007, a été saluée à maintes reprises par l’Union européenne. Il serait utile de bâtir sur cette première expérience de coopération entre l’UE et le Maroc en matière de gestion de crise pour explorer la possibilité de réfléchir au moyen d’organiser de manière plus structurée nos relations dans le domaine de la PESD. Elle démontre utilement les possibilités pratiques sur lesquelles peut déboucher la coopération dans le domaine de la PESD avec les partenaires méditerranéens de l’UE.
Sur le volet de la coopération sécuritaire, la feuille de route propose d’approfondir la coopération par la conclusion d’accords (entre le Maroc et le CEPOL); entre le Maroc et l’Office européen de police (Europol). L’UE et le Maroc ont choisi de renforcer leur coopération en matière de lutte contre le terrorisme international. Le Plan d’Action avait amorcé la coopération dans ce domaine par des dispositions antiterroristes approuvées dans le contexte de la politique européenne de voisinage et qui dessinent le cadre d’un dialogue structuré et stratégique sur la lutte contre le terrorisme. Les deux parties avaient retenu huit axes de coopération portant essentiellement sur la formation et l’assistance technique. Toutefois, le Maroc considère que le terrorisme en doit pas détourner l’attention des véritables enjeux et défis de la région, qui demeurent l’instauration d’une paix durable, le développement socio-économique, la consolidation démocratique et la promotion du rapprochement culturel et humain.
Le Maroc trait d’union avec l’Afrique
Le renforcement du dialogue politico sécuritaire entre le Maroc et l’Union européenne ne devrait pas se limiter au seul espace euro méditerranéen, et intégrer les interactions réelles et potentielles sécuritaires entre la Méditerranée et son environnement géostratégique, en l’occurrence l’Afrique subsaharienne. Ce dialogue politique bilatéral doit prendre en compte la profondeur stratégique africaine d’un pays méditerranéen comme le Maroc.[37] Sa contribution pourrait se faire dans le cadre du Programme de l’UE pour « le Grand Voisinage» (pays de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, Maroc, Mauritanie, Iles Canaries, Madère, Acores, Espagne, Portugal), ainsi que dans la mise en œuvre de la stratégie de Partenariat UE-Afrique. Elle pourrait prendre la forme d’une coopération renforcée entre les différents acteurs de cet espace, aussi bien économique (effort d’intégration par la participation du Maroc à l’Initiative pour le développement des Infrastructures, lien entre les zones de libre échange Maroc-UE et CEDEAO-UE) que dans le domaine migratoire (format de concertation en amont) que sécuritaire (dialogue politique renforcé et régulier entre les différents acteurs de l’espace pour appréhender à l’échelle du Grand Voisinage des menaces sécuritaires le concernant).
Vers une Zone de Libre-échange globale et approfondie?
Quelques limites de la Zone de Libre-échange bilatérale
La mise en place de la zone de libre-échange inscrite dans l’Accord d’Association UE-Maroc, qui doit s’achever en 2012, signifiait essentiellement le passage progressif d’un régime préférentiel fondé sur des concessions commerciales unilatérales et asymétriques octroyées par l’UE aux exportations manufacturées marocaines dans le cadre de l’Accord d’Association de 1976 à un accord d’association de la nouvelle génération devant déboucher sur la mise en œuvre de concessions commerciales réciproques . Une telle réciprocité – en l’absence d’une libéralisation plus significative des échanges des produits agricoles – ne signifie en définitive rien d’autre que l’ouverture programmée, sur une douzaine d’années, du marché marocain aux productions industrielles en provenance de l’Union européenne. Le démantèlement tarifaire s’est effectué sur une période de 12 ans, sur la base de quatre listes de produits. Le Maroc a supprimé progressivement tous les droits et taxes d’effets équivalent pour la totalité des marchandises industrielles en provenance de l’UE. 58,3% des importations marocaines totales ont été touchées par le démantèlement[38]. L’impact de cet accord sur la création de nouveaux flux de commerce entre le Maroc et l’UE dépendra – toutes choses étant égales par ailleurs – du comportement de l’élasticité des importations des partenaires en relation avec la croissance de leur PIB.
Un déficit commercial accentué
Le Maroc cherchait à tirer un gain potentiel de la croissance des économies européennes et du courant d’échange qu’elle génère. Mais, sachant que l’UE était un marché déjà relativement ouvert pour les exportations marocaines, il fallait s’attendre à ce que la croissance du marché européen bénéficie surtout aux entreprises concurrentes par le double effet de l’érosion du système préférentiel et de la généralisation progressive du libre – échange.
Par contre, la réduction des coûts d’accès des producteurs de l’UE sur le marché marocain induite par le démantèlement progressif du système tarifaire risquait de causer un détournement des flux au profit des offreurs intra communautaires et au détriment des approvisionnements externes réduisant ainsi le courant des échanges avec les partenaires.
Le marché européen représente en moyenne 65% des exportations marocaines. En terme de solde commercial, le déficit des échanges industriels avec la CEE, principal fournisseur (74%) et client (63,5%) s’est creusé depuis la mise en place de l’Accord d’Association. Les échanges commerciaux bilatéraux Maroc-UE ont enregistré une croissance moyenne de l’ordre de 9% durant les sept dernières années de mise en œuvre de l’Accord d’Association Maroc-UE (2001-2008), en s’établissant à 22,85 Milliards d’euros en 2008 , contre 11,93 Milliards euros. Cette situation est liée aussi bien à la hausse des importations que des exportations. Les exportations sur le marché Européen sont par une évolution fluctuante et lente 7,76 Milliards d’euros en 2008 contre 5.48 Milliards d’euros en 2001). Les importations marocaines ont connu une croissance soutenue depuis 2001, elles sont passées de 6.56 Milliards d’euros en 2001, à 14.67 Milliards en 2008. Le déficit commercial avec l’UE s’est creusé davantage au détriment du Maroc, puisqu’il a atteint son plus haut niveau de 6.48 Milliards d’euros en 2008, contre 1.08 Milliards en 2001. Ce qui s’est traduit par une chute du taux de couverture qui s’était établi à 56% en 2008 contre 983% en 2001.
En dépit du ralentissement récent, le Maroc a enregistré une légère augmentation de sa part du marché de l’UE pour ses exportations de produits manufacturés. Les effets de l’accord sur la dynamique des exportations marocaines ont été substantiellement différents selon les types de produits exportés. La croissance du marché européen a été plus favorable aux exportations à élasticité de la demande élevée. La part de marché du Maroc dans l’Union Européenne sur les quinze principaux points forts à l’exportation ne dépasse 10% que dans les secteurs de l’habillement. De fait, sa part de marché n’est relativement forte que sur les secteurs à faible intégration de valeur ajoutée. Dans les secteurs de la construction mécanique et électrique, de l’automobile, du bois et de la chimie, il n’occupe à ce stade qu’une place très faible, loin derrière ses concurrents méditerranéens et asiatiques.
La concurrence sur le marché européen est très vive. Les principaux concurrents de l’industrie marocaine demeurent dans le court terme les partenaires méditerranéens de l’UE. Il s’agit de la Tunisie (textiles et engrais) et de la Turquie (articles de bonneterie, vêtements confectionnés). Le champ de la concurrence s’élargit dans la durée. Il utile de rappeler que nombre de pays qui ne disposent pas de relations privilégiées avec l’UE ont dores et déjà enregistré des performances dans le marché communautaire plus substantielles que des pays qui ont bénéficié de régimes préférentiels dans le cadre d’accords de coopération. La disparition du régime préférentiel a nivelé les conditions d’entrée des concurrents. Il s’en est suivi une redistribution des parts de marché en faveur des pays les plus agressifs.
La première manifestation de l’intensification de la concurrence est venue de la plus large ouverture du marché européen aux entreprises des Pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO) avant leur admission et de l’Asie. L’Union européenne s’est engagée dans le cadre des accords d’association avec les premiers et de l’OMC aux seconds à ouvrir son marché aux concurrents des Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée.Dans plusieurs secteurs sensibles, le Maroc a subi un effet de ciseau entre les pays d’Asie et les PECO, qui ont vu chacun progresser leurs parts de marché.
Cette situation est particulièrement vérifiée dans le cas de l’habillement et des cuirs et chaussures. La forte progression relative des PECO par rapport au Maroc sur le marché de l’Union Européenne a résulté essentiellement des nombreux avantages comparatifs de ces pays (formation et qualification de la main d’œuvre, existence d’un tissu industriel, proximité géographique. disponibilité de services d’accompagnement). Le maintien de la spécialisation actuelle du Maroc aurait des conséquences particulièrement négatives sur son économie.
La concentration des débouchés de l’industrie marocaine sur quelques pays européens est un handicap à l’élargissement de la pénétration des produits marocains dans le marché unique. Les entreprises marocaines restent encore passives face à la dimension “européenne” de l’UE que ce soit par une plus grande pénétration des produits dans des marchés de grande taille (Allemagne, Angleterre, Italie) ou par une plus grande insertion dans des marchés de moindre envergure mais fortement porteurs. Le remodelage de la carte de consommation européenne déjà entamée sera certainement et progressivement accentué par l’élargissement de l’Union européenne. Les entreprises marocaines devraient saisir les opportunités qu’offrent les perspectives de croissance de ces marchés à fort contenu en importations.
Un autre aspect de la dimension du marché européen consiste dans la diversité des produits en circulation dans ses différents segments. Or, une observation de la structure des exportations marocaines indique une faible diversification. Les vêtements constituent près de 50% des ventes de produits manufacturés. Les produits finis de consommation restent dominés par la confection, la bonneterie, les articles chaussants et les tapis. Les produits alimentaires sont composés en majorité d’agrumes et de poissons. Peu de biens nouveaux ont intégré le panier d’exportation durant ces dernières années. C’est là aussi une autre source de vulnérabilité des entreprises nationales dans un marché aux potentialités immenses et largement diversifiées.
Sur la base de la réciprocité, le Maroc a ouvert progressivement le marché local aux produits industriels européens. Le niveau de couverture de la demande nationale en produits manufacturés importés est de 35%. Les produits en provenance de l’UE représentent une très large partie de ces importations, soit 74%. Certes, on peut considérer que la libéralisation du commerce extérieur, entamée depuis le milieu de la décennie quatre-vingts, prédisposait l’économie marocaine à évoluer progressivement vers une zone de libre-échange avec l’Europe. Selon les données disponibles, la moyenne des taux de protection tarifaire des secteurs industriels varie de 10% à 45% selon les activités[39].
Mais, l’établissement de la zone de libre-échange a augmenté le potentiel de pénétration des produits européens dans le marché intérieur. Cet élargissement a concerné plus sérieusement les secteurs où la part des importations était encore limitée, où le taux de protection tarifaire est élevé et dont le niveau tend à se réduire et où le degré de compétitivité des industries nationales est faible.
L’inadaptation de la politique industrielle au contexte de l’ouverture
Les effets de la zone de libre-échange sur le tissu industriel et l’estimation de ses avantages nets pour l’économie marocaine, a varié en fonction des secteurs, de leur degré d’ouverture préalable et de leur niveau de compétitivité. On s’attendait à que la progressivité de mise en application de ce projet et les dispositions générales et particulières qui ont accompagné sa mise en œuvre (Programme Meda, notamment) permettraient d’envisager une ouverture sans heurts. A la condition évidement que les politiques d’accompagnement soient efficientes et que les choix opérés s’inscrivent dans la perspective d’une stratégie industrielle à moyen terme. Ce ne fût pas le cas. Ila fallu attendre l’année 2005 pour voir le Maroc s’engager dans une nouvelle politique industrielle en mettant en place un programme volontariste, ciblant des secteurs porteurs et mettant en place des dispositifs transversaux pour relever la compétitivité de l’industrie marocaine[40]. Ce programme en peut avoir de retombées effective que dans un délai de moyen terme. Dans cette phase de transition, le système productif national atomisé en petites unités et spécialisées dans les séries courtes ou de ré-assortissement, est demeure exposé aux chocs de l’ouverture, ne disposait pas d’une capacité compétitive élevée face à l’intensification de la concurrence interne et externe.
Au delà du comportement des indicateurs de performance (croissance moyenne à un rythme de 3,2 par an entre 2000 et 2007) et en dépit de la diversité de ses activités, l’industrie marocaine continue de souffrir de profonds déséquilibres qui l’handicapent face à l’ouverture de ses frontières. La compétitivité ne requiert pas seulement une capacité à s’insérer dans un processus d’ouverture dans une phase donnée mais aussi l’existence d’un appareil de production diversifié capable de générer une croissance de longue durée. Dans cette perspective, la composition du tissu industriel, sa densité et sa répartition harmonieuse dans l’ensemble des secteurs et des tailles sont également des facteurs d’efficacité.
L’inégal développement entre les différentes activités est un des aspects des distorsions du tissu industriel. Les industries de transformation restent principalement axées sur la production de biens de consommation qui concerne près de 50% de la production totale, alors que les biens d’équipement comptent pour moins d’un dixième. Dans leur grande majorité, les produits fabriqués reçoivent un faible degré de transformation et le taux de valeur ajouté ne progresse pas suffisamment. La diffusion du tissu industriel dans l’ensemble du territoire est trop lente. Le manque d’intégration de l’industrie nationale est un autre aspect des déséquilibres qui la caractérisent. Il se manifeste dans l’inarticulation de la croissance industrielle à celle des mines et de l’agriculture. La faiblesse de l’intégration apparaît aussi dans la médiocrité des échanges croisés ou intra-industriels.
La croissance de l’industrie nationale demeure une croissance à faible productivité. Bien plus, les indices d’évolution de la productivité réelle dans l’industrie nationale montrent une régression dans 8 branches sur quinze entre 1999 et 2005. Il s’avère que les secteurs traditionnellement exportateurs ne sont pas preuve d’innovation dans l’organisation du travail et enregistrent des pertes de productivité. Une des causes de cette régression est le vieillissement de l’appareil productif dans certaines branches. La deuxième raison est le sureffectif dans certaines branches et entreprises publiques. Enfin le bas niveau des salaires ne stimule pas le rendement
Des stratégies d’entreprises peu évolutives
Parallèlement à la nécessaire amélioration de l’environnement national, tâche qui interpelle plus fondamentalement les pouvoirs publics, l’entreprise nationale est aussi appelée à relever les défis qui la concernent plus particulièrement pour espérer un positionnement favorable dans la dynamique du marché européen. L’examen du tissu industriel national face aux mutations de l’environnement révèle sa profonde hétérogénéité. La densification du tissu par les nouvelles créations d’entreprise cache un d’équilibre entre les unités qui le composent. D’un côté, il y a une prédominance de PMI (moins de 50 employés) qui forment plus de 70% du total des unités industrielles. D’un autre côté un petit noyau de grandes entreprises dont la plupart sont des sociétés publiques ayant des effectifs dépassant les 500 personnes. Il s’agit de distorsions structurelles qui freinent la réalisation d’une croissance soutenue et régulière. Du fait des limites de la taille, ces entreprises mènent moins d’actions dans les domaines essentiels de la compétitivité: formation, organisation, technologie. La raison est liée à la faible technicité du management, les équipes dirigeantes étant naturellement peu importantes. La compétitivité intrinsèque des entreprises dépend de la compétence accumulée pour traiter ces fonctions stratégiques.
Les entreprises nationales devaient donc répondre au changement de l’environnement par des stratégies adaptées. Or, les entreprises nationales n’ont pas encore assimilé que les avantages comparatifs, les structures du marché et les comportements ne peuvent être considérés comme des données. Elles n’ont pas encore compris que la compétitivité est un jeu séquentiel résultant d’une série d’interactions entre des acteurs actifs. Un jeu dans lequel la mise en œuvre des nouvelles formes d’organisation, l’ouverture de nouveaux marchés et l’introduction de nouveaux produits et procédés mettent continuellement en cause les positions acquises et modifient les règles du jeu.
La reconnaissance généralisée des normes constitue des acquis de discipline visant à la qualité régulière des produits. Une inquiétude semble persister auprès de quelques producteurs nationaux de voir ces instruments utilisés pour faire obstacle à un accès libre au marché. Surtout en ce qui concerne les normes externes c’est à dire l’emballage, les conditions de commercialisation, de transport et de manutention. On observe un retard de l’entreprise marocaine à mettre sur le marché des produits conformes aux normes internationales.
Il était donc particulièrement recommandé de renforcer la taille des offres et consolider les positions acquises par des économies d’échelle pouvant conduire à des effets susceptibles, dans les secteurs concernés, de déboucher sur des gains importants: un accroissement de la production, une nouvelle répartition de la production entre les entreprises et une réallocation des actifs. Cette perspective appelait une restructuration des entreprises dont l’avantage est d’accélérer l’entrée sur de nouveaux marchés ou de nouvelles productions à moindre coût. De plus, la mise en commun de ressources pouvait fournir des financements à des conditions plus favorables; elle peut également répartir les coûts fixes élevés et améliorer le savoir-faire technologique. Or, de ce point de vue, le programme de mise à niveau des entreprises marocaines a accusé un retard particulièrement handicapant. Ses dispositifs, ses mécanismes d’appui (financement), son ciblage ont soufferts de grandes insuffisance et ont accentué la réticence des entreprises à adhérer à ce programme.
La dynamique du marché unique a eu des implications sur le secteur de la distribution de l’UE. Ont ainsi été mises en œuvre des associations se concrétisant par des prises de participation croisées, voire des fusions. La collaboration entre distributeurs (achats groupés, marques communes etc…) est aussi une méthode de plus en plus suivie pour affronter le grand marché dans de bonnes conditions. Ces modes de collaboration renforceront la puissance d’achat face aux producteurs notamment des petits pays comme le Maroc. Plus précisément, le regroupement des approvisionnements a permis à ces grands distributeurs de rechercher des fabricants nationaux susceptibles de produire à façon et de favoriser l’obtention de grandes séries. Les entreprises exportatrices marocaines ne sont pas parvenues à renforcer leur pouvoir de négociation face aux grands distributeurs, elles n’ont pas initié des actions en commun qui auraient permis de répartir les risques et d’explorer davantage de pistes. Elles ont souffert d’un manque d’effets de complémentarité par la combinaison d’informations sur les marchés et de capacité en matière de marketing.
L’entreprise marocaine avait un grand avantage à gérer les changements impulsés par la réalisation du marché européen et les accords d’association (dimension, concurrence, normalisation des produits etc..) en développant une stratégie de coopération multiforme avec les entreprises européennes (commerciale, productive, technologique). L’objectif étant de créer et de valoriser des relations communes denses et variées en vue de maîtriser à long terme la présence sur les marchés. Il est généralement admis que l’impact favorable de l’accord de libre-échange sur le solde commercial ne se produit qu’à long terme lorsque des investissements étrangers auront permis de renforcer les structures productives de l’économie récipiendaire. Les délocalisations vers le Maroc ne représentent actuellement selon toute vraisemblance, qu’une part limitée des délocalisations européennes vers l’ensemble du monde. Elles sont principalement le fait de PME investissant sur place ou recourant à la sous-traitance, dans des secteurs bien précis et limités: textile-habillement, cuirs, construction électrique, biens de consommation courante. Quelques grandes entreprises sont pour leurs parts présentes dans des secteurs tels que l’électronique (SGS Thomson au Maroc) ou la construction mécanique (Merlin Gérin).
L’encouragement de la délocalisation appelle une identification des conditions et des secteurs dans lesquels pourraient se développer moyen terme des partenariats industriels plus étroits avec le Maroc, permettant aux entreprises européennes de demeurer compétitives par rapport à leurs homologues occidentales et aux entreprises marocaines de conquérir des parts de marché dans ces pays et de maîtriser ainsi une situation plus concurrentielles de plus en plus marquée.
L’Accord de libre échange approfondi et global : tout sauf la mobilité du travail
Le Document conjoint fait référence à la nécessité de la conclusion d’un Accord de Libre-échange Approfondi (ALEA) qui doit permettre à terme « d’instaurer la libre circulation des marchandises (mesures tarifaires et non tarifaires), des services, des capitaux et de la présence temporaire des personnes physiques à des fins professionnelles ».
Les négociations commerciales en cours (libéralisation du commerce des services et du droit d’établissement d’une part, et libéralisation du commerce des produits agricoles, produits agricoles transformés et produits de la pêche, sur laquelle la Commission vient d’arriver à un accord avec le Gouvernement marocain en décembre 2009, qui doit toujours être ratifié) s’inscrivent dans ce cadre et seront complétées par de nouvelles négociations sur d’autres aspects de l’Accord. En fait, la Commission européenne subordonne l’ouverture de ces négociations à un accord préalable sur l’agriculture et sur les services. Les nouvelles négociations devraient prendre en considération la sensibilité de certains secteurs et prévoir une asymétrie des engagements et une progressivité de leur mise en œuvre. Un mécanisme bilatéral de règlement des différends commerciaux (MRD) devrait aussi bientôt s’ajouter aux instruments de cette Zone de Libre-échange.
Un ensemble de mesures, formant un ensemble indivisible et cohérent, sont suggérées dans le Document conjoint pour concrétiser l’ALEA d’un point de vue opérationnel : il s’agit notamment de l’accès aux marchés publics, de la facilitation de l’accès au marché pour les produits industriels, des mouvements de capitaux et paiements, des mesures sanitaires et phytosanitaires, des droits de la propriété intellectuelle et industrielle, de la politique de concurrence, de la protection du consommateur…. Cette liste n’est pas exhaustive et elle sera accompagnée de mécanisme d’alerte ou de consultation rapideen matière de mesures ayant un impact sur le commerce et l’investissement.
L’accord agricole euro-marocain
Le chapitre agricole représente une part importante du commerce total entre l’Union et le Maroc. Les importations agricoles communautaires en 2005 se sont élevées à plus de 13% du commerce bilatéral et les exportations agricoles de l’Union vers le Maroc ont représenté 5% des exportations totales vers le Maroc. Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord d’Association en 2000, les échanges agricoles sont soutenus et font preuve d’un dynamisme constant. Cette tendance devrait connaître un saut quantitatif et qualitatif, à l’issue des nouvelles négociations que les deux parties ont entamé en 2006 sur la base de la feuille de route agricole élaboré à la suite des recommandations de la rencontre des ministres Euromed des affaires étrangères tenue à Luxembourg (31 mai 2005).
Les négociations de l’UE avec le Maroc et les autres PPM ont donc été lancées, à partir de 2006, en vue d’une « libéralisation progressive des échanges de produits agricoles et de la pêche, tant frais que transformés ». C’est en novembre 2005 que l’UE avait officiellement annoncé sa décision d’ouvrir les négociations agricoles avec le Maroc et les Pays Partenaires Méditerranéens (PPM). Cette décision a été reprise, la même année, dans le programme de travail quinquennal adopté lors du Sommet euro-méditerranéen des chefs d’Etat et de gouvernement. Un Comité d’experts a été chargé de suivre pour la Commission le dossier. Il a établi, en 2006, une «Feuille de route euro-méditerranéenne pour l’agriculture ».
Les tractations ont été réalisées dans un cadre bilatéral pour, à la fois répondre aux caractéristiques propres de l’agriculture dans le pays en question mais aussi se conformer aux nouvelles dispositions de la PEV. Il était envisagé que cette Feuille de route entre en vigueur dès 2007.
Les négociations en vue de la conclusion d’un accord de libéralisation devaient tenir compte des principes de base de la Politique Européenne de Voisinage ainsi que des priorités des plans d’action adoptés dans le cadre de cette politique. L’objectif était de renforcer le processus de libéralisation progressive des échanges engagé dans le cadre de l’Accord d’Association, notamment dans les domaine agricoles en tenant compte des échanges actuels et des politiques agricoles respectives et en l’accompagnant de programmes de mise à niveau et d’organisation de ces secteurs, comme cela a été prévu dans le secteur industriel. Une démarche comparable devrait s’appliquer à la libéralisation progressive des services
Dans la perspective de la libéralisation des échanges agricoles, le Maroc avait proposé une approche par produit et l’aménagement de périodes de transition. La libéralisation ne peut être que modulée, progressive et asymétrique. Un autre volet et non des moindres dans cette approche devait être l’appui au développement rural fondé sur la multifonctionnalité. Un appui qui tendrait à maintenir une agriculture dans les zones en difficulté, par le développement des infrastructures et services de base, la promotion d’une agriculture diversifiée et porteuses de valeur ajoutée et le développement d’activités alternatives comme l’artisanat et le tourisme. L’offre marocaine obéissait à deux principes: d’une part assurer un meilleur accès au marché communautaire pour les produits marocains et d’autre part fixer des délais suffisants pour gérer les transitions et l’accompagnement de l’UE dans le cadre de l’ouverture du secteur agricole marocain.
Le cadrage des négociations : feuille de route de Rabat 2005
La négociation de la libéralisation des échanges agricoles, agro-industriels et de la pêche a été engagée dans le cade de la feuille de route Euro-Med et sur la base des principes de cadrage exposés et discutés par le Maroc avec la Commission européenne lors des premiers rounds de négociations. La feuille de route préconisait le cadrage suivant :
- Libéralisation progressive et asymétrique des échanges agricoles, agro-industriels et de la pêche pour permettre la mise en œuvre des ajustements nécessaires ;
- Exclusion d’un nombre limité de produits sensibles vu les conséquences négatives sur l’équilibre économique et social ;
- Mesures d’accompagnements à la libéralisation commerciale en faveur des pays du sud en particulier pour le développement rural.
Les principes, sur la base desquels l’offre et la demande marocaine ont été élaborés tenaient compte de:
- La différenciation de la sensibilité par rapport à :
- L’écart de développement entre le Maroc et l’UE et le poids de la PAC ;
- La contribution du produit au développement rural, à la sécurité alimentaire et à la garantie des moyens de subsistances ;
- La sensibilité qui s’étend du bien de bade aux produits qui en sont issus.
- L’asymétrie entre les deux parties dans leurs offres et leurs demandes
- La suppression totale de tous les droits et taxes et mécanismes afférents aux produits proposés par la commission européenne pour le libre-échange intégral et immédiat dès l’entrée den vigueur du projet d’Accord de libre-échange :
- La consolidation des acquis de l’Accord d’Association actuel ;
- L’adoption de règles d’origine particulières à cet accord avec une flexibilité au niveau de la règle d’origine pour les produits de la pêche ;
- L’adoption de clases de sauvegarde préférentielles spécifiques à l’Accord de libre-échange.
Pour rester conforme à la feuille de route et tout en tenant compte des principes sus indiqués, la partie marocaine a proposé une offre d’un ensemble de groupes de 1 à 5 qui prennent en considération l’asymétrie temporelle. Ainsi le groupe de 1 à 4 concernent les produits sui subiront un démantèlement tarifaire immédiat ou à court, moyen ou long terme (respectivement dès l’entrée en vigueur, après 5 ans, après 10 ans ou après 20 ans). Les produits du groupe 5 devaient être exclus du libre –échange moyennant un traitement particulier.
Cette progressivité s’imposait étant donné que le secteur agricole marocain emploie une grande partie de la population active (40%) basée sur des petites exploitations (mois de 5ha) avec un faible niveau de productivité. Aussi, une ouverture brutale et générale menacerait la survie de ces exploitations et des producteurs de cultures vivrières.
En effet, la progressivité et l’asymétrie temporelle élargie au Groupe 3 dans l’offre marocaine permettaient de prendre en charge le temps nécessaire minimal pour accomplir ou mettre en œuvre des réformes agricoles et rurales et aussi pour mettre en place les réformes fiscales équitable visant à compenser les baisses de revenus tarifaires. Un plan d’accès amélioré au marché européen exigeait que la partie européenne concrétise l’asymétrie et la progressivité par la reconnaissance du principe de « l’asymétrie temporelle » pour les produits agricoles du Groupe 3 , dont le démantèlement est prévu sur dix ans et par le maintien de longues périodes de démantèlement tarifaire.
Les termes de l’accord
La libéralisation du commerce bilatéral euro-marocain du secteur agro-alimentaire et de la pêche a franchi un nouveau pas avec la signature, en décembre 2009, d’un procès verbal. Le nouvel accord, clôture près de 4 ans de négociations.
Le nouvel accord prévoit, du côté marocain, une libéralisation totale immédiate de 45% des importations en provenance de l’Union européenne (UE) et une période de transition pour la libéralisation complète de certains produits. Trois groupes de produits sont à distinguer. Le premier est à libéraliser dès la signature de l’accord. Un deuxième groupe à libéraliser sur cinq ans et concerne les produits où la compétitivité marocaine est avérée. Le troisième groupe à libéraliser sur 10 ans est constitué de produits nécessitant une longue période d’ajustement. Une liste de produits ne sera pas libéralisée mais fera l’objet d’un accès particulier: 19 groupes de produits sont concernés.
Ainsi, en 5 ans, 61% des produits importés seront libéralisés et en 10 ans près de 70% seront concernés. Par exemple, la grande partie de produits laitiers, des oléagineux et des céréales européens bénéficieront d’une libéralisation immédiate et totale. Les produits agricoles transformés seront libéralisés progressivement d’ici 10 ans, à la seule exception des pâtes alimentaires, dont une limitation quantitative est prévue. Les secteurs des fruits et légumes et les conserves alimentaires seront aussi entièrement libéralisés dans les 10 ans à venir. Quelques produits sensibles qui ne font pas l’objet d’une libéralisation complète, comme les viandes, la charcuterie, le blé, l’huile d’olive, les pommes et le concentré de tomates, bénéficieront néanmoins de meilleures conditions d’accès au marché marocain.
Enfin, le secteur de la pêche sera aussi libéralisé pour les produits de l’UE (91% au bout de 5 ans et dans sa totalité à l’horizon des 10 ans). Un premier groupe de produits à libéraliser dès la signature de l’accord. Un deuxième groupe de produits à libéraliser sur cinq ans. Il s’agit de produits où le Maroc présente un avantage comparatif avéré (sardines et maquereau frais, réfrigérés ou congelés ; morue et flétans salés et séchés sont aussi concernés). Enfin un troisième groupe de produits à libéraliser sur 10 ans. Il s’agit de tous les produits nécessitant une longue période d’ajustement ou de mise à niveau. C’est le cas des conserves de poissons, farine, poudre et agglomérés.
Du côté européen, on s’engage à supprimer les droits de douane pour 55% des importations agricoles en provenance du Maroc ainsi qu’à établir une augmentation des contingents tarifaires pour six fruits et légumes qui constituent la majorité des importations communautaires (tomates, fraises, courgettes, concombres, ail et clémentines). Ainsi, le Maroc sera désormais autorisé à augmenter ses exportations de tomates de 22% désormais et de 40% au bout de cinq ans. Pour leur part, les importations de courgettes et de concombres dans l’espace communautaire vont plus que doubler (voir tableau). Toutefois, pour les produits libres d’accès, une exception est faite aussi pour les artichauts et les oranges qui demeurent soumis au prix d’entrée conventionnel. Il en va de même des raisins de table, abricots, pêches et nectarines. Ces fruits à noyaux demeurent assujettis au prix d’accès conventionnel mais réduit de 30%.
Tableau : Les produits dont les quotas ont augmenté
Immédiatement | Dans 4 ans | |||
Volume en tonnes | % | Volume en tonnes | % | |
Tomates | 20000 | 22 | 32000 | 40 |
Courgettes | 30000 | 150 | 36000 | 180 |
Concombres | 8800 | 140 | 10600 | 170 |
Clémentines | 31300 | 22 | 31300 | 22 |
Ail | 500 | 50 | 500 | 50 |
Fraises | 4600 | 3500 | 4600 | 3500 |
Source: Ministère de l’Agriculture
Les enjeux du procès verbal
Manifestement, la question de la libéralisation agricole dans les relations euro-méditerranéenne connaît une évolution lente. L’asymétrie économique prime toujours sur la convergence. Dans le cadre du processus de libéralisation des échanges euro-méditerranéens, incarnés par la mise en place des accords d’association, le secteur agricole reste un domaine sacrifié. Si le libre-échange industriel est préparé, la question de la libéralisation agricole demeure délicate malgré l’importance de l’agriculture dans la région. Les pays de l’UE, continuent de soutenir et de protéger leur agriculture alors que le Maroc s’est engagé à réduire son soutien et à libéraliser ses échanges agricoles. Une ouverture plus large ne doit pas pourtant masquer les multiples interrogations et inquiétudes que soulève le scénario de libéralisation agricole dans le cadre euroméditerranéen. Bien entendu, la libéralisation des échanges agricoles euro-marocains ne saurait ignorer d’autres facteurs qui interagissent avec cette problématique, à commencer par la réforme en cours de la politique agricole commune (PAC) de l’UE, le cycle de négociations de Doha au sein de l’OMC, sans oublier évidemment la stratégie américaine dans la région, que l’accord de libre-échange signé en 2004 avec le Maroc illustre fort bien.
Les producteurs de l’UE redoutent de devoir affronter une concurrence accrue en cas de disparition de la préférence communautaire. Au Maroc et généralement dans les pays du Sud, les exportateurs demandent un accès plus large au marché de l’UE. Une partie du « conflit » commercial euro-méditerranéen provient du risque renforcé de compétition entre les deux rives du bassin sur les mêmes productions agricoles (huile d’olive, fruits et légumes). Ainsi, l’agriculture a toujours fait l’objet d’un traitement contrôlé au sein du PEM.
De toute évidence, c’est la logique d’une certaine « exception agricole » qui continue de prévaloir dans la négociation des accords d’association.
Le Maroc est un grand importateur auprès de l’UE de produits de base comme les céréales, le sucre et le lait. Or, compte tenu des faibles performances de son agriculture vivrière, le Maroc est naturellement peu enclin à l’exposer à la concurrence étrangère. Au-delà des impacts économiques et sociaux d’une telle libéralisation, celle-ci comporterait une dimension politique de sécurité alimentaire non négligeable. Le Maroc a donc lui aussi temporisé les négociations sur le volet agricole, tant un processus de libéralisation pourrait fragiliser certains de ses équilibres internes Enfin, un dernier élément d’extrême sensibilité doit être rappelé : la dualité du secteur agricole au Maroc. Aux quelques industries agro-alimentaires performantes car aspirées par la mondialisation répondent une multitude d’exploitations familiales de très petite taille qui parsèment le milieu rural et qui produisant essentiellement pour l’autoconsommation. Si le scénario d’une intégration économique à l’Europe peut se jouer avec les premières, nul doute que les secondes, désarmées face à la concurrence, seront particulièrement exposées par l’ouverture des marchés et la libéralisation programmée des échanges agricoles.
Force est de constater que « l’accord » a porté essentiellement sur la vitesse de la libéralisation et la méthode d’y parvenir au détriment des enjeux liés à l’ouverture des marchés agricoles. Pour le Maroc ces enjeux sont liés à une dimension économique, sociale et environnementale. En revanche pour l’UE, les enjeux se posent en termes de concurrence exercée par le Maroc sur quelques filières et dans les pays de l’Europe méridionale. Or, l’enjeu de la libéralisation des échanges agricoles euro-marocains porte non seulement sur la faisabilité du processus de libéralisation à l’horizon 2020 mais aussi sur la dimension durable de cette zone de libre-échange où l’asymétrie économique prime toujours sur la convergence.
Concernant l’UE pris dans son ensemble, les conséquences seraient vraisemblablement limitées, en raison du poids trop faible du Maroc dans son commerce agricole extérieur. Certes, pris isolément, l’Europe méridionale craint d’être affectée par les quelques concessions accordées au Maroc: les producteurs des filières classiques (fruits et légumes) que l’on retrouve communément en Espagne, dans le Sud de la France, en Italie ou en Grèce seront sans doute au rendez-vous de la contestation politique de cet accord. Or, pour les produits sensibles les calendriers d’entrée ont été maintenus.
L’accord n’est en fait qu’un procès-verbal qui exige une ratification des instances communautaire. Déjà l’Espagne, qui assure la présidence de l’Europe a annoncé que ce procès-verbal ne serait ratifié qu’après la fin de la période de sa présidence européenne. L’ouverture des marchés pourrait au contraire stimuler les exportations européennes sur le Maroc, là où les besoins sont forts et grandissants sur des produits de base que l’Europe marchande assez bien (céréales, lait et viandes) mais aussi dans le secteur des produits agricoles transformés. Enfin, il faut souligner que les exportations marocaines dans certains segments des fruits et légumes (fraises, tomates, produits maraîchers) sont réalisés par des producteurs espagnols et français installés au Maroc (entre 15 et 25% dans certains produits).
Pour le Maroc, le dispositif de l’ouverture, s’il est paraphé, va permettre de renforcer le positionnement des exportations agricoles sur les marchés de l’UE. L’impact global risquerait d’être beaucoup plus négatif que pour l’UE : la répercussion de la libéralisation dépasserait le seul cadre agricole, pour affecter socio-économiquement et politiquement des sociétés paysannes mal préparées à l’ouverture des marchés.
En outre, cette Feuille de route devait porter une attention particulière aux thématiques liées au développement rural, à la promotion des produits de qualité, à la valorisation des produits typiques, au renforcement de l’investissement privé dans le secteur agricole et à l’amélioration de l’accès aux marchés d’exportation. Or, sur ces aspects, il ne semble qu’il y ait eu une avancée particulière.
Le Maroc a des handicaps profonds qui apparaissent relativement durables, au moins sur le moyen terme : le manque d’investissement, l’insuffisance des crédits, l’absence de marchés fonciers, l’inorganisation des filières, la vétusté des équipements, la lenteur des réformes de structures, le poids du ” chômage caché ” ou supposé tel en agriculture et par conséquent du suremploi agricole. Il en résulte des problèmes de qualité et de normalisation par rapport aux exigences croissantes du consommateur dans l’Union européenne. Des efforts considérables restent donc à accomplir aussi bien au niveau de la maîtrise de la production, des normes sanitaires et environnementales et plus généralement d’une organisation efficace des marchés.
Les perspectives
Les futures relations agricoles euro-marocaines devaient permettre une meilleure localisation des productions, une régularisation des échanges et la promotion d’un système agroalimentaire respectueux de l’environnement, des territoires. Au de là de la liste des uns et des autres, une mise en œuvre dans deux directions : le soutien de la modernisation des producteurs et une meilleure répartition de la chaîne de la valeur ajoutés entre les deux partenaires, un appui à la dimension sociale et territorial basées sur des aides à la reconversion, à la requalification et au développement rural. Or l’agriculture constitue aujourd’hui pour le Maroc un secteur non négligeable, de son économie, tant en ce qui concerne la part de l’emploi agricole dans la population active, que la contribution de l’activité agricole au produit national ou aux exportations. Si rien n’est entrepris pour moderniser ce secteur, non seulement l’exode agricole, et l’érosion des sols, se poursuivront, mais la balance commerciale des échanges agricoles du Maroc ira en se dégradant du fait de la perte progressive de leurs avantages comparatifs sur le marché européen, qui est aujourd’hui leur principal débouché, et de la pression démographique très forte, qui se traduira inévitablement par des besoins d’importation supplémentaires.
C’est à partir des orientations et les mécanismes définis par le Plan vert que les autorités compétentes marocaines devraient concevoir les modalités de mise à niveau des exploitations agricoles marocaines, tenant compte de l’horizon de libéralisation des secteurs sensibles prévu par la feuille de route. L’intégration de l’agriculture marocaine doit faire l’objet d’une attention particulière en raison de son importance économique et sociale et de son rôle dans la croissance économique. Or force est de constater à présent que, bien que le potentiel agricole du Maroc sur des productions identiques à celles de l’Union soit important, ils souffrent d’un retard de compétitivité notable.
Pour le Maroc il est impératif de moderniser et d’organiser le plus rapidement possible son agriculture avant que la partie la plus traditionnelle de ce secteur ne soit totalement marginalisée par suite des contraintes difficilement évitables, à terme, d’une certaine ouverture des frontières, de l’exode agricole des jeunes, qui n’accepteront plus les conditions de vie archaïques de leurs parents, de l’érosion des sols, qui est la conséquence d’un exode rural non maîtrisé
L’Union européenne, qui s’est engagée par ailleurs dans la modernisation de structures agricoles des pays de l’adhésion, pourrait jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de cette politique de modernisation et d’organisation de l’agriculture marocaine : elle pourrait contribuer au développement des productions de base (céréales, oléagineux, élevage) pour améliorer ainsi l’auto-approvisionnement alimentaire et réguler les flux commerciaux concernant les productions concurrentielles (fruits et légumes, fleurs) afin de réduire l’instabilité de ces marchés. A long terme, il apparaît souhaitable d’organiser les échanges entre les deux partenaires en les ancrant sur des complémentarités et une coordination entre les différentes politiques agricoles.
Une telle stratégie, qui aurait aussi pour effet de renforcer considérablement l’influence des deux partenaires dans les négociations agricoles multilatérales au sein de l’OMC, devrait s’appuyer sur un certain nombre d’actions prioritaires, afin d’en neutraliser les conséquences négatives au plan microéconomique.
Comme pour les pays d’adhésion, la coopération entre les organisations agricoles de l’Union européenne et celles du Maroc, permettant des transferts de technologie, notamment pour toutes les questions touchant à la gestion des ressources en eau, à l’utilisation raisonnée des fertilisants et des pesticides, à l’organisation économique et sociale des agriculteurs devrait être fortement encouragée.
Les organisations professionnelles déjà actives sur le terrain peuvent jouer un rôle important durant cette période de préparation pour améliorer les méthodes de production, la qualité, la distribution et la commercialisation. Le développement de telles initiatives mérite d’être encouragé.
La question de l’harmonisation des politiques de l’eau utilisée à des fins d’irrigation devrait faire l’objet d’un examen approfondi, prenant en compte toutes les données (économiques, sociales et environnementales) de ce problème. La mise au point de cette stratégie agricole, permettant de dégager des synergies de part et d’autre devrait donner lieu à afin d’en arrêter les principales lignes de force sur la base de propositions
La modernisation du système productif alimentaire est fondée sur la définition de l’avantage comparatif entre les deux partenaires et faire jouer la complémentarité en fonction des potentiels agro-climatiques, Elle s’appuie sur le renforcement des capacités des milieux professionnels par la mise en réseau des PME et des TPE à fins de partage des coûts, le soutien aux mesures de restructuration foncière, le soutien aux organisations interprofessionnels. Grâce à quoi, les milieux professionnels assureraient leur modernisation et leur mise aux normes. Cette voie permettrait de promouvoir valoriser un modèle agroalimentaire qui répond au souci de traçabilité, de la biodiversité des productions, de labélisation des productions méditerranénenes, et de la qualité sanitaire et du respect de l’environnement.
Un autre volet et non des moindres dans cette approche est l’appui au développement rural fondé sur la multifonctionnalité. Un appui qui tendrait à maintenir une agriculture dans les zones en difficulté, par le développement des infrastructures et services de base, la promotion d’une agriculture diversifiées et porteuses de valeur ajoutée, Un appui concernant l’espace rural par le développement d’activités artisanat, tourisme, et autres actions de promotion de l’emploi féminin.
Entre le Maroc et l’Union Européenne, il n’y a guère de partenariat agricole. Il n’existe pas de solidarité dans les échanges agricoles entre le Maroc et l’UE. D’un côté le Maroc se fournit largement en céréales aux Etats-Unis ; de l’autre, l’UE soutient par une organisation commune de marché une filière fruits et légumes qui limite artificiellement les opportunités d’exportation du Maroc. La libéralisation des échanges agricoles demeure de faible ampleur. Elle a peu progressé depuis les accords d’association, qui même s’il conduit à un allégement des tarifs douaniers, maintient une forte exception agricole dans les échanges avec le recours aux quotas tarifaires ou des subventions internes importantes. La seule voie réside dans un accord, allant au-delà de la timide intégration dans une sphère essentiellement marchande. Il y a des coopérations productives naissantes entre les deux partenaires mais très insuffisantes au regard du potentiel.
Il convient de trouver un cadre permettant une évolution conjointe progressive des agricultures du Maroc et de l’UE. Un cadre comprenant une libéralisation progressive des échanges tenant compte des capacités d’adaptation de l’agriculture marocaine, avec une politique structurelle d’accompagnement.
L’espace rural marocain fait face à des risques de déstabilisation : l’emploi agricole représente encore le tiers de l’emploi total, et fait vivre dans le rural une part encore plus importante de la population. La perspective de libéralisation des échanges agricoles se traduira par une déprise agricole d’ampleur compte tenu du différentiel considérable de productivité entre les deux partenaires. Cette libéralisation doit donc être accompagnée de mesures de renforcement des activités dans cet espace rural afin de prévenir un exode que ni les villes marocaines ni les migrations internationales ne peuvent soutenir.
Vu les limites des politiques fondées sur la libéralisation des échanges, il faut donc lancer une coopération agricole intégrée comportant des objectifs dans le domaine de la production agricole et agroalimentaire, et en matière de développement durable des territoires ruraux. Ce cadre agricole, agroalimentaire et rural permettrait :
- D’offrir aux agriculteurs un cadre institutionnel et normatif, des marchés régulés, une protection extérieure, un label méditerranéen reconnu, un instrument de développement équilibré des territoires ruraux.
- De stimuler les coopérations privées. Un partage pertinent de la valeur ajoutée produite pourrait avoir lieu entre les producteurs et transformateurs des deux partenaires, comme le montrent des réalisations actuelles qui tirent parti de la complémentarité agroclimatique et de la proximité géographique – d’autant que le renchérissement pétrolier et l’urgence des impératifs environnementaux qui vont réduire l’opportunité d’échanges agricoles de très longue distance.
- De stimuler la coopération décentralisée entre les régions des deux partenaires qui sont engagés dans un développement économique et territorial durable.
- De contribuer au lancement d’une Politique Agroalimentaire Commune Euro-Méditerranéenne qui s’appuierait sur les principes qui ont fait le succès de la PAC en les actualisant pour tenir compte de la nouvelle donne internationale (développement durable), et d’une spécificité typiquement euro-méditerranéenne (les avantages de proximité, l’ancrage territorial des produits alimentaires).
La libéralisation des services
Toujours dans le même domaine de l’intégration approfondie, la libéralisation des services un autre enjeu de l’accès au marché. Les services représentent 39% du PIB du Maroc. L’échange des services est également un élément important de la balance des paiements du Maroc. Les exportations de services ont représenté 23% des recettes compte courant et 14% des paiements compte courant[41]. Une ouverture plus grande des activités de services permettrait des gains sensibles en PIB et pourrait revigorer le partenariat.
La question de la libéralisation des services s’annonce plus complexe que celle des biens. La fourniture est généralement peu transfrontalière, et elle implique la proximité du fournisseur au client et le déplacement des personnes, les imperfections de marché sont nombreuses et il y a des difficultés à mettre en place des régulations concurrentielles. L’hétérogénéité des services rende difficile l’adoption d’un cadre commun. Il y a d’abord les services produits (le tourisme), la construction, les professions indépendantes, le petit commerce. Il y a aussi les services facteurs qui agissent sur les prix ou sur l’investissement (les banques, les assurances), il y a ensuite, les services réseaux à externalités fortes. On peut distinguer entre les services à la personne (moins mobiles, le coiffeur, l’infirmière) et les services qui ne sont pas à la personne (comptabilité, consulting, centres d’appels..). Les deux partenaires estiment que la libéralisation des services doit être adaptée à la situation particulière de chaque sous-secteur, afin de ménager les transitions nécessaires.Si elle doit être compatible avec les règles fixées par l’OMC, elle doit aussi être envisagée dans une perspective de co-développement entre le Maroc et l’Union européenne, en privilégiant les activités de service les plus créatrices d’emploi du Maroc caractérisés par un nombre élevé de jeunes chômeurs, diplômés.
Les engagements internationaux du Maroc
Le Maroc a peu avancé dans son offre au GATS, à l’exception du tourisme, les engagements sont limités. L’offre européenne peut aller largement au-delà du cadre des négociations du GATS qui s’arrête à la frontière. Les engagements du Maroc au GATS concernent en premier lieu les services de base transversaux, c’est-à-dire les transports maritimes, ferroviaires et aériens), les banques et certains services financiers, les télécommunications, les services de l’énergie, le droit d’établissement est soumis à autorisation, l’emploi de personnel étranger est limité. En second lieu, les activités liées au tourisme et aux voyages connaissent aussi des limitations mais inférieures à celles des autres secteurs. Sont exclus des engagements d’accès au marché et d’installation la distribution, le petit commerce, l’ensemble des professions libérales et indépendantes, la construction, l’éducation, la formation, le conseil, la production de biens culturels.
Quatre modes d’approvisionnement sont remarquables dans l’ Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), sur la base de l’origine du prestataire du service et du consommateur ainsi qu’en fonction du degré et du type de la présence territoriale dont ils disposent au moment de la prestation de service.[42] Le Maroc a pris des engagements à propos d’une partie ou de l’ensemble des aspects des affaires, de la communication, de la construction et de l’ingénierie connexe, ainsi que pour les services environnementaux, financiers, touristiques et ceux liés aux voyages et aux transports, mais il n’a fait aucun engagement en matière des services de l’enseignement, de la distribution, de la santé, des divertissements ou d’autres services. Dans les 155 sous-secteurs des programmes du AGCS, le Maroc a pris des engagements en termes de 26 sous-secteurs seulement.[43]
Le Maroc a le plus souvent choisi les options « non consolidé » ou « aucune » pour les Modes 1 et 2, ce qui signifie que de nouvelles restrictions inconciliables avec le traitement national ou avec l’accès au marché pourraient être à l’avenir adoptées par le Maroc sans pénalité. Les exonérations de l’AGCS sont limitées dans le temps et ne peuvent pas durer plus de 10 ans ; elles sont assujetties à une révision et une négociation.
Dans le cadre de l’Accord d’Association Euro-Méditerranéen – Maroc, il n’existe pas de liste séparée pour la libéralisation du commerce des services au-delà de celles mentionnées par le l’AGCS. Le Titre III de l’Accord d’Association Euro-Méditerranéen – Maroc concerne le droit d’établissement et les services, mais il réaffirme simplement les engagements adoptés par chaque partie dans le cadre du GATS. L’Article 53 de l’Accord d’Association décrit l’engagement de l’UE de prêter assistance au Maroc afin de parvenir à des règles et des normes communes plus étroites en ce qui concerne : le soutien et la restructuration du secteur des services financiers au Maroc ; l’amélioration de la comptabilité, l’audit, la supervision et la réglementation des services financiers et le contrôle financier au Maroc.
L’Article 58 stipule la coopération de l’UE dans le domaine du tourisme, particulièrement la gestion de la restauration et la qualité des services dans plusieurs domaines liés à la restauration, au développement du marketing pour le tourisme et à la promotion du tourisme au profit des jeunes personnes. Alors que l’assistance de l’UE en termes de développement a traîné, en ce qui concerne les programmes souhaités des secteurs publics et privés au sein du pays d’accueil, l’adoption d’un cadre de travail budgétaire multi -annuel par l’UE signifie que les fonds de l’UE seront en fin de compte dépensés une fois que l’engagement sera acquis.
Les négociations entre l’UE et le Maroc
C’est lors de la sixième conférence Euromed des Ministres du commerce tenue à Lisbonne le 21 octobre 2007 que les Ministres du commerce EUROMED se sont engagés à lancer la phase bilatérale des négociations sur la libéralisation du commerce des services et du droit d’établissement de façon à conclure ces négociations avant 2010.
Le Maroc a été concerné par ces négociations, aux côtés d’autres pays méditerranéens arabes que sont l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc et la Tunisie. Les rounds bilatéraux de négociations entre l’Union européenne et le Maroc ont été lancés en février 2008. Les négociations portent sur la réduction de deux types de limitations portant sur: l’accès aux marchés et au traitement national.
Les limitations relatives à l’accès au marché font référenceaux dispositions réglementaires visant à fixer des limites aux fournisseurs étrangers portant sur: le nombre de fournisseurs; la valeur totale des transactions; le nombre total d’opérations de services; le nombre total de personnes employées; la participation du capital étranger dans les sociétés installées sur le territoire national, etc.
Les limites relatives au traitement national concernent toute disposition réglementaire qui garanti un traitement préférentiel aux fournisseurs nationaux au détriment des fournisseurs étrangers. Pour chacun de ces deux types de limitations, les négociations concerneront les quatre modes de fourniture de services.
Les négociations relatives aux modes 1, 2 et 4 ne porteront que sur les secteurs des services alors que le mode 3, qui porte sur le droit d’établissement, concernera tous les secteurs tant pour les fournisseurs des biens que des services.
Contrairement à l’approche de liste négative adoptée lors des négociations de l’accord de libre échange avec les Etats-Unis, la préparation des listes de concessions dans le cadre des négociations avec l’Union Européenne se fera selon une approche de liste positive.
L’approche de liste positive implique que les listes d’offre de concessions de chaque partie indiqueront les engagements spécifiques par secteur et par mode de fourniture des services où sont inscrites les limitations, conformément aux règles horizontales. Les secteurs non mentionnés dans les listes d’engagement continueront de relever uniquement du domaine législatif et réglementaire du pays concerné et peuvent faire objet de nouvelles limitations sans obligation d’ouvrir des négociations bilatérales.
En revanche, que dans l’approche de liste négative, adoptée avec les USA, les listes d’offre de concessions indiquent les mesures dérogatoires aux dispositions horizontales spécifiques par secteur et par mode de fourniture des services. Les secteurs non mentionnés dans les listes d’engagement sont considérés comme libres et par conséquent sans limitation en termes d’accès au marché ou du traitement national.
Par ailleurs, le projet de protocole relatif à a libéralisation du commerce des services et de l’établissement entre l’UE et le Maroc (version mai 2008) a prévu que les deux parties intègrent dans leurs offres initiales de concessions l’élimination de plusieurs limitations par mode de fourniture de services.
Ainsi, en ce qui concerne la fourniture transfrontières de services (Modes 1 et 2, les types de limitations suivants ne peuvent être maintenues, à moins qu’elles soient spécifiées dans les listes: limitations concernant le nombre de fournisseurs de services; limitations concernant la valeur totale des transactions ou avoirs en rapport avec les services; limitations concernant le nombre total d’opérations de services ou la quantité totale de services produit.
De même, en ce qui concerne les listes d’engagements relatives au droit d’établissement, les types de limitations suivants ne peuvent être maintenues à moins qu’elles soient spécifiées dans les listes : nombre d’établissements; valeur totale des transactions ou avoirs; nombre total d’opérations; participation de capital étranger; et mesures qui restreignent ou prescrivent des types spécifiques d’établissements (filiale, succursale, bureau de représentation) ou de coentreprises par l’intermédiaire desquels un investisseur de l’autre partie peut exercer une activité économique.
En ce qui concerne les engagements relatifs au mouvement des personnes physiques, les mesures sont à mentionner soit à titre horizontal ou spécifique[44]
Par ailleurs, le projet de protocole relatif à a libéralisation du commerce des services et de l’établissement entre l’UE et le Maroc (version mai 2008) mentionne d’autres principes de négociations au sujet desquels le Maroc a présenté des réserves.
Il s’agit d’une part de la clause générale de la Nation la Plus Favorisée (NPF générale) qui prévoit qu’un pays méditerranéen sera obligé d’accorder automatiquement à l’UE les mêmes concessions qu’il a accordées ou qu’il étend à un pays tiers en matière des services et du droit d’établissement comme c’est le cas, par exemple, du Maroc au titre de son accord avec les Etats Unis.
Pour la Commission européenne, cette clause constitue un point essentiel du mandat que les Etats membres lui ont accordé avec comme logique que l’UE ne peut pas avoir de la part des ses partenaires méditerranéens un traitement moins favorable que celui accordé par ces pays à ses principaux concurrents.
Le Maroc avait précisé que cette clause risque de compromettre le processus des négociations, du moment qu’elle constitue à elle seule des concessions accordées d’office à l’UE avant même le démarrage des négociations. La Commission européenne a introduit une limite à la clause NPF générale en stipulant qu’elle ne s’appliquera pas dans les cas des concessions accordées au titre d’accords avec des pays avec lesquels l’UE est dans un processus d’alignement réglementaire. Ceci exclut par exemple les pays de l’AELE (Norvège, Suisse, Islande et Lichtenstein), mais aussi tous ceux avec lesquels l’UE pourrait opter pour une intégration plus poussée (Ce pourrait être le cas de l’Ukraine demain ou de la Turquie, si les négociations d’adhésion n’aboutissent pas). Cette limite videra en fait la clause NPF générale de son contenu, du fait que c’est avec ces partenaires que l’UE a et aura le plus d’engagements substantiels.
D’un autre côté le protocole mentionne la notion de la clause régionale de la nation la plus favorisée (NPF régionale). Cette clause stipule que si les pays méditerranéens décident d’ouvrir des négociations entre eux, ils s’accorderont, en général, mutuellement, des avantages égaux ou meilleurs que ceux accordés à l’UE. La Commission européenne a souligné que cette clause est motivée par le souci de l’encouragement de l’intégration régionale Sud-Sud. Le Maroc a souligné, à cet égard, qu’en voulant trop encourager l’intégration régionale, on pourrait la bloquer par cette clause, du moment que les partenaires méditerranéens seraient découragés de se lancer dans des négociations à cause de cette clause qui induit que ces pays doivent s’accorder entre eux, immédiatement, les mêmes concessions accordées à l’UE. Le Maroc a refusé d’introduire cette clause à portée régionale dans l’accord bilatéral sur les services et l’établissement qu’il aura à conclure avec l’UE.
Par ailleurs, le protocole avance le principe de coopération et alignement réglementaires. A ce titre, le protocole a sélectionné, au niveau du chapitre II « Secteurs des services retenus», les services informatiques, les services postaux et de courrier, les services des télécommunications, les services financiers, les services de transport maritime international et le commerce électronique. Pour ces domaines, le projet de protocole a introduit des définitions, et en fonction de chaque service, des engagements précis sur l’indépendance des autorités de régulation, le service universel et la prévention des pratiques anti-concurrentielles.
Pour le Maroc, il s’agit d’engagements précis dans un certain nombre de secteurs que la Commission européenne veut faire adopter dans le cadre d’un protocole régional alors que les négociations sectorielles ne sont même pas entamées.
Les enjeux des négociations
Le prix des services élevés engendrent des rentes et imposent des taxes sur les autres secteurs. La contribution des services au PIB progresse. L’amélioration des services, notamment ceux liés au commerce (transports, finance, réseaux et télécommunication, énergie) permettrait de diminuer sensiblement les coûts, conduirait à une augmentation des entrées d’IDE et des investissements domestiques et aurait des effets sur la croissance du produit intérieur. De nombreux services ne constituent pas des activités marchandes. La contribution des exportations de services au revenu national s’est accrue, ce secteur assure plus du quart des recettes d’exportation. Il est un facteur essentiel d’équilibrage de la balance des paiements.
Le Maroc s’est engagé dans la libéralisation des services en tenant compte de plusieurs critères : l’importance du secteur pour le pays (apports, externalités possibles), la sécurité des transactions et des procédures (marchés publics), les effets sur l’emploi et l’effet d’entraînement sur les autres secteurs, la sensibilité à la souveraineté de la décision (énergie, finance) et à l’identité (biens culturels).
La question de l’internationalisation et de la libéralisation des services est plus complexe que celle des biens : la fourniture est généralement peu transfrontalière, et elle implique la proximité du fournisseur au client et le déplacement des personnes, les imperfections de marché sont nombreuses et il y a des difficultés à mettre en place des régulations concurrentielles. L’hétérogénéité des services rende difficile l’adoption d’un cadre commun. Il y a d’abord les services produits (le tourisme), la construction, les professions indépendantes, le petit commerce. Il y a aussi les services facteurs qui agissent sur les prix ou sur l’investissement (les banques, les assurances), il y a ensuite, les services réseaux à externalités fortes. On peut distinguer entre les services à la personne (moins mobiles, le coiffeur, l’infirmière) et les services qui ne sont pas à la personne (comptabilité, consulting, centres d’appels..).
La libéralisation des services doit être adaptée à la situation particulière de chaque sous-secteur, afin de ménager les transitions nécessaires. Si elle doit être compatible avec les règles fixées par l’OMC, elle doit aussi être envisagée dans une perspective de co-développement entre le Maroc et l’Union européenne, en privilégiant les activités de service les plus créatrices d’emploi du Maroc caractérisés par un nombre élevé de jeunes chômeurs, souvent diplômés, mais dont la formation avait été trop exclusivement orientée vers les emplois publics.
Etant donné que les secteurs des services au Maroc sont supposés bénéficier d’une protection plus élevée que ceux de l’UE, la libéralisation des services devra ouvrir plus d’opportunités pour les industries de services européens au Maroc que dans le sens inverse. Les premières opérations de libéralisation augmenteront l’intérêt d’investir dans les secteurs des services au Maroc.
Les relations entre l’UE et le Maroc, l’adoption de la législation, des règlements et du modèle institutionnel de l’UE dans les secteurs des Télécommunication de la finance pourrait améliorer l’efficacité des ces servies à grand rendement économique. Les services de l’énergie et la mise en place de réseaux interrégionaux par interconnexions sont déterminants pour l’efficacité et la sécurité de l’approvisionnement national. Les transports deux voies pour améliorer la qualité de transport dans le cadre du partenariat, la première est de construire des infrastructures, en particulier horizontales pour favoriser les relations sud-sud et développer le transport multimodal, la seconde est d’ouvrir davantage le secteur à la concurrence (notamment dans le maritime). Pour le Maroc, ces secteurs sont prioritaires compte tenu des externalités horizontales qu’ils procurent.
Pour les services (services postaux, services informatiques et de conseil, la distribution et les professions indépendantes) l’ouverture doit être tenant compte des effets sur les prix et l’emploi. Quant aux services sociétaux, services publics, services culturels, éducation, services à la personne) la perspective est de développer l’échange d’expérience, les bonnes pratiques, la reconnaissance des qualifications l’assistance technique.
Jusqu’où la convergence normative ?
La convergence normative est conçue comme la véritable clé de l’arc de le Statut Avancé, au point que, à écouter certains responsables communautaires. On dirait même que la Zone de Libre-echange Globale et Approfondie, l’intégration au marché commun et le Statut Avancé même se réduisent à la simple convergence réglementaire. En effet, dans le Document conjoint la reprise de l’acquis communautaire se configure comme l’instrument fondamental du Statut Avancé: « l’intégration du Maroc au marché intérieur de l’Union européenne constitue un objectif ambitieux qui doit être atteint à travers un processus graduel et séquencé, basé sur la reprise progressive de l’acquis communautaire de l’UE ». Au point ou on peut se demander si on ne lui attribue des effets exagérés : «Elle contribuera à stimuler les réformes structurelles, développer la croissance économique au Maroc et en même temps à réduire la pauvreté et développer l’emploi et la cohésion sociale. »
Par ailleurs, «les deux parties confirment leur intérêt pour la conclusion d’un accord de reconnaissance mutuelle des procédures d’évaluation de la conformité (ACAA). Le Maroc doit poursuivre l’alignement de la législation horizontale et sectorielle ainsi que la mise à niveau des infrastructures. » « Une fois la législation horizontale alignée, les organismes marocains de normalisation, d’accréditation et de métrologie pourront participer aux travaux des organismes européens, avec le statut prévu par ces organismes pour les pays de la politique de voisinage”, alors le Statut Avancé ne semble pas avoir une valeur ajoutée à ce niveau. » Ces disposition permettront un accès libre et non conditionné des produit marocains au marché industriel européen. En effet, le rapprochement graduel aux normes du Marché intérieur permettra de fluidifier la libre circulation des biens et des services au moyen d’une harmonisation de la législation marocaine aux normes standards de l’acquis communautaire, à promouvoir la qualité des produits exportés et à développer une compétence nationale en matière de normalisation et certifications.
Or, ici la question se pose des limites de l’approche de l’alignement sur l’acquis communautaire (quant à son périmètre et sa portée), conçu initialement pour les pays candidats à l’adhésion (et qui sont par conséquence l’objet de actes communautaires), dans le cas des pays tiers, c’est à dire, dans le cadre des accords internationaux. Est-ce que la procédure suivi pour les pays candidats (screening, benchmarking, monitoring) est pertinente aussi pour les pays voisins, qui gardent en principe leur souveraineté économique et donc ont à choisir la nature, la portée et le séquençage de leur convergence réglementaire ? Quel est l’objectif stratégique, pour un pays comme le Maroc, de la convergence normative avec l’UE. Quel est son analyse coût-bénéfice. Ses alternatives ? Ses contreparties ? Mais la question se pose également des instruments de cette convergence réglementaire (screening, jumelage), ainsi que du financement de ses coûts.
L’UE va jusqu’a proposer l’élaboration d’une « fiche convergence » accompagnant chaque projet législatif soumis au Parlement marocain er recommander l’adoption d’un programme nationale de convergence réglementaire avec l’acquis communautaire qui identifie les priorités de convergence, les ressources nécessaires, le séquençage de mise en ouvre ainsi que l’importance d’instaurer un mécanisme de pilotage interministériel.
A la différence du processus d’adhésion à l’UE qui exige que le postulants harmonisent leurs réglementations avec celles de l’UE en adoptant l’intégralité de l’acquis communautaire, le Maroc et les autres non adhérents peuvent choisir « à la carte» dans cet acquis, pour ne mettre en œuvre que les changements réglementaires qui auront en définitive, des avantages importants à un coût raisonnable.
Le Statut Avancé dans le prolongement de la PEV offre l’ouverture d’un certain nombre de nouvelles perspectives de partenariat :
- La perspective d’aller au-delà de la relation existante pour arriver à un degré approfondi d’intégration, où le Maroc aura sa part dans le marché interne de l’UE et pourra participer progressivement aux éléments clef de la politique et programme de l’UE ;
- La possibilité d’une convergence des législations économiques qui, conjuguées à la réduction poursuivie des obstacles commerciaux, devrait stimuler les investissements et la croissance ;
- L’assistance technique ciblée et les plans de jumelage, en vue de préparer le rapprochement avec les législations de l’UE dans les domaines englobés dans le Plan d’Action
- Une assistance financière pour mettre en œuvre toutes les sections de l’Accord d’Association et les opérations cernées dans le Plan d’Action
Le Plan d’Action est général et ne précise pas les réformes, ni les moyens pour arriver à une participation progressive et sélective au marché intérieur de l’UE.
La convergence progressive vers les normes réglementaires de l’UE est logique pour les secteurs de services clefs tels que les transports aériens et l’énergie, où le Maroc procède à une intégration effective avec les réseaux européens, à moyen terme. L’expérience de l’Europe de l’Est présente des illustrations utiles sur la façon dont la convergence vers les acquis de l’UE dans ces domaines peut améliorer d’une manière remarquable la performance des secteurs.
Dans d’autres secteurs, par exemple les banques et les transports maritimes, la convergence n’apporterait pas des avantages significatifs dans le court ou moyen terme car le Maroc est aux premières étapes de la modernisation de ses réglementations. Par ailleurs, une intégration économique plus poussée avec l’UE est possible sans une convergence réglementaire dans ces secteurs.
Toutefois, dans d’autres secteurs encore, notamment les professions comptables, juridiques et de l’ingénierie, la convergence réglementaire n’est pas appropriée car les pays membres de l’UE recherchent encore un consensus sur des politiques et des réglementations communes, qui restent largement hétérogènes. Dans ces secteurs, il conviendrait que le Maroc continue à suivre de près les développements essentiels dans ces secteurs. Les débats actuels concernant la mobilité des patients au sein de l’UE pourraient avoir des répercussions importantes pour la compétitivité des services de santé marocains.
Toutefois, même dans les secteurs où une convergence immédiate ne serait pas la stratégie la plus indiquée pour le Maroc, ce dernier peut tirer parti de partenariats de jumelages avec les Etats membres de l’UE, afin d’améliorer la qualité de ses institutions, notamment de ses instances de supervision et de réglementation
La méthodologie de convergence pourrait obéir à la démarche suivante:
1. Présentation par PUE de l’acquis communautaire dans le secteur concerné.
2. Présentation par le Maroc du cadre réglementaire dans le secteur concerné.
- Mesure de l’écart existant entre le cadre réglementaire du Maroc et l’acquis communautaire dans le secteur concerné.
- Définition par le Maroc du degré de rapprochement souhaité dans le secteur concerné.
- Définition par le Maroc du degré et de la cadence de la reprise de l’acquis communautaire dans le secteur concerné.
Pour les trois premières étapes, il s’agit de la même démarche utilisée pour les pays candidats. C’est par la suite que le cheminement change. A l’inverse des pays candidats, pour lesquels la reprise intégrale et in extenso de l’acquis communautaire constitue une exigence sine qua non, le Maroc restera maître de tout le processus de convergence et décidera des secteurs à faire converger, de la cadence de la convergence et surtout du degré de mise en œuvre de celle-ci.
Les deux parties on accordé courant 2009 prioriser trois secteurs pour la convergence réglementaire : services financiers, marchés publiques et normes de qualité/sécurité industrielle. Au cours de 2010, des autres secteurs pourraient joindre cette démarche (agriculture, transport).
Sur le plan méthodologique, l’intégration du Maroc au Marché intérieur pourrait suivre une feuille de route conjointe qui fixera les étapes à franchir, définira les « clauses de sauvegarde » concernant certains aspects spécifiques, leur nature transitoire ou permanent et établira la « progressivité pour certain secteurs sensibles, tels que la libre circulation des capitaux , les règles de concurrence, les marchés publics.
Les jumelages institutionnels
Le jumelage est une initiative de la Commission Européenne, lancée en 1998 dans le contexte de la préparation de l’élargissement de l’Union Européenne. Le jumelage a été conçu à titre d’instrument d’une coopération ciblée pour appuyer les pays candidats à renforcer leur capacité administrative et judiciaire en matière de mise en œuvre des législations communautaires, à titre de futures Etats membres de l’UE. Depuis 1998, plus de 1000 projets de jumelage ont été mis en œuvre et financés dans les pays candidats. Le jumelage continue à remplir des fonctions vitales dans le contexte du renforcement des instituions dans les nouveaux EME dans le cadre de la facilité transitoire et il reste un moyen crucial de renforcement des institutions dans les pays candidats (Turquie).
Dans le contexte de la PEV, le jumelage est présenté comme un instrument de coopération et du renforcement des institutions pour les pays de l’euromed. Les mécanismes sont analogues pour les pays en transition : un financement de projet de jumelage est octroyé aux Etats membres de l’UE pour collaborer avec les pays voisins de l’UE dans le domaine du renforcement des infrastructures institutionnelles (législation, administration et mise en œuvre) et du renforcement des infrastructures (systèmes et équipements). Les projets durent d’ordinaire un ou deux ans et exigent un conseiller résident de jumelage (directeur de projet) pour toute la durée du projet. Les experts de courtes durées de l’UE assurent les intrants techniques de divers volets.
Le jumelage s’est révélé couronné de succès dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est. Depuis 2004, le Maroc a commencé à tirer parti de ce programme qui se révèle particulièrement important dans le cadre de la reprise de l’acquis communautaire. Programme transversal dont l’objectif ambitieux est de mettre à la disposition des Administrations marocaines un outil de mise à niveau administrative et institutionnelle, le P3A contribuera, à terme, à l’intégration progressive du Maroc au marché unique et rendra ainsi effectives les actions identifiées comme prioritaires sous forme de projets par les Instances maroco-européennes de l’Accord d’Association[45]. Le P3A est conçu comme un outil pour répondre aux besoins formulés par les administrations pendant la mise en œuvre de l’Accord d’Association : il vise le rapprochement des législations dans les domaines de l’acquis communautaire et la mise à niveau des administrations. Les actions retenues pour financement ont été définies et formalisées dans le cadre de plans opérationnels annuels (POA) approuvés par le comité de pilotage du programme. Les projets retenus dans le cadre du programme se conforment aux critères de triple cohérence avec les priorités du Gouvernement, avec les lignes d’actions et les priorités identifiées dans le cadre du Plan d’action pour le Maroc de la PEV et avec les orientations dégagées par les instances de concertation euro- marocaines.
Trois premiers contrats de jumelages institutionnels ont été conclus dans les domaines de l’environnement, du commerce extérieur et de la sécurité maritime[46]. Ce nouveau type d’action, qui se réalise pour la première fois au Maroc et en région meda, ouvre un nouveau chapitre dans la coopération Maroc-UE. Il a rendu possible le jumelage des secteurs de l’administration marocaine avec leurs homologues européens et de permettre ainsi que l’administration marocaine puisse bénéficier, dans son programme de réformes, de l’expérience concrète et opérationnelle, acquise dans la pratique quotidienne, les états membres de l’UE. Ces trois premiers jumelages ne sont que le début d’une longue série qui contribue à la construction d’un partenariat renforcé entre le Maroc et l’UE.
Une participation sélective et conditionnée aux programmes et agences de l’UE
Le Maroc, à l’instar des autres pays partenaires de la Politique Européenne de Voisinage (partenaires PEV) peut participer aux agences et organismes associés à la gestion des politiques européennes ou aux programmes de mise en œuvre des politiques communautaires. La PEV prévoit cette possibilité en général, dans les plans d’action PEV, et le Maroc avait déjà manifesté son intérêt dans ce cadre.
C’est la Commission européenne qui a établi un inventaire des agences et des programmes auxquels les pays PEV pourraient et ne pourraient pas participer et définit, sur cette base, les modalités à suivre[47]. La participation offre un moyen d’encourager le renforcement des institutions et des capacités administratives nécessaires pour concrétiser leur participation. Elle constitue également un moyen pour renforcer les processus de réformes ainsi que le rapprochement aux normes communautaires, conformément aux objectifs de la PEV et aux Plans d’Action.
Le Conseil européen de juin 2007 avait permis à la Commission européenne d’ouvrir, de manière officielle, les négociations avec un groupe pionnier de pays, en vue de leur participation aux travaux des agences et programmes communautaires. Le Maroc faisait partie de la première vague des trois pays (Israël, Moldavie, Maroc) avec lesquels la Commission européenne avait commencé à négocier des Protocole-cadres régissant le cadre juridique de leurs participations et les modalités financières y afférentes[48]. Cette participation du Maroc reflétait le niveau d’avancement de la mise en œuvre du Plan d’Action Voisinage et la capacité institutionnelle de l’administration marocaine à s’inscrire dans cette logique novatrice. L’ambition marocaine était de rentabiliser au mieux cette nouvelle perspective.
La Commission avait arrêtée la liste des programmes auxquels les pays partenaires étaient invités à participer[49]. En revanche, d’autres programmes communautaires ne sont pas ouverts à la participation des pays de la PEV en raison de leurs objectifs. La participation aux programmes est assujettie à l’acquittement d’une contribution financière, variable selon l’agence ou le programme et reposant sur différents facteurs. Cette contribution s’effectue par un apport au budget général de l’Union européenne. Une aide générique pourrait être prévue au cas par cas lors de la programmation nationale régulière de l’aide communautaire.[50]
Dans d’autres cas, la participation peut consister en une simple coopération. Certaines agences envisagent une coopération sélective avec des pays tiers pour des activités spécifiques[51], alors que d’autres[52] prévoient une collaboration informelle. D’autres, enfin, offrent des perspectives de coopération intéressantes qui existent déjà avec d’autres pays tiers[53]. En revanche, le Maroc, comme les autres pays PEV ne peuvent participer à quelques autres agences dont les activités consistent à aider les États membres à mettre en œuvre les politiques européennes.
L’intégration du Maroc aux travaux des agences devrait s’effectuer de façon progressive et sélective et prend en compte les intérêts des deux partenaires, les avantages mutuels, les conditions à remplir ainsi que la capacité d’absorption des agences concernées. Avant que de les accords de participation ne soient conclus, une phase de familiarisation avec les agences concernées sera mise en place. Cette phase préparatoire permet notamment d’adapter les législations et les institutions, pour pouvoir effectivement participer à l’agence[54]. Dans la phase de transition, le Maroc ne pourra qu’agir en qualité d’observateur. Des pourparlers exploratoires ont déjà permis d’avancer sur les modalités opérationnelles de participation et d’identifier un intérêt mutuel pour de telles participations Le Maroc suggérait de promouvoir, dans ce cadre, une démarche progressive et à même de lui assurer une participation équilibrée au niveau des trois piliers (Marché Intérieur/ Justice, Liberté et Sécurité/ PESC). De même, il suggérait de concevoir des mécanismes de financement novateurs, qui pourraient, par exemple, s’inscrire dans le cadre de la coopération thématique mise en place par l’Instrument Voisinage.
La Feuille de route considère que la participation du Maroc à certains programmes et agences communautaires constitue « une opportunité importante pour pérenniser les réformes visant notamment à une meilleure intégration du Maroc au marché communautaire ». Le choix de ces programmes et agences obéit à un critère de progressivité eu égard à l’avancée du partenariat Maroc-UE. Le Maroc devrait participer aux Agences suivantes: Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), Eurojust., l’Institut d’Etudes de Sécurité. Une participation vraisemblable mais qui demeure sous réserve des procédures de décision prévues par les statuts de ces agences. En outre, l’intégration progressive du Maroc, sur base de réciprocité et de confidentialité des données, au système d’alerte rapide (RASFF) est prévue. De même que l’idée d’établir une relation de coopération entre le Maroc et l’Agence européenne pour l’environnement (EEA) et l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA). À noter que la liste incluse dans le Document conjoint est plus restrictive que celle approuvée par la Commission pour l’ensemble des pays voisins dans le cadre de la PEV.
Quatre programmes semblent mobiliser l’attention du Maroc: Programme compétitivité et innovation (CIP), Douane 2013 (2008-2013), Programme SESAR, Programme Marco Polo. Le Programme SESAR concerne la gestion du trafic aérien. Il vise à assurer la sécurité et l’efficacité des opérations aériennes, aussi bien au sol qu’en vol. Le programme SESAR de l’UE prévoit le développement d’une nouvelle génération de systèmes de gestion du trafic aérien pour permettre à l’industrie européenne de rester à la pointe du développement technologique. Ce programme peut faire faire école dans la région méditerranéenne. A travers, sa coopération au programme, le Maroc souhaite relever les défis auxquels il est confronté dans ce secteur.
Le programme Marco Polo (2003-2006), quant à lui, vise à déplacer les marchandises de la route vers des modes plus compatibles avec l’environnement. Dans ce contexte, un recours plus fort à l’intermodalité est nécessaire afin de contribuer à une meilleure utilisation des infrastructures existantes et des ressources de service grâce à l’intégration du transport maritime à courte distance, du rail et du transport fluvial dans la chaîne logistique. L’intermodalité est une composante du plan stratégique que le Maroc met en œuvre dans le secteur de la logistique.
Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne renouvelée, le programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (CIP) a été adopté pour la période 2007-2013 afin de stimuler la croissance et les emplois en Europe. Le programme-cadre soutient des actions en faveur de la compétitivité et de la capacité d’innovation au sein de l’Union européenne. Il encourage en particulier l’utilisation des technologies de l’information, des écotechnologies et des sources d’énergie renouvelables. Les actions soutenues par ce programme-cadre sont susceptibles d’appuyer les initiatives et politiques prises au Maroc en faveur du développement de la société de la connaissance ainsi que le développement durable reposant sur une croissance économique équilibrée.
Enfin, le programme d’action Douane 2013 (2008-2013) dans la Communauté a pour but de favoriser la mise en place d’une douane informatisée paneuropéenne qui garantit que les activités des douanes correspondent aux besoins du marché intérieur, qui assure la protection des intérêts financiers de la CE et qui renforce la sécurité et la sûreté. Le programme est susceptible d’aider l’administration douanière du Maroc à renforcer le processus de sa modernisation ainsi qu’à simplifier et à accélérer les procédures douanières pour favoriser les échanges.
La participation du Maroc à ces programmes et agences est tributaire des modalités opérationnelles et budgétaires qui seront convenues à cet effet. Le Maroc souhaite bénéficier de l’appui financier communautaire pour sa participation à ces programmes et agences. La Communauté pourrait prendre en charge une partie des coûts financiers dont les modalités devraient être discutées dans le cadre de la négociation sur le protocole. Plus fondamentalement, la participation du Maroc à ces Agences et programmes dépend de la mise en œuvre par le Maroc des politiques et législations sous-jacentes compatibles avec les objectifs de ces programmes et agences. Dans cette perspective, l’accélération des négociations entre la Commission et le Maroc concernant le protocole à l’Accord d’Association pour définir un accord cadre permettant la participation du Maroc aux programmes communautaires dévient impérative.
La question et la mobilité migratoire en quête de traitement
Le volet extérieur des politiques d’immigration européennes se développe dans un cadre marqué par une focalisation de la question migratoire comme un problème de sécurité, autant intérieure qu’extérieure. L’Europe est tenue de coopérer et de ne pas simplement externaliser les “responsabilités” qui sont les siennes sur un phénomène d’envergure qui touche des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Le Maroc est concerné par les politiques européennes d’immigration. Connue surtout comme pays d’émigration vers l’Europe depuis les années 1960 dans le cadre d’une migration de travail, il doit désormais composer avec de nouvelles dynamiques de transit – voire d’immigration – qui viennent se greffer sur des logiques migratoires plus anciennes. De nouvelles formes d’investissement de l’espace marocain apparaissent. Les nouveaux pays de provenance des migrants et réfugiés cherchant à atteindre l’Europe, ne se limitent plus aux pays frontaliers mais s’étendent vers des pays de plus en plus lointains.
Une politique d’immigration efficace ne peut être élaborée qu’en coopération avec les pays d’origine et de transit, dont la réalité et les besoins doivent être pris en compte. La pression migratoire qui s’exerce sur l’Union exige des solutions de long terme, élaborées en concertation avec les pays d’origine et de transit. La coopération avec les pays tiers en matière de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains est également indispensable
Le Maroc, de par sa position géographique particulière à la croisée des chemins entre l’Asie et l’Europe, le Nord et le Sud, à proximité de régions instables ou déchirées par les conflits, offre une multitude de points d’entrée de migrants. Il constitue ainsi un important point de passage de migrants en provenance de pays d’Afrique subsaharienne. De par sa position géographique et la perméabilité de ses frontières est avec l’Algérie, le Maroc est devenu la première victime en Afrique de la problématique de l’immigration clandestine
L’Union européenne a adopté plusieurs textes importants afin de développer le recours à l’immigration choisie et de renforcer l’intégration des étrangers, dont la négociation a été attentivement suivie par la Délégation de l’Union européenne. L’Union européenne a également adopté de nombreux textes en matière de lutte contre l’immigration illégale. L’action de l’Union dans ce domaine a été facilitée par le passage à la majorité qualifiée au Conseil, à compter du 1erjanvier 2005. La portée normative de ces textes est cependant limitée, en raison du maintien de la règle de l’unanimité (chaque Etat membre obtenant au cours des négociations des dérogations, visant à éviter de modifier sa propre législation sur les points qu’il juge sensibles).
Par contre, la coopération dans la mise en œuvre de l’approche globale dans le domaine de la migration est assurément la partie la moins approfondie de la feuille de route définie dans le Document conjoint. Tout en reconnaissantl’importance de la coopération dans ce domaine et les efforts entrepris par le Maroc en matière d’émigration illégale, l’UE affirme qu’elle ne serait prête à la développer que lorsque les négociations relatives à l’accord de réadmission auront été achevées avec succès. Sur cette question, l’UE maintient sa position sur la présomption de la nationalité marocaine pour demander la réadmission et le Maroc n’accepte pas la clause du «silence vaut consentement» de réadmission dans le cas de dépassement du délai de réponse. Le Maroc demande aussi que « le paquet » de l’accord de réadmission soit accompagné d’un accord de facilitation de visa, d’actions de réinsertion dédiés aux réadmis, d’un mécanisme de promotion de la migration légale et d’un appui technique et financier pour la mise en œuvre de l’accord.
L’UE n’a pas encore donné d’indications sur ce paquet de réadmission. Dans ce contexte, le Maroc considère qu’il ne peut faire davantage de concessions à ce stade des négociations dont la partie la plus difficile reste encore à mener sur la question de la flagrance et le procédurier y afférent, d’autant plus que l’accord sera lourd de conséquences, notamment financières, pour le Maroc et nécessite par conséquent des mesures d’accompagnement pour la réussite de sa mise en œuvre. Dans le mesure où il n y a pas de vide juridique à l’heure actuelle, puisque les accords bilatéraux sont en place avec les Etats de l’UE qui accueillent les plus forts contingents de la communauté marocaine, donner le temps au temps semble être le point de convergence des deux parties sur cette question.
Faut-il néanmoins rappeler que l’UE propose à travers le concept de partenariat de mobilité, une nouvelle démarche pour la coopération avec les pays tiers qui collaborent dans la lutte contre la migration clandestine et ce selon un paquet de mesures qui pourrait comprendre des possibilités de migration légale, une assistance pour développer les capacités de gestion des flux migratoires légaux, des mesures contre la fuite des cerveaux et l’assouplissement des procédures de délivrance de visas de court séjour. Le Maroc est déjà pleinement engager dans la lutte contre la migration clandestine, notamment à travers les négociations en matière de réadmission, le renforcement des contrôles des frontières (11 000 hommes dont 5600 affectés à la surveillance du littoral), les échanges d’informations et la lutte contre les trafic des migrants et la traite des êtres humains[55]. Mais, à ce jour, les choses ne sont pas claires en ce qui concerne ce nouveau concept. Les discussions sont à peine à leur début. Elles devraient concerner les questions de fond notamment pour définir les contours du partenariat pour la mobilité et éventuellement voir quels sont les pays avec lesquels il est souhaitable d’initier des projets. Plusieurs pays européens ne sont pas très convaincus de l’opportunité de ces partenariats pour la mobilité. Certains pays tel que l’Espagne, le Portugal, l’Italie et éventuellement l’Allemagne sont disposés à offrir des possibilités de réalisation de projets pilotes en matière de migration légale avec les pays tiers
Le Maroc est mieux placé dans la région de l’Afrique du Nord pour coopérer dans la réalisation d’un projet pilote dont la réussite permettra d’assurer la viabilité de ce nouveau concept de partenariat pour la mobilité. Le « paquet réadmission» demandé par le Maroc lors du 12ème round des négociations en matière de réadmission avec l’UE pourrait-il trouver certains éléments de réponse dans le partenariat pour la mobilité?
Pour débloquer la situation sur la question de la mobilité des personnes, il faudra clarifier de façon explicite l’offre de l’UE en termes de mobilité en échange de la signature de l’accord de réadmission de nationaux des pays tiers qu’elle exige. L’agenda minimale en termes de mobilité Maroc-UE doit s’apparenter à celle établie pour le Partenariat Oriental, qui prévoit[56] “des masures pour avancer vers une pleine libéralisation des visas en tant que objectif à long terme pour des partenaires individuels sur une base cas par cas, pourvu que les conditions pour une mobilité bien gérée et sure concurrent ». En plus, la Commission s’est engage à lancer une étude “pour quantifier les coûts et les bénéfices pour l’UE et pour les partenaires en ce qui concerne la mobilité de la main d’ouvre et des éventuelles masures pour coupler la demande et l’offre de main d’ouvre”, avec pour perspective « poursuivre une ouverture ciblée du marché de travail de l’UE aux citoyens des partenaires ».
Quel est le soutien financier « approprié» ?
Le Document conjoint « reconnaît que l’approfondissement des réformes découlant du Statut Avancé, et notamment l’approximation réglementaire et la modernisation des infrastructures, ainsi que l’ouverture croissante de l’économie prévue au titre de l’approfondissement de la libéralisation (ALEA) nécessitera des moyens financiers importants afin de mobiliser l’assistance technique, financer les investissements et accompagner (au niveau social) les inévitables mutations».
Étant donné que les montants maximas de l’action extérieure de l’UE sont fixés dans les Perspectives financières 2007-2013, l’augmentation substantielle de l’assistance financière est rapportée aux prochaines Perspectives financières 2014-2018, qui devraient commencer à être négociées dans le deuxième semestre de 2010. Ceci étant, dans le cadre de la planification stratégique de l’Instrument européen de voisinage et partenariat (IEVP) pour la période 2011-2013, la Commission européenne a une certaine marge de manouvre dans la répartition des fonds par pays d’une même région.
Ainsi, dans sa proposition préliminaire (non encore officielle) de la Commission pour 2011-2013 (en total, 933 millions d’euros par an, c’est à dire 13% de plus que pendant 2007-2010), on observe qu’effectivement le Maroc bénéficie du montant le plus important en termes absolus, ainsi que de l’augmentation en pourcentage la plus importante parmi les pays partenaires méditerranéens, à l’exception près de la Syrie et la Lybie qui partent des niveaux très bas.
Allocations bilatérales multiannuelles indicatives pour 2011-2013 (mill. €)
Pays | Enveloppe financier provisionnel 2011-2013 (mill. €) | Augmentation par rapport à 2007-2010 (%) | Population (mill.) | Assistance par habitant et par an (€) |
Maroc | 580 | 18,2% | 31 | 6,2 |
Algérie | 172 | 4,2% | 34 | 1,6 |
Tunisie | 240 | 6,7% | 10 | 8 |
Egypte | 449 | 7,2% | 82 | 1,8 |
Autorité Palestinienne* | 504 | 6,3% | 4,5 | 37,3 |
Jordanie | 223 | 12,2% | 6 | 12,4 |
Liban | 150 | 7% | 4 | 12,5 |
Syrie | 129 | 32,3% | 21 | 2 |
Lybie | 60 | 1000% | 6 | 3,3 |
Pays arabes méditerranéens | 2.507 | 12,8% | 198,5 | 4,2 |
*Hors assistance humanitaire extraordinaire.
Source : Elaboration propre à partir de documents de la Commission européenne. Pour la période 2007-2010, on a pris comme référence les allocations bilatérales multiannuelles publiées par la Commission (voir Lannon et Martín, section 7.3.2).
D’après la vision marocaine, ces quantités restent en deçà de ses attentes et ses capacités. En effet, en termes par tête elles restent à un niveau très modeste de 6 euros par habitant et par an, toujours substantiellement inférieures aux quantités allouées à des pays de petite taille comme la Tunisie, le Liban ou la Jordanie.
L’augmentation accordée au Maroc est à relativiser aussi par comparaison aux augmentations d’autres pays du voisinage, notamment, les pays de l’Est de l’Europe : ainsi, l’Ukraine verra son enveloppe financière augmenter +27% (470 mill. en tout) pour 2011-213 et les autres pays du Partenariat Oriental bénéficieront encore d’augmentations plus conséquentes (on exclue la Russie de l’analyse, car elle est un cas entièrement à part (elle recevra 45 mill. Pour 2011-2013, une réduction du 50%).
Allocations bilatérales multiannuelles indicatives pour 2011-2013 (mill. €)
Pays | Enveloppe financier provisionnel 2011-2013 (mill. €) | Augmentation par rapport à 2007-2010 (%) | Population (mill.) | Assistance par habitante et par an (€) |
Ukraine | 470 | 26,8% | 46 | 3,4 |
Moldavie | 273 | 73,5% | 4 | 22,7 |
Géorgie | 180 | 99,3% | 4 | 15 |
Azerbaïdjan | 122 | 76,8% | 9 | 4,5 |
Arménie | 157 | 213% | 3 | 17,4 |
Belarus | 80 | 533% | 10 | 2,6 |
Partenariat Oriental | 1.282 | 48% | 76 | 5,6 |
Source : Elaboration propre à partir de documents de la Commission européenne. Pour la période 2007-2010, on a pris comme référence les allocations bilatérales multiannuelles publiées par la Commission (voir Lannon et Martín, section 7.3.2).
En tout cas, ce qu’on observe si on compare les deux tableaux est que la répartition respecte en gros l’accord politique pour distribuer 1/3 de l’assistance du IEVP aux pays voisins de l’Est et 2/3 au pays du Sud de la Méditerranée (si on ne compte pas les 45 mill. destinés à la Russie, et tenant compte que cette règle de répartition était adoptée avant l’adhésion de 10 pays de l’Est de l’Europe qui sont devenus États membres et donc ne bénéficient plus de ces aides), mais curieusement l’assistance moyenne par tête et par an pour les pays de l’est, qui ont commencé à recevoir de l’aide très récemment, a déjà devancée celle des pays méditerranéens (5,6 euros versus 4,2 euros).
A ces montants des enveloppes bilatérales, il faut ajouter les fonds réservés pour financer des programmes régionaux, près de 300 millions d’euro dans le cas de la Méditerranée (y compris l’Union pour la Méditerranée) et 350 millions que le Conseil européen a mobilisé de ses fonds de réserve pour financer le Partenariat Oriental. Cela déséquilibre encore plus la répartition Est-Sud à faveur de l’Est. Finalement, les programmes transversaux bénéficieront de plus de 1.100 millions d’euros : il s’agit de la coopération transfrontalière, la Facilité gouvernance, la Facilité Investissement, Erasmus, Jumelage institutionnel, SIGMA et TAIEX, qui sont ouverts à tous les pays du voisinage. Dans quelques cas (SIGMA et TAIEX), ils sont déboursés sur une base premier arrivé, premier servi, tandis que dans des autres ils sont pre-alloués (coopération transfrontalière) ou ils font l’objet de décisions de la Commission (Facilité gouvernance et Facilité investissement) [57]. Parmi les pays méditerranéens, c’est certes le Maroc qui est le mieux placé pour bénéficier de ces fonds, mais encore une fois les pays voisins de l’est semblent à même de rapporter une part plus que proportionnel en vertu de sa capacité d’absorption accrue.
En tout cas, il est clair que la Commission a déjà entamé, par le biais de la répartition des fonds (ou plutôt des taux d’augmentation de l’assistance financière aux différentes partenaires), un processus de différentiation discret en ligne avec les principes formulés dans les documents de stratégie de la PEV depuis 2003. Il est clair aussi que, si, au sein de la Méditerranée, cette différentiation semble privilégier clairement le Maroc, ce n’est pas du tout le cas si on compare l’ensemble du voisinage, où l’assistance de l’UE aux pays de l’Est de l’Europe semble avoir un dynamisme plus important qu’en Méditerranée.
Vers un Fonds de cohésion UE-Maroc ?
Or à l’évidence le niveau actuel de l’assistance, même s’il a augmenté de façon soutenue depuis 1995, tant en termes absolus que en euros par habitant, ne suffit ni pour mener une politique de convergence réelle entre le Maroc et l’UE ni pour faire face aux grands défis socioéconomiques auxquels doit faire face le Maroc. Au meilleur des cas, le montant par tête ne dépassera pas le 6,5 euros par habitant et par an en 2013. Cela est une avance certes importante par rapport aux 4 euros par habitant et par ans alloués en 2006, mais s’avère insignifiante en comparaison avec les 200 euros par habitant et par an considérés nécessaire au sein de l’UE.
Assistance financière de l’UE au Maroc, 1995-2013.
Allocation (mill. €) | Allocation par an (mill. €) | Allocation par an et par habitant (€) | |
MEDA I (1995-1999) | 660 | 132 | 4,7 |
MEDA II (2000-2006) | 982 | 140,3 | 4,8 |
IEVA (2007-2010) | 654 | 163,5 | 5,45 |
IEVA (2011-2013)* | 580 | 193,3 | 6,2 |
* Proposition de la Commission
Quant aux modalités de l’assistance, c’est évident que l’évolution de la logique de coopération par projet vers l’aide budgétaire sectorielle qui absorbe déjà 100% de l’assistance au Maroc a été un pas en avant important en termes d’efficacité[58]. Mais si on veut effectivement créer un espace économique euro-marocain, la logique de la coopération qui l’a emporté jusqu’à présent doit être remplacée par une logique d’intégration au niveau de l’assistance financière (comme complément, par exemple, de la convergence normative). Cette logique est sous-jacente, par ailleurs, à la Politique Européenne de Voisinage. Sans convergence réelle et une politique de convergence avec des objectifs clairs, la convergence réglementaire et la libéralisation des échanges perdent une bonne partie de leur sens.
Or, l’Europe a justement, au moins depuis 1993, un instrument politique très rôdé qui a prouvé son efficacité, la Politique régionale européenne et plus précisément, la Politique de cohésion qui a fonctionné exactement dans cette direction : réussir la convergence interne au sein de l’Espace Économique Européen, la coresponsabilisation du développement entre territoires à niveaux de développement très inégaux, tout en promouvant la mise à niveau, la modernisation du tissu économique des régions à la traîne pour faire face à la concurrence au sein du marché unique. Les instruments de cette politique sont les fonds structurels. Dans le cadre du Statut Avancé, il semble tout à fait logique d’explorer les possibilités d’extension de ces fonds au Maroc. Cette possibilité, qui, il y a quelques ans, semblait disparate, n’est plus si lointaine aujourd’hui.
En effet, à la fin du Document conjoint sur le Statut Avancé les parties s’engagent à une «réflexion conjointe […] en vue de franchir, à partir de 2013, une nouvelle étape pour l’accès aux moyens financiers communautaires adéquats pour accompagner le Maroc dans une logique de la politique régionale et de cohésion de l’UE et d’adoption de nouvelles procédures de mise en œuvre». Il ne faut pas laisser passer cette opportunité d’entamer cette « réflexion conjointe », et même aller plus loin et profiter de la période 2010-2013 pour avancer dans les préparatifs concrets pour rendre possible cette participation.
En termes quantitatifs, une extension pleine de la politique régionale au Maroc aurait certes un impact financier considérable. Si on applique au la limite des fonds structurels fixée dans les dernières Perspectives financières 2007-2013, équivalant à 4,25 % du PIB d’un pays, on arrive à un plafond de deux milliards d’euros par an, ce qui reviendrait à multiplier la coopération actuelle par 14 (et arriver à un niveau de près de 73 euros par habitant et par an)[59]. Ce montant paraît énorme et il n’est pas évidemment réaliste à court terme, entre autres à cause de la capacité d’absorption limitée du Maroc. Mais il est toujours possible d’appliquer le nouveau fonds par étapes, en augmentant progressivement les dotations annuelles de sorte à arriver en 2020, par exemple, à l’équivalent de 2 % du PIB en fonction des objectifs achevés de réforme et convergence réglementaire. Cela supposerait environ un milliard d’euros par an qui se traduirait par un véritable saut qualitatif dans la coopération financière avec le Maroc et, prévisiblement aussi, pour ses perspectives de convergence. C’est ce que le cadre conceptuel à développer devra fixer. Mais d’ici là il y a une question préalable qui revêt une importance cruciale à cet égard.
Programme de coopération transfrontalière
En effet, autant le Maroc a montré une excellente capacité d’absorption des fonds qui lui sont alloués, autant le blocage de sa participation au Programme de coopération transfrontalière mis en place dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et association (IEVP) depuis 2007 risque d’avoir des conséquences majeures pour ses perspectives de bénéficier d’une assistance financière plus conséquente et surtout inspirée de la politique régionale européenne.
En effet, l’IEVP a réservé un 5% de ses fonds, à compléter par un autre 5% provenant du Fonds européen de développement régional, pour des programmes de coopération transfrontalière entre les territoires situés le long des frontières externes de l’UE, à savoir entre Etats membres et Pays partenaires qui partagent des frontières maritimes ou terrestres communes. A cet égard, deux types de programmes sont prévus: bilatéraux pour les frontières terrestres ou les détroits maritimes, et multilatéraux de bassin pour les frontières maritimes. Ces programmes seront gérés à partir d’une méthodologie propre aux fonds structurels encore que légèrement simplifiée, et présupposent un accord de partenariat entre les partenaires du nord et du sud impliqués. Ils serviront à financer des projets de coopération qui seront gérés par les autorités locales et régionales, et aussi, au niveau local, par d’autres acteurs et partenaires sociaux comme les universités, les syndicats, les organisations patronales, les ONG ou les Chambres de commerce. Le Maroc est censé être bénéficiaire de deux de ces programmes :
- Programme Espagne-Maroc, avec un volet Andalousie-Nord du Maroc et un autre Iles Canaries-Sud du Maroc. Le budget total indicatif est de 156,7 millions d’euros.
- Programme du Bassin méditerranéen, doté d’un budget d’environ 173 millions d’euros pour la période 2007–2013. La Région Autonome de la Sardaigne gère le Programme en tant qu’Autorité de Gestion Commune[60].
Le Programme opérationnel conjoint du Programme Bassin Méditerranéen a été adopté en août 2008 par la Commission européenne[61], et le premier appel à des propositions de projets standards a été lancé en mai 2009. Or le Maroc a suspendu pour l’instant sa participation au Programme (qui requiert en tout cas la signature d’une convention financière avec la Commission européenne, probablement à cause de la participation à ce programme des villes de Sebta et Melilla (qui déjà bénéficiaient des fonds du programme Interreg III pour la coopération transfrontalière avec le Maroc en 2000-2006).
L’entrée en fonctionnement du Programme de coopération transfrontalière Espagne-Maroc est conditionné à l’approuvassions conjointe du programme par les gouvernements de l’Espagne et du Maroc, qui n’est pas intervenu jusqu’au moment. Cela a déjà entrainé la perte des fonds correspondantes à 2009 (au plutôt de la moitié provenant de l’IEVP, tandis que l’autre moitié correspondantes au FEDER doivent être redistribués à l’Espagne pour des programmes de coopération transfrontalière de l’Andalousie, Sebta et Melilla gérés depuis l’Espagne). Si un accord n’est pas conclu entre les deux gouvernements avant juin 2010, ça sera l’ensemble de l’enveloppe du Programme qui sera perdue.
Même s’il s’agit d’une question purement bilatérale et d’une somme limitée, l’importance de cet échec est à souligner. Les programmes de coopération transfrontalière ont été conçus comme un premier banc d’essais pour étendre la méthodologie des fonds structurels au pays de la voisinage, et au moment ou le Maroc proclame bénéficier à terme de ces fonds, il est un très mauvais signe de ne pas absorber les fonds de la première expérience dans ce sens. Le Sommet UE-Maroc serait une bonne occasion pour débloquer la situation.
Préparer le terrain pour les fonds structurels
En plus de débloquer la participation du Maroc au programme de coopération transfrontalière, mener une réflexion, comme prévu dans le Document conjoint, ne suffit pas.
Même si l’inexistence de Perspectives financières après 2014 empêche de prendre des engagements financiers quelconques, il faut développer un cadre conceptuel claire pour l’assistance financière future qui puisse s’insérer dans les négociations des Perspectives Financières 2014-2018 qui doivent être entamées dans le deuxième semestre 2010. On peut déjà établir le principe, en phase avec le Document conjoint, d’extension de la méthodologie des fonds structurels au Maroc, entamer les études pour définir l’ampleur de l’assistance financière « approprié » mentionnée au Document conjoint, par exemple une duplication de l’assistance à partir de 2014, et un quadruplement des montants de l’assistance en 2018 en fonction des objectifs achevés. Une étude sur les modalités de cette extension est aussi préalable et devrait être entamée immédiatement, pour déterminer s’il convient de créer un fonds de cohésion UE-Maroc spécifique à l’instar des fonds structurels ou ouvrir une voie de participation directe à la politique régionale européenne (beaucoup plus compliquée du point de vue juridique et constitutionnel); si c’est mieux de créer un seul fonds-pays ou plusieurs fonds structurels thématiques, comme dans le cas de l’Europe (et dans le cadre de la PEV, avec l’Instrument de gouvernance et le Fonds d’investissement de voisinage), quel sera le système de programmation et rôle des différentes instances de gouvernement, supervision de la Commission, etc.
Parallèlement, il faut profiter de cette période de transition (jusqu’en 2014) pour préparer convenablement l’application élargie de la politique régionale européenne dans trois domaines au moins:
a) rédiger les rapports et les études nécessaires pour mettre en œuvre ces programmes dans le cadre d’un exercice de planification stratégique du développement régional dans le Maroc, selon le modèle des rapports de cohésion européens,
b) une analyse minutieuse de la transférabilité au Maroc des fonds structurels européens et des problèmes de gestion politique, institutionnelle et financière qu’ils poseraient certainement, y compris la question des éventuelles réformes institutionnelles nécessaires,
c) le développement des capacités institutionnelles et administratives des autorités régionales et locales qui, en principe, sont les vecteurs institutionnels de ces politiques. Rien n’empêche de s’atteler immédiatement à la préparation d’un rapport de cohésion et d’études de transférabilité, ni de lancer un programme ambitieux de renforcement des capacités (comme convenu, par exemple, pour les pays voisins de l’Est de l’Europe et du Caucase méridional, dans le cadre du Partenariat Oriental établi au Sommet de Prague le 7 mai 2009) : il s’agit de procédures qui demandent de ressources financières très modestes et qui sont abordables, y compris dans le cadre de la coopération bilatérale des pays européens. Et elles auraient des effets positifs même si cette application élargie de la politique régionale européenne n’aboutissait pas finalement.
Quelle participation de la société civile et des acteurs non-étatiques?
Sous l’épigraphe « Dimension humaine », le Document conjoint qualifie d’« indispensable de développer la dimension humaine du partenariat UE-Maroc, à travers le renforcement des échanges culturels, éducatifs et scientifiques, l’implication de nouveaux acteurs et l’encouragement d’espaces de dialogue et de concertation entre les sociétés civiles et l’implication croissante des acteurs non étatiques dans le partenariat Maroc- UE ». À ce titre, le DC mentionne:
- l’encouragement de réseaux d’échanges et de consultation entre les acteurs de la société civile et implication de nouveaux acteurs; « le rôle de la société civile dans le développement du Maroc sera consolidé par le rapprochement des différents acteurs afin de traiter de questions diverses, ayant trait aux droits humains, économiques et sociaux, aux échanges entre les peuples, au dialogue des cultures, au développement durable”; dans ce cadre les mesures suggérés par le groupe de travail comprennent i) la mise en place d’une coopération entre les institutions du Diwan Al Madhalim et l’Ombudsman européen, ii) la mise en place d’un dialogue renforcé entre l’UE (y compris l’Agence des droits fondamentaux) et le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme ; iii) renforcement du dialogue interculturel et civilisationnel par la promotion d’espaces culturels maroco-européens ; iv) poursuite du dialogue entre les ONG des deux parties, « en vue de renforcer et de soutenir l’action des acteurs associatives marocains […] et de sensibiliser les parties sur les principaux défis en matière de respect des droits de l’homme, des droits économiques et sociaux, des échanges entre les peuples » ;
- structuration des relations entre les entités territoriales;
- rapprochement du système d’enseignement supérieur et de recherche et de formation professionnelle marocains à l’Espace européen ;
- coopération dans la mise en ouvre de l’approche globale dans le domaine de la migration ;
- appui à la formation en matière de politiques communautaires.
Soutien à la société civile ou implication de la société civile ?
En vue de ce programme, force est de constater qu’il se focalise trop sur les échanges entre les sociétés civiles, sans prévoir des vrais mécanismes pour associer la société civile à la démarche et le processus du Statut avancé. Déjà le Document conjoint a été adopté sans une consultation quelconque avec les acteurs de la société civile organisé (par exemple, la Plateforme Non Gouvernementale Euromed ou le Comité économique et Sociale Européen[62]), comme c’avait été le cas du Plan d’Action de voisinage. Il existe une contradiction flagrante entre, d’une part, l’absence de toute référence ou de consultation de la société civile au cours du processus de définition du Statut Avancé et, d’autre part, le rôle qui est supposé être attribué à cette même société civile dans son cadre. Cette absence totale de concertation avec les acteurs de la société civile dans le processus est une atteinte à sa légitimité. Sans la participation pleine des bénéficiaires de la coopération dans la planification, la conception, l’exécution et l’évaluation la coopération, celle-ci ne pourra être efficace.
En plus, il n’est pas possible de prétendre que la société civile s’approprie le Statut Avancé sans l’impliquer à tous les niveaux et dans toutes les étapes de sa mise en ouvre. Tout en reconnaissant les avancées réalisées dans la promotion de la société civile (notamment en matière des droits de l’homme) et leur association à certains processus de coopération dans ce domaine, les acteurs de la société civile sont intéressés à tous les domaines du Statut Avancé, et pas seulement à celui du respect des droits de l’homme, les droits économiques et sociaux, et les échanges entre les peuples (comme indiqué dans le Document conjoint), et ce n’est pas légitime de les cantonner dans ces domaines, en les excluant d’autres domaines sur lesquels ils ont aussi ses mots à dire, comme la convergence réglementaire, la libéralisation approfondi du commerce bilatérale ou même les questions politiques et de sécurité. Le fonctionnement démocratique du Statut Avancé souffre de cette difficulté d’étendre le dialogue. Or, cette difficulté risque de s’aggraver encore avec l’impact que risque d’avoir de plus en plus sur la vie des citoyens le transfert de l’acquis communautaire qui est considéré a priori et, non sans injustice, comme d’essence purement technocratique.
La promotion des échanges culturels et autres entre les sociétés civiles est très nécessaire, mais ne suffit pas pour assurer cette « implication croissante des acteurs non étatiques dans le partenariat Maroc-UE » souhaité par le Document conjoint. Également, la « coopération entre le Comité Economique et Social européen et son homologue du Maroc, dès que celui-ci aura pu être effectivement constitue », prévu dans le chapitre sur la coopération économique et sociale, sera sans doute très utile pour renforcer le dialogue social institutionnalisé au Maroc, mais il faudra associer leur membres, représentants des différents groupes d’intérêt des sociétés respectives, aux processus de décision et de mise en ouvre du Statut Avancé.
Impulser la participation réelle de la société civile, les partenaires sociaux, entreprises et syndicats, et les autorités régionales et locales dans le Statut Avancé, à tous les niveaux et dans toutes les phases du Statut Avancé, devient ainsi un impératif. Il convient de renforcer le rôle des acteurs de la société civile dans le processus et de favoriser leur activité en tant qu’interlocuteurs économiques et sociaux auprès des gouvernements, en les tenant informés sur la mise en oeuvre de l’Accord d’Association, le Plan d’Action et maintenant le Statut Avancé, ainsi que sur les perspectives du partenariat. C’est pourquoi il serait opportun de renforcer et de promouvoir la pleine intégration des représentants de la société civile dans le cadre des structures qui veillent au suivi des relations entre le Maroc et l’UE, c’est à dire le Conseil d’Association et le Comité d’Association.
La création d’un « Sous-comité société civile » dans le cadre du Conseil d’Association UE-Maroc se réunissant régulièrement, deux fois par année par exemple, avec des représentants des gouvernements des deux parties mais aussi de la société civile, pourrait être un premier pas dans cette direction et visualiser l’engagement avec la participation de la société civile dans le processus du Statut Avancé, échanger de l’information et promouvoir l’appropriation par la société civile des acquis du Statut Avancé.
Par ailleurs, force est de constater que les progrès dans ce domaine ont été très limités pendant l’année d’application du Statut Avancé. Tandis qu’il y aura, en marge du Sommet UE-Maroc du 7 mars 2010 et peu avant, un Forum des Entreprises UE-Maroc sur « une nouvelle étape de la coopération entre les entreprises », un Forum des Autorités Locales et Régionales et un séminaire académique organisé par la Fondation Trois Cultures, la société civile organisée n’a toujours pas trouvé sa place dans cette démarche, tout comme les syndicats. Jusqu’au moment, l’impact du Statut Avancé sur l’implication de la société civil dans les relations UE-Maroc ne se voit pas.
Quant aux échanges humains sous-lignés dans le Document conjoint, il faudra doter les ressources nécessaires, autant financiers qu’institutionnels. Pour promouvoir vraiment une intensification des contacts entre les peuples et visualiser l’engagement avec le Statut Avancé, une mesure appropriée serait d’établir un fonds de promotion, financement et gestion des échanges de toute sorte entre les sociétés du Maroc et des Etats membres de l’UE : échanges culturels, échanges d’écoles, échanges universitaires et scientifiques ou échanges professionnels. Ce « Fonds d’Échanges Avancées UE-Maroc » pourrait être mis en place immédiatement, à l’occurrence avec une allocation du fonds de réserve de l’UE comme c’étais le cas pour les ressources engagés pour le Partenariat Oriental lors du Sommet constitutif de Prague de mai 2009.
Vers une coopération avancée entre les autorités locales et régionales
Quant aux collectivités locales, le Document conjoint « encourage le rapprochement entre les représentants des autorités régionales et locales marocaines et leurs homologues européens qui permettra de conforter la dynamique de la coopération transfrontalière et transrégionale promue dans le cadre de la PEV étant entendu qu’elle devrait respecter les mêmes principes que la coopération transfrontalière au titre de l’IEVP. Le Maroc ambitionne, à terme, de mettre en réseau les entités régionales marocaines avec le Comité des Régions (CdR) ». Laissant à coté la perspective d’une coopération institutionnelle, la continuité entre le Programme de Coopération transfrontalière de la PEV et le Statut Avancé par rapport à la coopération transfrontalière est explicite, et il ne semble pas qu’on envisage d’impulser cette coopération par des nouveaux ressources ou programmes.
Par ailleurs, dans la déclaration de l’UE à l’occasion du 7ème Conseil d’Association, le même qui a adopté le Document conjoint, « l’UE salue l’intention du Maroc de renforcer la décentralisation et à promouvoir le développement régional. L’UE attache une grande importance au développement régional équilibré dans un souci de cohésion sociale. Elle se félicite du lancement de deux opérations de jumelage au profit d’autorités régionales». Ces deux jumelages engagent la Wilaya de l’Oriental et la région de Galice (Espagne) sur le renforcement des capacités de développement économique intégré et durable, d’une part, de la région et l’Agence de développement de l’Oriental et l’Agence andalouse de la coopération internationale, de l’autre, et continuent leur cours dans le cadre du Statut Avancé. Ils pourraient être le cadre approprié pour entamer une première étude sur les renforcements des capacités administratives et les réformes du cadre politico-institutionnel des régions et communes au Maroc requises pour une éventuelle transférabilité de la méthodologie des fonds structurels (voir chapitre 9). L’établissement au Maroc de la Commission consultative sur la régionalisation, qui devra rendre son rapport pour une « régionalisation avancée » au Maroc fin 2010, ainsi que l’ultérieur processus d’adoption et éventuellement de mise en ouvre de ses propositions, offre une excellente opportunité pour concrétiser l’appui de l’UE à ce processus. En effet, des contacts entre le Comité des Régions de l’UE et le Ministère des Affaires Étrangers et de la Coopération marocain sont déjà entamés pour convenir des modalités d’une coopération opérationnelle entre cette instance et les régions et villes marocaines.
Mais le Statut Avancé pourrait offrir un cadre approprié également pour mettre un peu d’ordre dans la sphère de la coopération décentralisée entre des collectivités locales européennes (notamment françaises et espagnoles) et marocaines. L’importance de la coopération décentralisée entre les collectivités locales marocaines et européennes n’est plus à démontrer. Cette coopération qui fait appel de part et d’autre aux sociétés civiles et aux élus locaux, crée des liens, génère de bonnes pratiques et permet des échanges économiques et sociaux fondés sur le partenariat. De nombreuses collectivités locales de l’Union européenne sont demandeuses d’échanges avec le Maroc, mais souvent elles n’ont pas un interlocuteur institutionnel pour canaliser cette demande. Cette coopération n’est pas nouvelle et se développe à travers différents organismes, mettant en réseau et alignant la pléiade d’initiatives, y compris des initiatives structurants comme le PAD Maroc[63] entre le Maroc et la France ou le réseau de jumelages de villes andalouses et du Nord du Maroc, AN’MAR[64].
Mais cela n’est pas suffisant pour optimiser le potentiel de la coopération décentralisée entre l’UE et le Maroc. Il faudra faire face aux enjeux et à la compléxité des partenariats entre les collectivités régionales et locales du Nord et du Sud de la Méditerranée :
- la nécessité d’éviter la fragmentation des coopérations et de focaliser les efforts sur objectifs précis, associant les partenaires de manière beaucoup plus étroite que par le passé
- dépasser les différences institutionnelles existantes entre les Etats, en associant dans les projets de coopération les niveaux déconcentrés : régions, départements, provinces et villes
- capitaliser et organiser les initiatives en jouant sur les complémentarités et les synergies, notamment à travers les réseaux existantes (Med-Cités, Cités et Gouvernement Locaux Unis, Réseau Arc Latin…)
- approfondir les opportunités et les modes de collaboration entre les différentes afin de créer une forme d’expertise en réseau.
La nature et la qualité de la coopération décentralisée sont variables d’une région à l’autre du pays. Mais force est de constater que les collectivités locales marocaines n’y sont pas suffisamment impliquées. A cet égard, il faut pas oublier que les autorités locales, ainsi que la société civile, constituent un maillon fondamental du processus de démocratisation dans les pays du sud de la Méditerranée, et la coopération décentralisée, transfrontalière et interrégionale, en outre de constituer en général un instrument pour canaliser la coopération, peut également contribuer à les renforcer en tant qu’acteurs de changement et de transformation dans leurs pays respectifs. En ce sens, et sans enlever de l’importance aux résultats concrets de la coopération, dans le cas de la coopération décentralisée le propre processus de coopération a des effets positifs pour tous les acteurs qui y participent et pour leur milieu. Il contribue à dynamiser les réformes politiques internes et il encourage le développement territorial et institutionnel[65].
Le I Forum des autorités locales UE-Maroc organisé à Cordoue à la veille du Sommet UE-Maroc offre une excellente opportunité de créer une dynamique de coordination et concertation entre les collectivités locales européennes et marocaines, adresser toutes ces questions dans le cadre d’une vision territoriale du développent, accorder une stratégie pour essayer de débloquer la participation du Maroc au Programme de Coopération Transfrontalière de la Politique Européenne de Voisinage (voir chapitre 9) et entamer une première réflexion sur des questions comme la transférabilité des fonds structurels ou les besoins de renforcement des capacités des communes et autorités régionales au Maroc.
Quelle signification pour les partenaires sociaux ?
Entreprises
Pour les entreprises européennes, la Méditerranée, et le Maroc en particulier, constitue un réservoir de croissance. Pour les entreprises marocaines, l’accès au marché unique européen offre leur principale perspective d’internationalisation, et c’est là que la convergence réglementaire, permettant d’éliminer les barrières techniques et administratives au commerce, prends toute sa signification.
Au delà de cet intérêt général, le Document conjoint prévoit « développer la coopération entre le Maroc et le réseau de soutien aux petites et moyennes entreprises en Europe (Enterprise Europe Network) et ce, notamment, à travers l’appui à l’ANPME en sa qualité de point focal national vis-à-vis de ce réseau de soutien aux PME en Europe.”
Pour analyser toutes ces nouvelles opportunités, la CGEM, Business Europe et la CEOE organisent, avec le soutien de Casa Árabe, un forum d’entrepreneurs le jour même du Sommet avec l’intention d’explorer cette « nouvelle étape de la coopération entre les entreprises UE-Maroc », ainsi que d’analyser les opportunités dans quelques secteurs clés (transport, logistique et infrastructures, énergie et énergies renouvelables.
Au-delà de cette manifestation ponctuelle, et afin d’optimiser l’ensemble des instruments du Statut Avancé, et notamment le processus de convergence réglementaire, le Maroc et l’UE pourraient mettre en place un Conseil des Entreprises. Ce Conseil pourrait fonctionner comme un forum réunissant les principales entreprises européennes présentes au Maroc et leurs partenaires marocains, en vue de crée ces liens entre les organismes européens et les associations locales d’entreprises et de contribuer ainsi à l’expansion du commerce et des investissements.
A cet égard, l’instance de l’UE « Businesse Europe » pourrait intégrer la CGEM dans ses réunions et travaux.
Partenaires sociaux
Mais, au-delà de la simple implication des entreprises, le rôle des partenaires sociaux, employeurs et syndicats, en tant que tels, ne doit pas être négligé. La consultation régulière entre gouvernements et milieux socioprofessionnels sur tous les aspects de l’intégration approfondie à l’Union européenne est nécessaire. Elle le devient encore plus quand il s’agit d’adopter et de mettre en application l’acquis communautaire dans le monde de l’entreprise et en matière sociale. Il est donc impératif de développer le dialogue social avec des organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives et indépendantes sur les relations euro-marocaines. Le Maroc doit donc reconnaître cette participation. L’Europe doit aussi l’encourager activement. Les partenaires sociaux, au plus près des réalités économiques et sociales ont un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre de l’acquis communautaire aux différentes branches et entreprises. Il s’agit de permettre l’adéquation entre l’acquis et les situations locales afin de s’assurer que la signature formelle des textes législatifs se traduise par une transposition effective sur le terrain. Le dialogue – informer, consulter, négocier – constitue l’unique moyen d’une participation des acteurs économiques à cette tâche importante de mise en œuvre.
Dans cette logique, le Comité économique et social européen (CESE) pourrait promouvoir avec le Maroc un dialogue et la coopération avec les groupes d’intérêt socio-économiques des deux parties. Il convient de donner plus d’influence à des Comités économiques et sociaux en tant que lieu de concertation entre les partenaires sociaux et économiques dans le cadre de l’ensemble des institutions de l’association ou du nouveau Statut Avancé. Il conviendrait aussi de favoriser des initiatives conjointes des partenaires sociaux maroco-européens en vue d’établir une régularité sur le dialogue social.
Faire avancer le Statut Avancé
Un Statut Avancé à valeur ajoutée ? 11 pistes pour donner de la substance au Statut Avancé
La « concept note » sur le Plan Indicatif National 2011-2013 publié par la Commission pour consultation publique en mars 2009 prévoit, dans le cadre de la « modernisation économique », un nouveau Programme « Réussir le Statut Avancé » à caractère multisectoriel destiné à appuyer les secteurs de réformes prioritaires définis par les 2 parties notamment en termes de rapprochement avec l’acquis communautaire. L’ambition de ce programme devrait aller au-delà, et lier chaque action concrète de soutien à la mise en ouvre du Statut Avancé avec des ressources concrètes.
Devant le premier Sommet UE-Maroc, le défi majeur qui se pose est la mise en ouvre du Statut Avancé: la feuille de route accordée en 2008 a accompli sa mission; maintenant il faut entamer la route. Il n’est plus possible, au risque de perdre toute crédibilité, de reconduire dans les conclusions de ce Sommet les mêmes bonnes intentions et perspectives que ont été déjà énoncés lors de la déclaration conjointe publié à l’issue du 8ème Conseil d’Association[66], à son tour reprise en grande partie du Document conjoint[67], qui reprenait la philosophie, la structure et parfois même le texte du Plan d’action approuvé plus de quatre ans auparavant[68]. Pour dépasser le stade de la rhétorique et donner de la chair au Statut Avancé, des mesures concrètes sont à adopter par les parties au plus haut niveau.
Voilà, quelques pistes d’action susceptibles d’être lancées dans l’immédiat, déjà dès le Sommet, pour faire avancer le Statut Avancé :
1) Formaliser les engagements pris par les deux partis dans le cadre du Statut Avancé dans un nouveau instrument conventionnel bilatéral établissant le Statut Avancé comme un partenariat privilégié, spécifique et stratégique au-delà des déclarations d’intentions et des aléas politiques du moment, avec des obligations et des engagements mutuels et un mécanisme de suivi, en application de l’engagement prise dans le Document conjoint de « poursuivre la réflexion concernant la nature et la forme de l’instrument qui prendra le relais du plan d’action et éventuellement, du lien contractuel qui remplacerait l’Accord d’Association ». Cette réflexion semble plutôt bloquée depuis 2008.
2) La réforme des institutions de la coopération constitue un préalable nécessaire à l’efficacité de la mise en oeuvre du Statut Avancé. Les instances de suivi de l’Accord d’association (Conseil de l’Association et Comité d’Association) jouent un rôle central dans le processus de décision des relations entre les deux parties, mais leur fonctionnement souffre de certaines défaillances (faible fréquence des réunions, surcharge du Conseil, politisation, gestion de l’urgence…). Le principal aménagement qui s’impose consiste dans la recomposition du Conseil et des sous-comités. L’ouverture de ces instances à des acteurs du secteur privé et de la société civile aurait l’avantage d’impliquer encore mieux ces acteurs dans la conception, l’orientation et le suivi des programmes et des instruments de la coopération avec l’Europe. Le second aménagement consiste dans l’amélioration du mode de fonctionnement de ces structures, dans le sens de la régularité de leur réunion, le mode de concertation entre les acteurs et le suivi des décisions. Finalement, l’objectif d’une plus grande efficacité et d’une plus grande démocratisation commande également de mieux impliquer les Parlements dans les relations futures entre les deux partenaires, et pas d’une façon strictement formelle. La création d’une structure d’échange et de consultation entre le parlement marocain et l’institution parlementaire européenne serait d’une grande utilité pour renforcer la légitimité démocratique du Statut Avancé. Cette instance pourrait devenir l’une des institutions du Statut Avancé. Elle disposerait de la faculté d’adresser des avis, voire des recommandations aux organes décisionnels.
2) Impulser la participation réelle de la société civile, les entreprises et syndicats dans le Statut Avancé, à tous les niveaux et dans toutes les phases du processus de définition, implémentation et évaluation. La création d’un « Sous-comité société civile » dans le cadre du Conseil d’Association UE-Maroc se réunissant régulièrement, deux fois par année par exemple, avec des représentants des deux parties mais aussi des différents composants de la société civile, pourrait être un premier pas dans cette direction et visualiser l’engagement avec la participation de la société civile dans le processus du Statut Avancé.
3) Constituer un « Comité de suivi du Statut Avancé » intégré par un nombre limité des experts indépendants et représentants de la société civile des deux parties (pas plus de 10 en tout) chargé d’élaborer un rapport annuel sur les progrès du Statut Avancé s’appuyant sur les indicateurs définis d’un commun accord sur les objectifs accordés dans le cadre du Statut Avancé. Ce rapport serait soumis au Conseil d’Association et pourrait devenir un élément essentiel du processus d’interpellation des décideurs.
4) Conclure l’accord entres les gouvernements respectifs sur le Programme bilatéral de coopération transfrontalière Espagne-Maroc avant juin 2010, pour éviter la perte des fonds alloués qui se dériverait de la manque d’accord.
5) Ratifier au plus bref délai l’accord sur la libéralisation du commerce de produits agricoles, agricoles transformés et de la pêche conclu entre la Commission européenne et le Gouvernement du Maroc et ouvrir les négociations pour un Accord de Libre Échange Global et Approfondi même avant la finalisation des négociations en cours sur les libéralisations des services et le droit d’établissement.
6) Définir un cadre conceptuel claire pour l’assistance financière future de l’UE au Maroc, même si ce n’est pas possible pour l’instant de prendre des engagements fermes et précises quant au montant au défaut de Perspectives financières 2014-2018. On peut déjà établir le principe, en ligne avec le Document conjoint, d’extension de la méthodologie des fonds structurels au Maroc, entamer les études et programmes préparatifs pour cette extension et définir, sur la base d’une analyse technique, l’ampleur du soutien financière « approprié » mentionné au Document conjoint, par exemple une duplication de l’assistance à partir de 2014, et quadrupler les montants de l’assistance en 2018 en fonction des objectifs achevés.
7) Elaboration d’un plan directeur pour l’intégration des infrastructures marocaines dans les réseaux européens de transport (RTE), et notamment le dénommé « corridor méditerranéen », tel comme prévu dans le Document conjoint, qui établie que « ce volet de coopération visera la création d’un Corridor de Fret de Fret ‘MAGHREB- EUROPE’ basé sur les transports ferroviaire et maritime, en particulier pour le transport de conteneurs et assurer le prolongement des corridors de transport ferroviaire de voyageurs du sud de l’Europe au Maroc en incluant les traversées maritimes ».
8) Relancer le projet de lien fixe au détroit de Gibraltar et achever les études techniques, socioéconomiques et financières sur sa faisabilité. Le Projet de lien fixe du Détroit de Gibraltar peut devenir un projet mobilisateur (au-delà des perspectives de réalisation à court terme, car force est de constater que, même à partir du début du chantier — ce qui n’est pas pour demain —, les travaux devraient se prolonger sur une dizaine ou une douzaine d’années) doté d’un caractère symbolique et pédagogique de première importance, et il pourrait bien servir de catalyseur vis-à-vis de questions telles que la planification d’infrastructures, et se constituer en candidat naturel au financement européen (de la BEI, par exemple). C’est difficile à comprendre les raisons pour lesquelles ce projet, un vrai projet structurant à travers la Méditerranée, n’a pas été proposé ou reprise comme un des projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée.
9) Sur le plan humain, et pour promouvoir une intensification des contacts entre les peuples, établir un fonds de promotion, financement et gestion des échanges de toute sorte entre les sociétés du Maroc et des Etats membres de l’UE : échanges culturels, échanges d’écoles, échanges universitaires ou échanges professionnels. Ce « Fonds d’Échanges Avancées UE-Maroc » pourrait être mise en place immédiatement.
10) Sur la question de la mobilité des personnes, clarifier de façon explicite l’offre de l’UE en termes de mobilité en échange de la signature de l’accord de réadmission de nationaux des pays tiers qu’elle exige. L’agenda minimale en termes de mobilité Maroc-UE doit s’apparenter à celle établie pour le Partenariat Oriental, qui prévoit “des mesures pour avancer vers une pleine libéralisation des visas en tant que objectif à long terme pour des partenaires individuels sur une base cas par cas, pourvu que les conditions pour une mobilité bien gérée et sure concurrent ». En plus, la Commission s’est engage à lancer une étude “pour quantifier les coûts et les bénéfices pour l’UE et pour les partenaires en ce qui concerne la mobilité de la main d’ouvre et des éventuelles masures pour coupler la demande et l’offre de main d’ouvre”, avec pour perspective « poursuivre une ouverture ciblée du marché de travail de l’UE aux citoyens des partenaires ».
Bibliographie
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Notes
[1] En juin, un autre Sommet aura lieu entre l’UE et l’Égypte, mais en marge du Sommet de l’Union pour la Méditerranée à Barcelone.
[2] Discours du roi Mohamed VI, le 20 mars 2000, à Paris.
[3] http://ec.europa.eu/external_relations/morocco/docs/document_conjoint_fr.pdf.
[4] L’Accord Préférentiel de 1970 entre la Communauté Économique Européenne et l’Espagne, par exemple, ne portait que sur des questions commerciales.
[5]http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-430.866+01+DOC+WORD+V0//FR&language=FR.
[6] M. Eneko Landaburu, Ambassateur de l’UE au Maroc ; Mr. Yousef Amrani, Sécrétaire Général du Ministère marocain des Affaires Étrangères et de la Coopération, et Iván Martín en tant qu’expert.
[7] Il faut souligner le séminaire « Le Maroc et l’Union européenne. Vers un Statut Avancé dans l’Association euro-méditerranéenne », organisé par l’IEMed les 1-2 mars 2007 à Barcelone (http://www.iemed.org/publicacions/MONOGRAFIA6.pdf), ainsi que la Rencontre du GERM « Le Statut Avancé à l’épreuve de l’Union pour la Méditerranée », qui a eu lieu à Rabat les 4-5 décembre 2009).
[8] Pour une liste des projets financés dans le cadre de ces quatre protocoles financiers, pour un montant totale de 1.091 millions d’euros, voir http://www.delmar.ec.europa.eu/fr/ue_maroc/protocoles.htm.
[9] Pour une liste des financements réalisés par la BEI au Maroc entre 1978 et 2006, voir http://www.delmar.ec.europa.eu/fr/ue_maroc/bei.htm.
[10] Pour une liste des projets financés par l’UE au Maroc dans le cadre des Programmes MEDA I et II, voir http://www.delmar.ec.europa.eu/fr/meda2006/sommaire.htm.
[11] Le Ministre Délégué aux Affaires Etrangères et à la Coopération, M. Taïeb Fassi Fihri, a souvent cité cette option parmi les perspectives d’avenir de la relation Maroc – UE, voir son entretient publié dans « le Matin du Sahara et du Maghreb » du 9/12/2005.
[12] Ces derniers se trouvèrent toutefois rapidement réduits à cinq lorsqu’à la suite d’un référendum négatif, la Suisse ne ratifia pas l’accord. Cependant, celle-ci dispose toujours d’un statut d’observateur auprès de l’EEE, tandis que ses relations avec la CE sont régies par des accords bilatéraux.
[13] Les 10 nouveaux États membres qui ont intégré l’Union le 1er mai 2004 ont par le fait même accédé à l’EEE.
[14] La libre circulation des personnes ne vaut que pour les travailleurs salariés alors qu’elle est totale pour tous dans l’Union européenne, notamment dans la zone Schengen; les contrôles aux frontières entre l’UE et les trois pays AELE subsistent; il n’y a pas de rapprochement des fiscalités.
[15] L’incorporation se faisant formellement par addition des actes en cause dans les listes des protocoles et annexes de l’accord EEE.
[16] Dans le texte même de l’accord, l’article 28 précise : « Lorsque le fonctionnement de l’accord aura permis ‘envisager l’acceptation intégrale de la part de la Turquie des obligations découlant du traité instituant la Communauté, les parties contractantes examineront la possibilité d’une adhésion de la Turquie à la Communauté ».
[17] L’accord d’union douanière considère en préambule que « les objectifs fixés par l’accord d’association, et notamment par son article 28 [possibilité d’une adhésion], restent d’actualité au moment où des changements politiques et économiques importants se produisent sur la scène européenne ».
[18] Voir le dernier rapport de la Commission : «Turkey 2009 Progress Report », SEC(2009)1334, du 14 octobre 2009, https://webgate.ec.europa.eu/olacrf/20091014Elarg/TR_Rapport_to_press_13_10.pdf.
[19] Par exemple, l’article 13 de l’accord d’union douanière prévoit :« 1. La Turquie s’aligne, à la date d’entrée en vigueur de la présente décision, sur le tarif douanier commun à l’égard des pays non membres de la Communauté. 2. La Turquie modifie son tarif douanier, chaque fois que cela est nécessaire, pour l’adapter aux modifications du tarif douanier commun ».
[20] La Turquie entretient la deuxième armée de l’OTAN en nombre de soldats, elle participe à de nombreuses missions de maintien de la paix dans le cadre de l’ONU ou de l’OTAN (Balkans). Elle a historiquement une politique étrangère et de défense dynamique et globale. Celle-ci est aujourd’hui encore largement liée aux Etats-Unis, mais elle ne l’est pas irrémédiablement.
[21] COM(2003) 104 final, Bruxelles, le 11.3.200, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com03_104_fr.pdf.
[22] Communication de la Commission « Politique européenne de voisinage – Document d’orientation », COM/2004/0373 final,
http://eur-lex.europa.eu/ LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52004DC0373:FR:HTML.
[23] La Tunisie a été le premier pays à avoir franchi cette étape importante vers l’objectif d’établir une Zone de Libre-échange Euromed en 2010, avec la fin du démantèlement tarifaire tunisien et la libre circulation des produits industriels avec l’UE en janvier 2008, deux ans avant l’échéance initiale de 2010.
[24] http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/08/st16/st16897.fr08.pdf.
[25] Communication de la Commission du 3.12.2008, COM(2008) 823 final,http://ec.europa.eu/external_relations/eastern/docs/com08_823_fr.pdf.
[26] Bechev et Nikolaidis 2007.
[27] Le Document conjoint n’a été rendu public que quelques semaines après son adoption formelle, apparemment dû à des négociations de dernière minute après même qu’il ait été formellement annoncé.
[28] http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/gena/104615.pdf.
[29] Voir, par exemple, Bernabé Lopez García, « Tropezar dos veces en la misma arena », El País, 4 décembre 2009, www.elpais.com/articulo/opinion/Tropezar/veces/misma/arena/elpepiopi/20091204elpepiopi_4/Tes/.
[30] http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/er/111774.pdf.
[31] Concept note : http://www.enpi-programming.eu/wcm/dmdocuments/Concept_Note_for_Morocco.pdf. Pour une analyse des « concept notes » des pays partenaires méditerranéens, voir Lannon 2010.
[32] Pour les rapports sur le Maroc, voir http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2009/sec09_520_fr.pdf (2009), http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_398_fr.pdf (2008) et http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/sec06_1511-2_fr.pdf (2007).
[33] Pour une analyse de ces rapports, voire Jaidi (2010).
[34] Voir REMDH (2009).
[35] Le Conseil d’association se réunit au niveau ministériel une fois par an et chaque fois que nécessaire. Il examine les problèmes importants se posant dans le cadre de l’accord ainsi que toutes autres questions bilatérales ou internationales d’intérêt commun”. Le Conseil est composé, d’une part, des représentants du gouvernement du Royaume du Maroc, et d’autre part, des représentants du Conseil de l’Union Européenne et de la Commission des Communautés européennes.
[36] Des groupes spécifiques d’experts pour l’approfondissement de certains aspects prioritaires de l’Accord ont été mis en place. La première réunion du Comité d’association a eu lieu à Rabat, le 6 février 2001.
[37] Voir Alaoui 2008.
[38] La liste des catégories de produits et le rythme de réductions tarifaires à l’intérieur des calendriers ont été définis en fonction de la sensibilité des branches industrielles.
[39] Globalement, la protection tarifaire est plus élevée que la moyenne nationale dans l’agro-alimentaire où certains produits sont « surprotégés » (farines, sucre). Les produits textiles se caractérisent aussi par une protection tarifaire plus élevée que la moyenne (notamment pour le fil et le tissu en coton). Dans la chimie et la parachimie, la protection est en général modérée. Quant aux industries métalliques, métallurgiques, électriques et électroniques, la protection élevée est limitée à quelques produits.
[40] Le Programme Emergence a été adopté par le Ministère de l’Industrie en 2004. Sa mise en œuvre est plutôt lente à se dessiner.
[41] Les données des comptes nationaux relatives à l’échange de services n’incluent souvent que les Modes 1 de l’AGCS (livraison transfrontalières des services) et 2 (consommation à l’étranger). L’activité économique qui pourrait être traitée comme Mode 3 (activité économique par des subventions étrangères via la présence commerciale) n’est pas vraisemblablement considérée comme échange de services.
[42] Ces prestations de services incluent la livraison « transfrontalière » de services (Mode 1), la « consommation à l’étranger » comme lorsque les touristes font usage des services dans un pays loin de leur lieu de résidence (Mode2), « la présence commerciale » dans laquelle le prestataire de service établit un site de distribution à l’étranger (Mode 3) et la « présence de personnes physiques » qui nécessite que le prestataire de services en tant que personnes physiques soit présent en personne dans le pays étranger dans lequel il fournit un service (Mode 4).
[43] Dans les sept secteurs cadre dans lesquels le Maroc a établit ses 26 engagements de libéralisation, le Maroc n’a pas pris d’engagements à propos de 86 autres sous-secteurs. Lorsque ceci s’ajoute aux cinq secteurs supplémentaires et aux 43 sous-secteurs dans lesquels le Maroc devra encore déclarer son engagement de libéralisation, il semble qu’il y a encore lieu d’une discussion concernant les concessions bilatérales sur les services rentrant dans le cadre de l’Accord de Libre Echange entre les USA et le Maroc.
[44] En ce qui concerne le personnel clé et les stagiaires de niveau post-universitaire, les vendeurs de services aux entreprises, les fournisseurs de services contractuels et professionnels indépendants.
[45] P3A est un programme géré par le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération et financé par la Commission Européenne dans le cadre de Partenariat Euro-Méditerranéen. Il a fait l’objet d’une convention de financement signée le 22 décembre 2003 et sera clôturé le 31 Décembre 2006 ; Doté d’un budget opérationnel de 5 millions d’Euros pour la première phase (2004-2006) et de 15 millions d’Euros pour la deuxième phase (2007-2009).
[46] Ces contrats s’inscrivent dans le cadre du programme d’appui à l’Accord d’Association (PAAA), financé par l’union européenne. Les trois contrats mettent en place des jumelages entre: le Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, et le Ministère de l’Environnement et du Territoire Italien et l’Agence Fédérale Autrichienne de l’Environnement ; le Ministère Marocain de l’Equipement et du Transport et le Ministère Français des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer ; la Direction Générale des Douanes et des Impôts Indirects Marocaine, et le Ministère des Activités Productives Italien.
[47] L’opportunité et l’intérêt d’une participation aux agences et aux programmes communautaires était identifiée sur base de l’expérience acquise dans le cadre du processus d’élargissement de l’Union européenne (UE).
[48] Le premier des dites protocoles était conclu avec l’Israël en avril 2008.
[49] “List of Agencies – potential ‘openness’ to participation of/cooperation with ENP Partners”: http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/enp_agencies_listb_oct2007_en.pdf; lists of programs: http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/enp_agencies_listc1_oct2007_en.pdf, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/enp_agencies_listc2_oct2007_en.pdf, et http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/enp_agencies_listc3_oct2007_en.pdf. Il s’agit, notamment, du Programme-cadre pour la compétitivité et l’innovation, des programmes Douane 2013, Pericles, IDABC, SESAR (EN), MEDIA 2007 et Marco Polo ainsi que les programmes sur la santé publique (2007-2013) et la protection des consommateurs (2007-2013). Certains programmes prévoient des modalités de coopération spécifiques comme le programme Culture, le Programme d’éducation et de formation tout au long de la vie, le 7e Programme-cadre de recherche, le Programme Hercules II, certains projets relevant du programme-cadre «Droits fondamentaux et justice» ainsi que les programmes de coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale du Fonds européen de développement régional (FEDER).
[50] Afin de stipuler les conditions générales de leur participation, des protocoles aux accords de partenariat et de coopération et aux accords d’association avec les pays partenaires PEV sont établis. Ces protocoles prennent la forme d’accords-cadres. Ils peuvent être négociés avec les partenaires ayant déjà conclu des plans d’action PEV. Des mémorandums d’entente propres à chaque programme fixent ensuite les règles régissant la participation de chaque pays individuel. Cette procédure permet une simplification du format d’accord sur les conditions spécifique de leur participation.
[51] Comme Eurofound.
[52] Telles que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC)
[53] C’est le cas l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), l’Office européen de police (Europol) et l’Unité de coopération judiciaire européenne (Eurojust).
[54] En effet, cela est prévu pour pouvoir participer aux agences européennes dans les domaines de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), de la sécurité aérienne (AESA), de la sécurité maritime (EMSA) et de l’environnement(AEE) ainsi qu’à l’Agence ferroviaire européenne(AFE) et l’ Autorité européenne de sécurité des aliments.
[55] Le Maroc vient d’adopter au début du mois de juillet un projet de loi instituant la carte d’identité nationale biométrique permettant de vérifier l’authenticité du document.
[56] Voir les conclusions du Sommet du Conseil européen les 19-20 Mars 2009.
[57] Voir une description de ces instruments dans Lannon et Martín 2009, pp. 40-41.
[58] Voir la brochure “Aide budgétaire : la manière efficace de financer le développement?”, http://ec.europa.eu/europeaid/infopoint/publications/europeaid/documents/budgetsupport08_fr.pdf.
[59] Voir Martín (2010).
[60] http://www.enpicbcmed.eu/fr/index.html
[61] http://www.commed-cglu.org/IMG/pdf/Programme._Fr.pdf.
[62] Voir le point 1.10 de l’avis du CESE sur « Les relations entre l’Union Européenne et le Maroc, 21 janvier 2010 (Rapporteure : Margarita López de Armendáriz): « Le Comité déplore que l’Accord d’Association UE-Maroc ait été établi sans concertation préalable des partenaires sociaux des deux parties, en ce qui concerne la coopération en matière d’emploi et de développement social. Tel est le contexte dans lequel le Comité économique et social européen élabore le présent avis spécifiquement consacré au Maroc, son but étant de garantir, en proposant une nouvelle structure pour le dialogue entre les sociétés civiles des deux partenaires, qu’il soit tenu compte de la société civile dans les relations bilatérales». La même plainte est contenue dans le rapport de la REMDH (2009).
[63] Projet d’Accompagnement du Processus de Décentralisation au Maroc, qui organise des Assisses de la Coopération Décentralisée ; http://padmaroc.org.
[64] http://www.an-mar.org.on.
[65] Voir Martín (2005).
[66] http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/er/111774.pdf.
[67] http://ec.europa.eu/external_relations/morocco/docs/document_conjoint_fr.pdf.
[68] http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/morocco_enp_ap_final_fr.pdf.