Repenser le dialogue en Méditerranée. Articuler la question éducative et la question migratoire, avec une approche expérimentale

Paola Gandolfi

Université de Bergamo

Nous souhaitons ici suggérer un parcours pouvant ouvrir un débat autour d’un soit disant «dialogue trans-culturel» en Méditerranée à partir de  contextes éducatifs contemporains et de la question migratoire. Nous croyons en fait qu’un véritable dialogue à l’intérieur de la Méditerranée puisse se repenser avant tout dans les lieux de la recherche et de l’éducation, par le biais d’une réflexion critique autours des approches éducatives et de la question migratoire. La mobilité migratoire ou l’errance ou la migrance, selon les différentes perspectives ou les multiples approches que l’on adopte pour la définir, est une composante tellement importante dans l’histoire passée et présente de l’aventure humaine, elle marque tellement le quotidien de notre époque contemporaine, qu’elle nous interroge sur la nécessité de repenser nos contextes de  recherche et du savoir dans une nouvelle optique. 

La mobilité est présente, d’une façon ou d’une autre, dans le quotidien des milieux éducatifs : de multiples histoires d’enfants de migrants et de leurs familles entrent, depuis des décennies, dans les lieux d’apprentissage et d’éducation en Europe. Mais la migration est aussi une question culturelle et politique qui est au cœur des discours, des peurs et des attentions de nos sociétés de la Méditerranée.

Dans nos sociétés européennes, la question des réfugiés et des demandeurs d’asile (devenus bien plus visibles qu’avant au cours des dernières années) ainsi que celle des migrants qui traversent la Méditerranée et des naufrages quotidiens qui s’y produisent  devraient entrer dans nos écoles et dans nos salles de cours, pas seulement comme objets d’étude, mais avant tout en tant que question culturelle.

Les études sur les migrations contemporaines nous racontent les pratiques transnationales et cosmopolites des migrants et elles nous demandent une réflexion sur des pratiques culturelles et éducatives pouvant prendre en compte ces aspects de la réalité contemporaine et donner espace, voix et dignité aux vécus individuels et collectifs de la mobilité migratoire transnationale.

Certains chercheurs ont donc introduit le concept de  « cosmopolitisme des migrants » en soulignant comment les vécus diasporiques des migrants leur permettent d’aller au-delà du local et du national. Pour eux, en effet, le cosmopolitisme est lié à une expérience directe, un vécu en première personne de la frontière et de la mobilité. Entre autres experts, Michel Agier affirme que, pour beaucoup de migrants contemporains, le cosmopolitisme est quelque chose de physique, réel, corporel, pas une théorisation. 

Il s’agit d’une expérience complexe, source de souffrance, de conflits, une sorte d’attitude pragmatique que les migrants expérimentent dans leur propre peau, avec leurs corps et leurs vies. Il s’agit surtout d’un vécu qui va s’amplifier et se modifier et avec lequel nous devons tous être confrontés, migrants et non migrants. 

Avec ces prémisses, il s’agira alors d’imaginer et d’expérimenter de nouvelles modalités pour inclure réellement, dans les pratiques de recherche (aussi bien que dans les pratiques éducatives et culturelles), le transit, la circulation et la migration en tant que composantes de notre époque contemporaine. Il s’agit aussi de comprendre la façon dont on pourrait y inclure une pratique transnationale et cosmopolite telle que celle que les migrants expérimentent dans leurs vécus diasporiques et dans leurs pratiques culturelles quotidiennes.

Certains chercheurs ont introduit le concept de « cosmopolitisme des migrants » en soulignant comment les vécus diasporiques des migrants leur permettent d’aller au-delà du local et du national

La « créolisation » que les vécus diasporiques nous proposent est une pratique qui résiste aux logiques de l’uniformité. Édouard Glissant souligne la force et les contradictions du contact des cultures et il nous suggère qu’une dynamique de créolisation oblige à se focaliser sur les conflits et sur la redéfinition continuelle des identités dans le cadre de la rencontre avec d’autres cultures. Dans ce contexte, la relation se fait dans la rencontre et la reconnaissance réciproque. Glissant propose d’inclure dans ce mouvement vers l’autre la reconnaissance de son opacité. L’opacité est alors un droit : ce qui protège celui qui est différent et aussi la condition nécessaire de la relation.

Dans sa poétique de la relation, le philosophe suggère que l’identité ne peut pas être représentée par une racine unique, il développe plutôt une pensée de l’errance et des traces. Dans ce contexte, les sujets délimitent eux-mêmes les confins. Les processus de créolisation sont discontinus et se remodèlent selon les contextes et selon les projets de vie, ils sont stratégiques et relationnels. Dans ce cadre, les sujets sont les acteurs d’une reconfiguration des espaces culturels et sociaux. Se focaliser sur cette idée de créolisation dans les contextes de recherche et d’éducation signifie se donner l’espace et le temps de « converser » avec les pratiques transrationnelles et cosmopolites incarnées par les migrants.

Prendre en considération les vécus diasporiques des migrants signifie profiter de toutes ces pratiques, compétences, relations, qui parfois nous suggèrent déjà un chemin alternatif à la logique sécuritaire et à la logique humanitaire. Mais suivre un parcours relationnel est difficile, fatiguant et complexe, avec des conflits qu’il faudra prendre en charge ; il faut en être conscient. C’est un parcours où tout est à imaginer et à construire avec courage, malgré les fatigues des pratiques culturelles et éducatives quotidiennes.

Pour réaliser des pratiques de résistance et des pratiques créoles dans nos contextes éducatifs et nos lieux de recherche et pour promouvoir une poétique de la relation, on ne peut qu’opter pour un chemin d’expérimentation. Nous suggérons donc ici une réflexion sur la possibilité que nos pratiques de recherche puissent entrer en dialogue avec des pratiques ethnographiques et des pratiques artistiques. Si notre choix, culturel et éducatif, est de proposer des narrations alternatives de la migration et de la relation « trans-culturelle » à partir de biographies – il est, en effet, souhaitable de faire connaitre les visages et les histoires de vie des migrants résidant dans nos villes, des masses indistinctes des demandeurs d’asile qui arrivent sur nos côtes ainsi que les visages et les vécus des personnes errantes aux profils les plus divers – nous nous retrouvons avec deux apports principaux. Afin de saisir les histoires de vie de ceux qui viennent d’ailleurs, on peut profiter des ethnographies et de la production artistique contemporaine.  

Les sujets sont les acteurs d’une reconfiguration des espaces culturels et sociaux11. Se focaliser sur cette idée de créolisation dans les contextes de recherche et d’éducation signifie se donner l’espace et le temps de « converser » avec les pratiques transrationnelles et cosmopolites incarnées par les migrants

Les recherches anthropologiques et les ethnographies nous racontent des pratiques quotidiennes cosmopolites et transrationnelles ainsi que des pratiques de créolisation et de métissage, qui, autrement, demeureraient invisibles ou seraient peu souvent représentées. De son côté, une certaine production artistique de qualité pourrait aussi être un moyen de pénétrer dans un contexte anthropologique différent.

De plus, si notre préoccupation se situe dans la direction d’une poétique de la relation et d’un droit à l’opacité de la personne, le concept de l’évocation – ce qui, à travers une absence, « peut être conçu et pas présenté » – nous pose la question d’un inter play entre présence et absence, entre représentation et évocation. Pour répondre à ces préoccupations, un dialogue entre pratiques anthropologiques et pratiques artistiques peut se révéler important.

En nous focalisant sur les pratiques de recherche et les pratiques éducatives contemporaines en tant que pratiques conscientes du fait que la réalité ne peut être saisie que partiellement et étant donné que les pratiques créatives et critiques, telles que celles de l’art et de l’anthropologie, sont des excursions vers l’inconnu et s’inscrivent dans un contexte d’incertitude, nous pensons qu’elles devraient être prises en compte dans les approches éducatives et qu’un dialogue entre pratiques éducatives, artistiques et anthropologiques serait à envisager.

Dans cette optique, certaines expérimentations avec l’art sont en mesure de poser le problème de la distance et de la proximité ainsi que de la multiplicité des points de vue de ceux qui observent ou de ceux qui interagissent avec la réalité. On s’en apercevra en analysant certains films expérimentaux qui font de l’articulation créative entre distance et proximité leur innovation. 

Si une caméra peut montrer ce que l’œil ne peut pas voir, qu’est-ce que cette caméra peut apporter à une recherche critique souhaitant proposer des activités de sensibilisation des chercheurs ou des étudiants ? Si le montage d’un documentaire expérimental peut montrer l’invisible ou évoquer des réalités cachées, dans quelle mesure peut-on imaginer un montage d’images capable d’éduquer à des pratiques relationnelles incluant véritablement l’opacité, l’invisibilité de certaines réalités et de certaines histoires de vie ? 

Proposer des approches éducatives critiques, réflexives, attentives aux multiples points de vue, sensibles à l’ailleurs, aux absences, à l’invisible, signifie expérimenter des pratiques dans cette direction. Cela signifie aussi promouvoir une conscience et une expérience de la différence bien avant qu’un dialogue ; car  cela peut servir de base essentielle à la construction de n’importe quel dialogue.

Si une caméra peut montrer ce que l’œil ne peut pas voir, qu’est-ce que cette caméra peut apporter à une recherche critique souhaitant proposer des activités de sensibilisation des chercheurs ou des étudiants ?

On se retrouve ainsi face à deux niveaux : d’un côté, nous disposons d’une certaine littérature et d’une certaine production cinématographique qui nous racontent des vécus migratoires transnationaux, des errances, des créolisations, des rencontres. De l’autre, nous trouvons des films expérimentaux qui, plutôt que nous proposer des histoires, nous provoquent des sensations en nous incitant à résister à la pensée normative. Cette deuxième perspective peut être ouverte aux pratiques éducatives, artistiques et ethnographiques et peut répondre à une préoccupation politique.

La question ici est : comment réussir à donner dignité à ces corps en mouvement qui sont au cœur des pratiques cosmopolites et métissées, en essayant de respecter leur opacité et leurs ombres ? En d’autres termes, en essayant d’allier la narration au sensible, le visible à l’invisible. Comment est-il possible d’encadrer le désir des corps de se raconter dans un langage artistique ou dans un langage d’écriture ?

En même temps, comment rendre la résistance de ces corps à se soumettre à la « discipline du cadrage »? « Le cadre sépare le visible de l’invisible, ce que l’on peut sentir avec les sens et ce que l’on peut raconter. Pour nous, le choix politique est ici de décider si l’on veut faire émerger quelque chose de cette lutte des corps dans les cadres et entre les bords du cadre ». En entrant et en sortant d’un cadre, aussi d’une représentation artistique, le corps nous impose le hors-champ

Alors, jusqu’à quel point souhaitons-nous ou voulons-nous vraiment que nos pratiques de recherche incluent le hors-champ ? La narration que nous désirons voir émerger à travers nos pratiques pourrait alors être lue comme une narration politique des corps, de leurs soumissions et de leurs libertés. Aujourd’hui, la partie qui reste dans l’ombre, le hors-champ, « la poudre », n’est-elle pas devenue, peut-être, l’enjeu esthétique et politique majeur ?

En tant que chercheurs, nous nous sentons interpelés par la capacité de certains artistes contemporains à évoquer le hors-champ et à faire émerger les traces, les ruines, les errances et les incertitudes parce que, dans notre quotidien, nous sommes confrontés à ces mêmes jeux de soumission et de liberté des corps ainsi qu’à la complexité fragmentaire et à la poudre. 

En racontant son expérience de vidéoartiste, Brad Butler nous rappelle que, lorsqu’il avait commencé à penser à la vision en tant que stratégie, technique, modalité de découverte du monde, il avait, inévitablement, commencé à penser au pouvoir, à l’exclusion, au cadre, et donc à s’intéresser au dit et aussi au non-dit, à l’invisible. 

La vraie question est de savoir dans quelle mesure nous sommes intéressés, en tant que chercheurs, enseignants, éducateurs, par les silences, les absences, les dissonances, pas seulement sur le plan des déclarations théoriques, mais sur le plan des actions et des choix

« La Silent University est une plateforme de connaissances créée par les réfugiés et les demandeurs d’asile, fondée sur l’idée que le silence n’est pas seulement un état passif, mais qu’il a en soi-même un potentiel énorme. […] Le Musée de la non-participation, créé par Brad Butler et Karen Mirza, a beaucoup à voir avec tout cela. Dans ce Musée, le « non » n’est pas une négation, mais plutôt un seuil, une politique plastique, malléable, qui se dilate et s’agite ». Autrement dit, il s’agit ici d’un processus de déscolarisation, de décolonisation de la connaissance.

La vraie question est de savoir dans quelle mesure nous sommes intéressés, en tant que chercheurs, enseignants, éducateurs, par les silences, les absences, les dissonances, pas seulement sur le plan des déclarations théoriques, mais sur le plan des actions et des choix. En ce sens, la question des pratiques de recherche et des pratiques éducatives à même de dialoguer avec des pratiques ethnographiques et artistiques est, dans son essence, une question politique. 

On peut bien, alors, utiliser des exemples esthétiques comme espaces critiques dans la perspective de repenser les modalités d’action et de réflexion des personnes. Si un dialogue entre pratiques éducatives, artistiques, ethnographiques pouvait au moins contribuer à entraîner la pensée, la façon d’observer la réalité, bien avant que la façon de la raconter, il serait déjà très précieux. « Notre légitime besoin de connaître en profondeur un contexte, une histoire, un territoire doit reconnaître combien l’idée de mapper une réalité trouve un écho dans une réalité conçue comme surface ou comme entité figée ». 

Est-ce que l’on est prêt à une approche réflexive, expérimentale, qui puisse englober l’incertitude et l’imagination ? La contamination des deux approches pourrait probablement contribuer à mieux faire connaître une réalité, en proposant une lecture qui soit sensible et narrative en même temps. En utilisant le terme « sensible », nous voulons dire ici ancré dans les sens, le sentir, les corps en mouvements. Il s’agit alors de s’exprimer d’une façon inédite, à travers des langages verbaux et artistiques qui puissent inclure l’incertitude du contemporain, dont les personnes errantes sont les premiers, mais pas les seuls, témoins.

Le risque est de retrouver les profils de migrants hyperreprésentés à travers l’art, parfois d’une façon assez superficielle, en soulignant leur rôle de victimes, de personnes vulnérables. Un autre risque est la romanticisation de ceux qui viennent d’ailleurs, qui migrent. Mais en écartant ce mode de représentation – existant et probablement prévalent – nous souhaitons ici nous concentrer sur une part minoritaire de la production artistique, soucieuse de démontrer, par exemple, que les migrants peuvent être acteurs, auteurs de transformations et porteurs d’une forme de résistance et d’agency.

Nous faisons référence à ces artistes qui, avec leurs recherches qualitatives et leurs choix expérimentaux, ont essayé de révéler les conditions d’émergence des conflits militarisés, des relations xénophobes explicites et occultées, de la complexité des géographies qui relient le Nord et le Sud

Nous faisons référence à ces artistes qui, avec leurs recherches qualitatives et leurs choix expérimentaux, ont essayé de révéler les conditions d’émergence des conflits militarisés, des relations xénophobes explicites et occultées, de la complexité des géographies qui relient le Nord et le Sud du monde ainsi que de la « vie nue » d’une multitude de personnes qui se déplacent d’un bout à l’autre de la Terre.

Dans son texte important The Migrant Image, T-J- Demos se focalise plus particulièrement sur les centaines d’innovations esthétiques à partir desquelles certains artistes ont créé des stratégies documentaires critiques et des réélaborations créatives d’images mobiles et de vidéos dans le but de narrer l’intensité des mouvements des personnes traversant le monde. Mais les questions qui en découlent sont multiples : comment peut-on représenter artistiquement des vies qui n’ont pas de représentation politique, comment peut-on photographier un réfugié à qui on nie les droits et la protection légale ? Comment peut-on ne pas envahir son espace et son droit à la parole ou au silence ? Son droit d’être encadré ou non ? Comment respecter son mouvement intime entre l’apparition de son corps et ce qui reste hors-champ ? 

On pourrait alors citer des vidéos et des films tels ceux de Steve McQueen, du collectif Otholit Group, de l’artiste palestinienne Emily Jaciri ou de l’artiste marocaine Yto Berrada et bien d’autres. Ce sont des exemples de créations artistiques qui, à travers un montage expérimental, travaillent quasiment comme un « contrepoint » (au sens proposé par Kobena Mercer )capable de défier les divisions territoriales entre Nord et Sud, Est et Ouest et de nous plonger dans une proximité qui remet en question et rapproche ces distances. À travers des images en mouvement, ces artistes se confrontent aux conflits géopolitiques et remettent en cause les conventions méthodologiques de la réalisation des documentaires. On se retrouve alors face à des œuvres qui sont à la fois des films de fiction et des documentaires portant sur des identités diasporiques. Il s’agit d’œuvres capables de mêler, dans leurs images, les registres du réel et de l’imaginaire avec un résultat critique et créatif rare. 

Le défi de ces artistes est de rechercher cette « valeur politique » pouvant émaner de « stratégies innovatrices et de pratiques artistiques » qui tentent de négocier les limites de la représentation tout en rendant visibles ceux qui, dans notre monde globalisé, ne restent normalement que dans l’ombre. 

Dans le cas de la célèbre artiste palestinienne Emily Jaciri, la tentative est de réfléchir aux conditions expérientielles de l’exil, qui normalement sont à la limite du visible. Plutôt qu’affirmer « une relation d’opposition entre nous et eux », son travail sur la diaspora palestinienne « s’ouvre sur un potentiel transformationnel de dislocation qui décentre la base de l’identité nationale aussi bien que la responsabilité de sa subjectivité ». L’art de Jaciri devient ainsi un nouvel horizon politique pour le sujet et pour sa communauté, bien au-delà de l’État-nation. 

Dans certaines de ses autres pratiques artistiques expérimentales, l’artiste cherche les conditions de l’opacité en matière de représentations, par exemple, dans le cas d’un camp de réfugiés. On est alors confrontés à une réalité contemporaine traumatique, comme celle des trajectoires complexes des migrations transnationales, du quotidien des réfugiés et des demandeurs d’asile ou de la vie dans un camp de détention. Ce que l’on appelle normalement la compréhension en profondeur d’une telle réalité passe par une implication dans les aspects les plus fictifs et conflictuels des images. Cela nous amène à réaliser un mouvement vers une réalité  qui plutôt que être comprise en profondeur est reconnue dans toute son opacité.

Ces productions artistiques deviennent alors des occasions de transformation des sujets : ces processus de transformation se focalisent sur la compréhension de la violence, de la condition de la guerre, de la mémoire et du traumatisme. De même, cela nous enseigne quelque chose de la nature du conflit et des tentatives d’aller au-delà de « la spectacularisation de la guerre, de l’amnésie culturelle et des peurs qui caractérisent le présent ». Même si la politique de l’esthétique ne peut pas garantir quelque chose de révolutionnaire, elle peut constituer, comme l’affirme Demos, un lieu de transformation subjective potentielle.

Ces productions artistiques deviennent alors des occasions de transformation des sujets : ces processus de transformation se focalisent sur la compréhension de la violence, de la condition de la guerre, de la mémoire et du traumatisme

Finalement, il nous faudrait comprendre que, « d’une façon ou d’une autre,  nous sommes tous des déplacés et que nous partageons tous cette incommensurabilité et cette opacité de la condition humaine ». Il y a alors tout un parcours à imaginer et à construire avec courage, malgré les fatigues des pratiques culturelles et éducatives quotidiennes, un parcours qui pourrait aboutir à des expérimentations originelles entre pratiques de recherche, artistiques et ethnographiques. À notre avis, cela est le fondement sur lequel repenser aujourd’hui un dialogue en Méditerranée.

Ce dialogue est à réinventer à partir de la conscience que les relations humaines et les créations artistiques tissent un inédit et qu’aujourd’hui plus que jamais la question migratoire est au cœur du contemporain. La Méditerranée a un besoin urgent de se repenser autour des pratiques diasporiques et cosmopolites qui y sont présentes aussi bien qu’à travers une poétique de la relation et un droit à l’opacité, à l’origine de chaque véritable conversation et relation.