Le retour des jeunes algériens dans l’espace public

23 octobre 2020 | | Français

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Introduction

L’élection présidentielle en Algérie devrait avoir lieu le 12 décembre, mais une partie de l’opposition refuse de se rendre aux urnes, car les conditions d’apaisement préalables à la tenue d’élections libres et transparentes ne semblent pas être réunies. Malgré les protestations massives, qui ont lieu toutes les semaines en dépit d’un climat de « répression croissante », le pouvoir – et en particulier l’armée – semblerait décidé à maintenir la date de l’élection, coûte que coûte.

Pour éviter d’entraîner le pays dans le chaos et la violence, le régime doit mettre fin à la répression et établir un dialogue ouvert avec la rue, la société civile et les partis politiques afin de trouver une solution à la crise pouvant être acceptée par la majorité du peuple.

C’est le troisième scrutin présidentiel que le pouvoir tente d’organiser. Initialement prévue pour le 18 avril 2019, l’élection devait ouvrir la voie au cinquième mandat de l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avant qu’il ne soit contraint à démissionner sous la pression de la rue. La présidentielle pour élire son successeur, fixée le 4 juillet, a été annulée, car aucun candidat ne s’est déclaré face à l’ampleur du mouvement populaire hirak.

Aux avant-postes du mouvement, on trouve les jeunes Algériens. Ils manifestent pour une Algérie libre et démocratique, fondée sur la souveraineté populaire et la justice sociale. Longtemps décrits comme « apathiques » et désintéressés de la politique, les jeunes sont devenus les porte-parole de cette contestation inédite qui secoue le pays depuis le 22 février, date à laquelle Bouteflika a présenté sa candidature à l’élection présidentielle pour un cinquième mandat.

Le but de ce document est donc celui d’expliquer les raisons qui les ont éloignés de la scène politique et celles qui les ont poussés, de manière si spectaculaire, à se réapproprier l’espace public et à se réconcilier avec le pays. Cependant, il sera aussi nécessaire d’analyser si le rôle de la jeunesse se limite à tirer la sonnette d’alarme suite aux décisions du pouvoir ou si, de même, elle est prête à devenir un leader politique, capable d’emmener l’Algérie vers une véritable démocratie.

La réconciliation de la jeunesse avec l’Algérie

Depuis le 22 février, des centaines de milliers d’Algériens manifestent dans les rues de tout le pays. Le hirak (« mouvement » en arabe) est un mouvement spontané, pacifique et d’une ampleur inédite. Les manifestants revendiquent le droit de vivre dans un pays démocratique où les institutions sont l’expression de la volonté populaire et demandent le départ de tous les anciens soutiens du régime, qui ont détourné les richesses du pays.

D’un point de vue démographique et social, le hirak est un mouvement hétérogène, inter-social, interculturel et intergénérationnel. Cependant, parmi les manifestants, la présence des jeunes est massive et cela s’explique pour une simple raison : sur 42 millions d’habitants, la moitié de la population du pays a moins de 30 ans, 29 % a moins de 15 ans et ceux qui ont plus de 65 ans ne représentent qu’une faible proportion de 6 % (Idir, 2017).

Ce sont les jeunes que l’on voit aux avant-postes des manifestations et qui sont devenus la locomotive du mouvement. Ce sont eux qui organisent des sit-in dans les rues du pays pour dénoncer les actions répressives du régime et pour soutenir les victimes. Et, désormais, leurs manifestations du mardi se sont durablement inscrites comme l’un des marqueurs du hirak. Le vendredi 11 octobre, à la suite de l’adoption de la loi sur les hydrocarbures, les travailleurs et les retraités ont scandé : « Le mardi, on marchera avec les étudiants ! » (Amokrane, 2019). Et, en effet, mardi 15 octobre, les étudiants ont défilé dans les rues d’Alger avec les travailleurs et les retraités.

Avant l’éruption du hirak, il était pratiquement impossible d’imaginer une présence massive des jeunes dans l’espace public algérien. Présents dans les stades de football, les jeunes étaient inexistants dans tout ce qui concernait la politique. Leur présence dans les bureaux de vote, dans les meetings des partis politiques – au pouvoir ou de l’opposition – était très rare. En 2017, lors des législatives, le taux officiel de participation des jeunes d’entre 18 et 30 ans a été de 20 %.

Dégoûtés, désabusés et étouffés par un chômage endémique [1] et un manque de liberté, les jeunes Algériens n’avaient qu’une perspective : devenir des « harragas », c’est-à-dire des migrants clandestins à destination de l’Europe. En 2017, le nombre de jeunes arrêtés par l’armée alors qu’ils brûlaient les frontières pour rejoindre l’Occident a frôlé le seuil des 5 000 personnes (« Oran, porte d’émigration », 2017). Un chiffre trois fois supérieur à celui de 2016.

À partir de la fin de la décennie noire, qui a provoqué environ 150 000 morts, la jeunesse algérienne s’était donc retirée de l’espace public et n’avait plus jamais remis en question le statu quo du régime. En 2011, lorsque le monde arabe était bousculé par la chute de ses leaders autocratiques, l’Algérie avait gardé une sorte de stabilité.

À l’époque, le pays était cycliquement investi par des émeutes isolées et des grèves pour obtenir des logements, de meilleures conditions de travail ou l’ouverture d’un hôpital, mais la chute du régime tunisien de Ben Ali a donné un élan politique à ces revendications (Belkaïd, 2019). Cependant, même si ces dernières ont été nombreuses (environ 10 910 selon Joffé, 2019) et ont investi tout le pays, les manifestants n’ont jamais demandé un changement de régime. Cela s’explique pour deux raisons.

Premièrement, la population, encore traumatisée par la violence de la décennie noire, avait opté pour la prudence car, qu’on veuille ou non l’admettre, le « printemps » de 1988 les avait portés à la guerre civile (Belkaïd, 2019). Deuxièmement, grâce aux revenus engendrés par les hydrocarbures – qui représentent 60 % des recettes budgétaires du pays et 95 % des recettes extérieures – le régime avait acheté une sorte de « paix sociale » avec la politique de « la carotte et du bâton ». Le déploiement massif du dispositif sécuritaire pendant les manifestations a été tout de suite accompagné de mesures d’apaisement, comme l’abrogation de l’état d’urgence, en place depuis 1992, et la politique des logements pour tous.

En outre, l’éloignement des jeunes de la politique était la pointe de l’iceberg d’un malaise qui déstabilisait toute la société. En effet, la participation électorale du pays a toujours été une des plus basses de la région : selon un rapport de l’Arab Barometer, en 2016, le taux de participation électorale du pays était de 34 % par rapport aux 48 % de la région (« Algeria Five Years after the Arab Uprisings », 2017). Au-delà du multipartisme et des élections régulières, les Algériens n’avaient aucune confiance dans les institutions et les partis politiques. En 2017, seulement 13 % de la population disait avoir « beaucoup de confiance » dans les partis politiques et seulement 3,8 % de la population était membre d’un parti (« Algeria Five Years after the Arab Uprisings », 2017). D’un côté, les partis historiques, tel le Front de Libération National (FLN), étaient devenus une coquille vide sur le plan idéologique (Belkaïd, 2019) ; restés passifs vis-à-vis du changement, ils ont été très souvent cooptés par le régime (Ghanem, 2018). Cela les a conduits à cultiver une sorte de parrainage structurel qui les a rendus léthargiques comme le reste de la population (Calchi Novati & Roggero, 2018).

Les raisons du hirak : politiques ou économiques ?

Pourquoi donc, cette fois-ci, les jeunes Algériens se sont-ils révoltés contre le régime ? Comme beaucoup d’étudiants l’expliquent, c’était, premièrement, une question de « dignité »[2]. Les slogans du hirak démontrent que, en effet, les jeunes réclament aussi le droit de vivre chez eux et dans la dignité.

L’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été la candidature à un cinquième mandat de Bouteflika, rarement vu en public – pour des raisons de santé – tout au long du quatrième mandat (2014-2019). La maladie du président a non seulement porté le peuple à ne plus comprendre qui détenait les rênes du pouvoir, mais a aussi pesé négativement sur le fonctionnement des institutions de l’État, le système politique étant, par la volonté même de Bouteflika, un système hyperprésidentiel, qui exige une présence forte et permanente du chef de l’État [3].

Le fait, donc, de se présenter pour un cinquième mandat, ne voulait pas dire que Bouteflika était l’homme « le plus puissant du pays », mais que le pouvoir était l’expression d’un système de relations très dynamique et très opaque. Et, surtout, que personne n’osait prendre le risque de proposer une sortie par le haut, car celui qui osait mettre sur la table l’option d’une autre candidature risquait de se voir « couper la tête » [4]. Aux yeux du peuple algérien, la candidature de Bouteflika était donc la preuve qu’ils étaient gouvernés par une « clique politico-militaire-économique » qui était, de plus, corrompue. Selon le classement de Transparency International, de 2003 à 2018, l’Algérie a connu une corruption élevée : dans un classement de 180 pays, l’Algérie est à la 105e place (le Danemark, en tête du classement, occupant la place 0) et a un index de perception de la corruption de 35 (0 indique un pays très corrompu, 100 un pays dépourvu de corruption) (Transparency International, 2019). Selon Djilali Hadjadj, porte-parole de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), ce sont 60 milliards de dollars qui auraient été détournés en quinze ans, un chiffre auquel il faut ajouter l’argent de la fuite des capitaux, de l’évasion fiscale et autres blanchiments d’argent (Meddi, 2019).

C’est pour cela que, à la suite de la démission de Bouteflika, le 2 avril, le chef de l’armée Gaïd Salah s’est fait le porte-parole d’une enquête sur les affaires de corruption de tout le pays, laquelle a visé plusieurs hommes d’affaires et hauts responsables de l’État. Mais le hirak n’est pas convaincu de ces arrestations, car il considère qu’il y a une connivence entre le système judiciaire et le pouvoir.

Cependant, si la raison principale de la contestation est politique, elle a aussi une dimension économique. Depuis 2014, l’Algérie est en train d’affronter une des plus grosses crises économiques de son histoire contemporaine à cause de la chute brutale du prix du baril, qui a mis en exergue les vulnérabilités du modèle économique du pays. Le prix moyen du Sahara Blend (pétrole algérien) est passé de 112,7 US$/baril en 2014 à 31,3 en 2016 pour remonter à 71,3 en 2018 (ministère de l’Économie et des Finances, 2019). Par conséquent, le déficit de l’État a dépassé le niveau des 15 % du PIB en 2015 avant de tomber à 6,6 % en 2017. Cependant, plutôt que de réaliser des ajustements économiques douloureux visant à réduire les dépenses publiques et les transferts sociaux, le régime a préféré gonfler les dépenses de l’État (en inaugurant, par exemple, en 2017, le recours au financement monétaire de l’économie et à la planche à billets) et épuiser rapidement les réserves financières : en quatre ans, les réserves de change sont passées de 178 milliards de dollars à 90 (Saleh, 2018).

Toutefois, les revendications du hirak sont de nature uniquement politique. Les pancartes ont très rarement affronté la question des salaires, des conditions de vie et du chômage : pour les Algériens le départ du système est la condition préalable à tout autre changement. Les manifestations de 2011 étaient une tentative d’attirer l’attention sur la mauvaise administration, les favoritismes et la corruption, mais elles n’ont jamais visé le régime (Joffé, 2019).

« Pas de vote cette année », mais où est l’alternative ?

Après plus de six mois de manifestations, le hirak peine encore à trouver des leaders. En utilisant un concept élaboré par le sociologue Asef Bayat, on peut affirmer que le hirak algérien, de la même manière que les mouvements populaires de Tunisie et d’Égypte en 2011, est « une sorte de révolution sans révolutionnaire ». En effet, les manifestants algériens n’ont pas de référents intellectuels et n’avancent aucune des revendications radicales économiques ou politiques qui ont marqué les mouvements sociaux du XIXe siècle (Bayat, 2017). «

Contrairement aux révolutions des années ’70, qui avaient un élan socialiste, antiimpérialiste, anticapitaliste et de justice sociale, les révolutionnaires arabes étaient plus préoccupés par les questions générales comme les droits humains, la responsabilité politique et la réforme de la justice. Les voies dominantes, islamistes ou séculaires, ont considéré comme acquis le libre marché, la propriété privée et la rationalité néolibérale » (Bayat, 2017).

Hélas, au début du mouvement, ne pas avoir de représentants politiques était une nécessité pour le peuple du fait que les acteurs politiques et sociaux étaient frappés de suspicion sous le règne de Bouteflika. De plus, ces derniers mois, la répression est devenue, de manière accrue, l’un des soucis principaux de l’opposition. Si, dans un premier temps, les forces de sécurité toléraient de grands rassemblements dans l’espace public, actuellement, le vendredi, elles se déploient toujours plus massivement dans les rues ainsi qu’à des points de contrôle, ce qui limite le nombre de personnes qui parviennent à rejoindre les marches et permet de contrôler étroitement ceux qui arrivent à s’y rendre (Human Right Watch, 2019). En outre, les autorités algériennes ont augmenté de manière extraordinaire l’appareil sécuritaire. Elles ont emprisonné arbitrairement plus d’une centaine de personnes et, actuellement, une quarantaine de manifestants demeurent en détention, inculpés d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » et passibles de jusqu’à dix ans de prison en vertu de l’article 79 du Code pénal (Human Rights Watch, 2019). De plus, les forces de sécurité ont arrêté des gens qui ne faisaient que brandir un drapeau ou une pancarte amazigh/e, elles ont emprisonné un vétéran de la guerre d’indépendance parce qu’il avait critiqué l’armée, ont bloqué le site d’informations Tout sur l’Algérie (TSA) et annulé des réunions de partis politiques et d’associations (Human Rights Watch, 2019). Le 27 août, par exemple, les autorités locales ont interdit une série de réunions programmées près de la ville de Bejaia par le Rassemblement action jeunesse (RAJ), un groupe de jeunes qui, dès le début des manifestations, s’est montré très actif. Le 5 septembre, les autorités locales ont arrêté plus de vingt activistes qui prévoyaient un rassemblement du RAJ sur une place publique.

Cependant, si face au régime qui craque, « l’autogestion » du hirak a été sa force, elle est aussi sa faiblesse. En premier lieu, elle a souvent été utilisée par le régime pour remettre en question l’intégrité même du mouvement. En mai, par exemple, dans l’un de ses discours à la nation, le chef de l’armée Gaïd Salah a déclaré qu´« il est préférable que les marches se caractérisent par un niveau raisonnable et suffisant d’organisation et d’encadrement efficace pour faire émerger de vrais représentants qui se distinguent par leur sincérité et intégrité pour transmettre les revendications légitimes de ces marches » (« Pragmatisme », 2019).

Devant les risques d’une impasse, la société civile, les associations et les partis politiques de l’opposition ont organisé une série d’initiatives politiques, comme, par exemple, celle du 15 juin, qui a été la première conférence nationale à laquelle ont participé plus de 80 associations civiles, dont la Confédération des travailleurs algériens, les activistes et membres de la Société civile pour une transition démocratique et le Forum civil pour le changement. Malheureusement, hormis le fait de s’accorder sur la nécessité d´« une période de transition allant de six mois à un an », d’installer une « commission indépendante pour diriger, organiser et déclarer les résultats de l’élection » et de formuler les conditions préalables à toute transition du pouvoir, ils n’ont pas fait évoluer la feuille de route.

De nos jours encore, l’opposition est divisée en deux grands groupes : d’un côté, se trouvent les partisans d’une transition qui ne devrait pas durer plus d’un an et qui veulent une élection présidentielle (comme Jil Jadid), de l’autre, il y a ceux qui considèrent que le processus constituant par référendum populaire est la condition sine qua non pour organiser des élections. Ces derniers sont essentiellement regroupés dans ce qui est appelé l’Alternative démocratique. Ce sont le Front des forces socialistes (FFS), le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), le Parti des travailleurs (PT), l’Union pour le changement et le progrès (UCP), le Mouvement démocratique et social (MDS), le parti pour la Laïcité et la Démocratie (PLD), auxquels s’est jointe la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH). Selon certains observateurs, les revendications de ces deux groupes sont encore très lointaines de celles de la rue. « Tandis que les slogans hostiles à Ahmed Gaïd Salah – l’homme le plus honni d’Algérie – et les pancartes réclamant la primauté du civil sur le militaire sont pléthores, les personnalités médiatiques désireuses de prendre en main le mouvement (un peu comme le chef d’état-major) se montrent étonnamment discrètes sur ces points. Cette absence de solidarité (des revendications peu relayées) menace le processus révolutionnaire » (Mohammedi, 2019).

Néanmoins, il est aussi indispensable de souligner que la stratégie de la rue, et des jeunes en particulier, pour sortir de la crise est encore très vague. Hormis le rejet de l’élection et l’exigence d’une période de transition, il n’y a pas de feuille de route partagée et le fait de demander radicalement le départ des anciens de Bouteflika semble avoir un début mais pas une fin.

Le fait donc de s’obstiner à ne pas vouloir de leadership (ou plusieurs leaders), afin de rédiger des demandes allant au-delà du départ des anciens du régime, est l’un des problèmes critiques du mouvement (Ghanem, 2019). Et cela semblerait pousser une partie de l’opposition à soutenir la tenue de l’élection en décembre.

Conclusions

Il est donc invraisemblable que, dans les prochains mois, l’opposition, et surtout les jeunes, soit capable de traduire la révolte en des propositions politiques. Cela est plutôt le devoir des partis politiques de l’opposition qui, face à l’obstination du hirak à vouloir rester spontané et sans leader, doivent encore plus essayer de traduire les revendications de la rue en programmes politiques concrets. Cela dit, la loi sur les hydrocarbures, que le régime vient d’adopter, pourrait être l’un des facteurs susceptibles d’aider le hirak à déchiffrer ses priorités. De plus, la dernière élection présidentielle tunisienne, qui s’est déroulée positivement, contribuera sûrement à alimenter l’espoir des Algériens : arriver à une véritable démocratie.

En revanche, devant cette contestation inédite dans l’histoire contemporaine de l’Algérie, le régime en place doit, tout d’abord, établir un dialogue ouvert avec la rue, la société civile et les partis politiques afin de trouver une solution à la crise qui puisse être acceptée par la plupart du peuple algérien.

Pour cela, il est indispensable, avant tout autre chose, de libérer les détenus politiques et de mettre un terme aux arrestations arbitraires menées dans le contexte d’une répression croissante dans le pays. En outre, le pouvoir en place doit garantir le droit à la liberté d’expression, de réunion, ainsi que le droit à la manifestation pacifique, garantis par la Constitution algérienne et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 19 et 21) auquel l’Algérie est un État partie. Tout cela, afin de garantir le pluralisme politique et d’éviter que la répression ne précipite le pays dans la violence et le chaos.

Si l’élection présidentielle a lieu le 12 décembre, le pouvoir doit absolument garantir l’établissement d’une commission indépendante chargée de toutes les opérations liées à son organisation, son administration et sa supervision. Étant donné que le pays est en train de connaitre une vague d’arrestations inédite, il faut garantir que cette commission soit totalement indépendante du système judiciaire comme l’est l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) de la Tunisie. Cette commission devra assurer des élections et des référendums démocratiques libres, pluralistes, honnêtes et transparents. Pour cela, il faut qu’elle se compose d’un conseil doté de pouvoir décisionnel et d’un organe exécutif.

De son côté, l’Europe doit veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérives autocratiques et continuer à dénoncer la répression, comme l’a fait Maria Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen, en déclarant au début du mois de septembre : « Nous plaidons pour que toutes les arrestations politiques, tous les prisonniers politiques soient libérés pour qu’il puisse vraiment y avoir un vrai débat démocratique en Algérie » (Mehenni, 2019).

Notes

[1] Selon l’Office national des Statistiques, le taux de chômage en septembre 2018 a atteint les 11,7 % ; celui
des jeunes a atteint 29,1 % en septembre dernier contre 26,4 % en avril 2018 (hausse de 2,7 points). Pour
cette tranche d’âge, le taux de chômage a atteint 24,6 % chez les hommes et 51,3 % chez les femmes. En
moyenne, plus d’un chômeur sur deux (56,9 %) est un chômeur de longue durée, cherchant un emploi depuis
une année ou plus.

[2] Interview avec un membre (femme) de l’opposition. Rome, Septembre 2019.

[3] Interview avec un membre (homme) de l’opposition. Rome, Août 2018.

[4] Interview avec un intellectuel algérien. Rome, Août 2018.

Bibliographie

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Bayat, A. (2017). Revolution without Revolutionaires: Making sense of the Arab Spring. Stanford University Press: Stanford, California.

Amokrane, I. (2019, 15 octobre). Les étudiants rejettent le projet de loi des hydrocarbures. Liberté. Extrait de https://www.liberte-algerie.com/actualite/les-etudiants-rejettent-le-projet-de-loi-des-hydrocarbures-326047

Belkaïd, A. (2019). L’Algérie en 100 questions: un pays empêché. Paris: Éditions Tallandier.

Calchi Novati, G., & Roggero, C. (2018). Storia dell’Algeria indipendente. Firenze: Bompiani.

Ghanem, D. (2018, avril). Limiting change through change. The Key to the Algerian regime’s longevity. Carnegie Middle East Center. Extrait de https://carnegieendowment.org/publications/76237

Ghanem, D. (2019, 17 août). Algeria’s crisis: Outlook and regional implications. Med Dialogue Series, 22. Konrad Adenauer Stiftung. Extrait de https://www.kas.de/documents/282499/282548/Final_Algeria+MedDialogueSeries22_Dalia_Ghanem.pdf/e662a013-707a-769a-b8bd-94b6cc2de688?version=1.0&t=1565080528587

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Meddi, A. (2019, 5 mai). Les dessous de l’opération « mains propres » en Algérie. Le Point Afrique. Extrait de https://www.lepoint.fr/afrique/les-dessous-de-l-operation-mains-propres-en-algerie-01-05-2019-2310290_3826.php

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