L’intégration régionale Sud-Sud. Une perspective comparative Monde Arabe – Amérique du Sud

11 març 2008 | | Francès

Compartir

Introduction

Aujourd’hui, la régionalisation est une tendance lourde accompagnant la mondialisation. Elle constitue la dimension régionale des relations économiques internationales et indique une intensification/polarisation des échanges au sein de grands groupes régionaux.

Cette dimension nouvelle de la régionalisation, accélérée au tournant des années 80-90 du siècle dernier, concerne toutes les régions du monde et, en particulier, deux ensembles auxquels nous nous intéresserons ici, l’Amérique du Sud et le monde arabe. Si la régionalisation désigne la dimension économique de ce phénomène, le régionalisme souligne sa dimension institutionnelle, et ce, à travers la multiplication des accords commerciaux régionaux (ACR). On parle de nouveau régionalisme (ou régionalisme ouvert) à travers la prolifération des ACR dans le contexte de la mondialisation (ouverture et libéralisation commerciales).

Nos deux grands ensembles régionaux n’échappent pas à cette tendance forte de multiplication des processus d’intégration régionale (IR). Il existe une pléthore de dynamiques d’IR dotées de caractéristiques multiformes, tant par la nature des partenaires et des dynamiques structurantes, que des motivations. Ces processus ne sont pas identiques d’une région à l’autre. Ainsi, toute analyse, tout décideur, ne peuvent faire l’économie de la perspective comparative afin de dégager les bonnes pratiques, les « success stories », et de prendre acte à la fois des leçons à tirer de certains contre-exemples.

Le constat s’impose, de prime abord, que la région sud-américaine se singularise par une effervescence particulière en matière d’intégration régionale. Le Marché commun du Sud (Mercosur) et, récemment, l’Alternative bolivarienne pour l’Amérique latine et les Caraïbes (ALBA) – initiative promue par le Venezuela faisant appel à une stratégie d’intégration axée sur l’énergie – ou encore le projet brésilien de constitution d’une Communauté sud-américaine des nations (CSN), passant par un rapprochement entre la Communauté andine des nations (CAN) et le Mercosur, constituent des exemples riches de leçons, tant positives que négatives. Alors même que la région sud-américaine connaît des dynamiques certaines, force est de relever l’inertie et les lenteurs des intégrations régionales Sud-Sud dans la région arabe.

On constate, sur ce point, une certaine éclipse de l’Union du Maghreb arabe (UMA).

L’accord d’Agadir portant création d’une zone de libre-échange entre l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie vient tout juste d’entrer en application. L’union douanière du Conseil de coopération du Golfe (CCG) semble marquer le pas, tandis que la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE) n’a vu le jour qu’en 2005.

Devant les interrogations légitimes que soulèvent les dynamiques à l’œuvre, l’analyse comparative entre les ensembles sud-américain et arabe s’avère un outil précieux.

L’étude comportera trois parties : la première permettra de dresser un tableau des principales spécificités et caractéristiques des deux ensembles du monde arabe et de l’Amérique du Sud. La deuxième partie sera centrée sur l’analyse de la dimension économique des accords régionaux et sous-régionaux d’intégration : le Mercosur et la CAN, l’UMA, l’Accord de libre-échange d’Agadir, la GZALE et le CCG. La troisième partie portera sur la dimension politico-institutionnelle de ces accords régionaux et sous-régionaux. La conclusion indiquera des pistes de recherche pour le futur.

À titre d’introduction, nous procéderons, au préalable, à une brève présentation des principaux accords d’intégration Sud-Sud dans les deux grandes régions :

  • En Amérique du Sud
    • La CAN : issue du Pacte andin de 1969, fondée en 1987, la CAN rassemblait jusqu’il y a peu cinq États (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela, ce dernier ayant quitté la CAN en avril 2006). Récemment, le Chili a rejoint la Communauté en tant que membre associé. Le Mexique, membre observateur (au même titre que le Panama) affiche des intentions analogues à celles du Chili (membre associé). La création d’un marché intérieur andin constitue l’enjeu majeur. Cela couvre l’adoption d’un tarif extérieur commun, la mise en place d’une politique agricole commune et l’harmonisation de certaines législations nationales.

Texte juridique : Accord d’intégration sous-régional des Andes (Accord de Carthagène).

  • Le Mercosur : créé par le traité d’Asunción en mars 1991, le Mercosur a pour objectif l’établissement d’un marché commun et d’une union douanière (libre circulation, tarif extérieur commun) – entre l’Argentine, le Brésil (véritables moteurs de l’intégration, compte tenu de leur poids), le Paraguay et l’Uruguay. L’union douanière est réalisée depuis 2001 avec des listes d’exception par produits et une transition jusqu’en 2006 pour l’automobile.

Textes juridiques : Traité relatif à la création d’un marché commun entre la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l’Uruguay.

  • Dans le monde arabe
    • Le CCG : réunissant l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis (EAU), le Koweït, Oman et le Qatar, le CCG a été fondé en 1981. Une union douanière est entrée en vigueur en 2003. Il existe un tarif extérieur commun de 5 %, alors qu’un nombre limité d’articles sont entièrement exempts de droits. Il s’agit d’un pas en avant vers la création d’un grand marché commun du Golfe et l’adoption d’une monnaie unique, prévue d’ici 2010.
    • La GZALE: lors du Sommet arabe de 1996, les États arabes se sont engagés dans la création de la GZALE avec l’espoir qu’elle évolue ensuite vers un marché commun arabe. La GZALE constitue l’étape la plus récente, et jusqu’ici la plus significative, atteinte par les pays arabes pour obtenir un niveau significatif d’intégration économique. Ayant débuté en 1998, son achèvement prévu pour 2007 a été avancé au 1er janvier. L’accord inclut un engagement d’élimination des barrières non tarifaires et des négociations sont en cours pour des règles d’origine définitives. Dix-huit États arabes en font partie, soit les vingt-deux pays de la Ligue arabe, à l’exclusion de l’Algérie, de Djibouti, de la Mauritanie et des Comores.

Texte juridique : Déclaration de la GZALE.

  • L’Accord d’Agadir, signé en février 2004 par quatre pays (l’Égypte, le Maroc, la Tunisie et la Jordanie), devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2005, son entrée en application effective ayant, toutefois, été repoussée à mars 2007. L’Accord d’Agadir est une initiative de l’UE, dont l’objectif est de favoriser les échanges intra-régionaux parmi les quatre pays mentionnés afin d’améliorer l’intégration Sud-Sud.

Texte juridique : Accord d’Agadir pour l’établissement d’une zone de libre-échange entre les pays arabo-méditérranéens.

  • L’UMA : la déclaration instituant la création de l’UMA a été signée à Marrakech le 17 février 1989. Paraphée par la Mauritanie, la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, l’UMA vise à :
    • Renforcer les liens de fraternité qui unissent les États membres et leurs peuples ;
    • Réaliser le progrès et la prospérité des sociétés qui les composent en assurant la défense de leurs droits ;
    • Contribuer à la préservation de la paix fondée sur la justice et l’équité ;
    • Poursuivre une politique commune dans différents domaines ;
    • Œuvrer progressivement à la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux.

Deux conventions ont été conclues en parallèle. Signée en juillet 1990, dans la perspective d’une union douanière et d’un marché agricole commun, la première a trait à l’échange des produits agricoles. Conclue en mars 1991, la seconde, qui concerne les volets commercial et tarifaire, vise l’instauration d’une zone de libre-échange.

Texte juridique : Déclaration de l’UMA, 1989 ; Convention relative à l’échange des produits agricoles ; Convention sur les aspects commercial et tarifaire, 1991 ; Projet d’accord pour l’établissement d’une zone de libre-échange entre les États de l’UMA.

Nous avons inclus le projet de création d’une zone de libre-échange de l’UMA, actuellement en cours d’élaboration, dans notre investigation.

Principales caractéristiques démographiques, économiques, socio-humaines et commerciales du monde arabe et de l’Amérique du Sud

La population

Évaluée, en 2005, à 318 millions d’habitants, la population dans l’ensemble du monde arabe, compris comme les vingt-deux pays appartenant à la Ligue arabe, est de 15 % inférieure à celle de l’Amérique du Sud stricto sensu, qui s’élève à 373 millions. Respectivement, les populations du monde arabe et de l’Amérique du Sud représentent 4,9 % et 5,7 % de la population mondiale en 2005 (Tableau 1).

Tableau 1. Population (en milliers)

 1990199520002005
Amérique du Sud297 077323 092348 679373 487
Monde arabe228 714256 982286 901318 071
Monde5 294 8795 719 0456 124 1236 514 751
     
Poids dans le monde    
Amérique du Sud5,6 %5,6 %5,7 %5,7 %
Monde arabe4,3 %4,5 %4,7 %4,9 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

La croissance démographique s’élève à 2,2 % par an en moyenne sur la période 1995-2005 pour le monde arabe, contre seulement 1,5 % pour l’Amérique du Sud (Tableau 2).

Tableau 2. Taux de croissance de la population

 1990 – 19951995 – 20002000 – 20051990 – 2005
Amérique du Sud1,7 %1,5 %1,4 %1,5 %
Monde arabe2,4 %2,2 %2,1 %2,2 %
Monde1,6 %1,4 %1,2 %1,4 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Ainsi, le trend démographique reste vigoureux dans les pays arabes en dépit d’une légère décélération (2,1 % en 2000-2005 contre 2,4 % en 1990-1995) et d’un début de transition démographique, déjà achevée dans quelques pays, tels la Tunisie et le Maroc (1,1 % et 1,2 % de croît démographique entre 2000 et 2005).

Le défi démographique reste important sur le monde arabe considéré globalement.

Le PIB

En 2005, le PIB total de l’ensemble des pays arabes s’élevait à 1 088,8 milliards de dollars US courant contre 1 405 milliards de dollars US courants pour l’Amérique du Sud, soit 23 % de plus environ pour cette dernière (Tableau 3).

Tableau 3. Produit intérieur brut (en millions de dollars US courants)

 1990199520002005
Amérique du Sud811 4751 236 8631 188 9651 405 251
Monde arabe416 095466 695688 6411 088 844
Monde21 304 64228 517 03330 759 64240 793 596
     
Poids dans le monde    
 Amérique du Sud3,8 %4,3 %3,9 %3,4 %
Monde arabe2,0 %1,6 %2,2 %2,7 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Ainsi le monde arabe et l’Amérique du Sud représentent-ils respectivement 2,7 % et 3,4 % du PIB mondial. Ces parts sont passées de 2 % à 1,6 % seulement pour le monde arabe entre 1990 et 1995, et de 3,8 % à 4,3 % pour l’Amérique du Sud sur la même période. Il s’agit là d’une évolution divergente, puisque le monde arabe a vu depuis sa part dans le PIB mondial augmenter, alors que l’Amérique du Sud a connu un phénomène inverse.

La croissance du PIB

De fait, le rythme de croissance du PIB a été nettement plus soutenu dans le monde arabe : 6,6 % par an en moyenne sur la période 1990-2005, contre seulement 3,7 % pour l’Amérique du Sud. Sur la période 1990-1995, la croissance du PIB dans le monde arabe n’a été que de 2,3 %. Elle a par la suite augmenté fortement pour atteindre 8,1 % (1995-2000) et 9,6 % (2000-2005). Au contraire de l’Amérique du Sud où la croissance a été vigoureuse entre 1990-1995 (8,8 %), pour devenir carrément négative (- 0,8 %) entre 1995-2000, suite aux crises financières en Argentine et au Brésil, avant que la tendance ne s’inverse, tout en restant à des taux relativement faibles : 3,4 % entre 2000 et 2005.

La conjoncture pétrolière, d’un côté, et les crises financières, de l’autre, rendent compte jusqu’à un certain point de cette évolution économique divergente entre les deux ensembles.

Tableau 4. Taux de croissance du PIB

 1990 – 19951995 – 20002000 – 20051990 – 2005
Amérique du Sud8,8 %– 0,8 %3,4 %3,7 %
Monde arabe2,3 %8,1 %9,6 %6,6 %
Monde6,0 %1,5 %5,8 %4,4 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Le PIB par tête

En 2005, les PIB par tête (en dollars US courants) étaient plus au moins proches : 3 423 $ en moyenne pour le monde arabe et 3 765 $ pour l’Amérique du Sud, soit une différence de 9 %. Ceux-ci représentaient respectivement 54,7 % et 60,1 % du PIB par tête moyen à l’échelle mondiale. Ce qu’il faut souligner ici, c’est que ces moyennes cachent des disparités très fortes entre les pays arabes. À titre d’exemple, le PIB par tête s’élevait à 455 $ au Yémen en 2005, contre 54 024 $ au Qatar… soit un rapport de 1 à 118 !

Les écarts entre pays sont moindres en Amérique du Sud, puisque le rapport entre le Chili, État le plus riche en termes de PIB par tête (en dollars courants) avec 6 461 $, n’est que de 1 à 7 avec la Bolivie, l’État le plus pauvre de la région, où le PIB par tête est de 918 $.

Tableau 5. Produit intérieur brut par habitant (en dollars US courants)

 1990199520002005
Amérique du Sud2 7323 8283 4103 763
Monde arabe1 8191 8162 4003 423
Monde4 0244 9865 0236 262
     
Par rapport au monde    
Amérique du Sud67,9 %76,8 %67,9 %60,1 %
Monde arabe45,2 %36,4 %47,8 %54,7 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

La croissance du PIB par tête

La croissance du PIB par tête pour l’ensemble de la période 1990-2005 a été deux fois plus soutenue dans le monde arabe qu’en Amérique du Sud : 4,4 % en moyenne par an contre seulement 2,2 %.

Ceci confirme les évolutions divergentes, puisqu’en début de période, l’Amérique du Sud a connu une croissance du PIB par tête de 7,1 % (1990-1995), avant de traverser une phase de croissance négative (- 2,3 % entre 1995 et 2000), pour reprendre à 2 % en moyenne par an entre 2000 et 2005.

Au contraire, le monde arabe a stagné en début de période (0 % entre 1990-1995), avant de progresser à des rythmes soutenus : 5,9 % et 7,5 % entre 1995-2000 et 2000-2005.

Tableau 6. Taux de croissance du PIB par habitant

 1990 – 19951995 – 20002000 – 20051990 – 2005
   Amérique du Sud7,1 %– 2,3 %2,0 %2,2 %
Monde arabe– 0,1 %5,9 %7,5 %4,4 %
Monde4,4 %0,1 %4,6 %3,0 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Le PIB par tête en parité de pouvoir d’achat (PPA)

En 2004, le PIB par tête en PPA s’élevait à 5 578 $ dans le monde arabe, contre 8 061 $ en Amérique du Sud, soit un écart de 30 %. En termes d’évolution tendancielle, si nous prenons comme base de comparaison un indice 100 assigné tour à tour aux États-Unis et aux États de l’Union européenne (UE) constituant l’union monétaire, nous observons que le PIB par tête (PPA) du monde arabe équivaut à 14 % de celui des États-Unis (1/7e), un rapport relativement stable sur la période 1990-2004. Par rapport à l’UE, le monde arabe se situe à 19-20 % (1/5e) avec là aussi, malgré les fluctuations entre le début et la fin de période, peu ou pas de changements significatifs en termes de tendance. Grosso modo, depuis 1990, les écarts de niveaux de vie mesurés par les PIB par tête en PPA ont peu ou pas évolué, tendanciellement, entre le monde arabe, les États-Unis ou l’UE.

En Amérique du Sud, le PIB par tête (PPA), qui se situait à 22-23 % de celui des États-Unis entre 1990 et 1995, n’atteint plus que 20 % sur la période 2002-2004 (1/5e environ), soit une baisse de 2 à 3 points entre le début et la fin de la période.

Par rapport à l’UE, il avoisine les 30 %, avec là aussi une baisse de 2-3 points entre le début et la fin de la période.

Cette évolution fait ressortir une disparité légèrement supérieure en termes de niveau de vie entre l’Amérique du Sud et les États-Unis ou l’UE.

Par ailleurs, il est intéressant, dans une perspective comparative centrée sur les effets attendus des processus d’intégration Sud-Sud, d’observer là aussi si, depuis 1990, les écarts intra-régionaux ont eu tendance à se réduire ou à s’accentuer.

Pour ce faire, nous avons pris, pour le monde arabe, le PIB moyen par tête (PPA) des pays du CCG, qui constituent les plus riches États de la région (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, EAU) comme base de comparaison (indice 100).

On constate qu’à l’exception de la Tunisie et, dans une moindre mesure, de l’Égypte, les écarts de revenus par tête se sont globalement maintenus. Le PIB par tête (PPA) au Yémen représente ainsi 6 % de celui des pays du CCG.

Djibouti, le Soudan, les Comores, la Somalie et la Mauritanie, les autres pays arabes les moins avancés (PAMA), atteignent 12-13 % du PIB par tête (PPA) du CCG. Très importants, ces écarts de niveaux de vie ont faiblement évolué sur les quinze dernières années. Cette forte disparité en termes de richesses est, du reste, l’une des singularités du monde arabe : représentant 10,8 % seulement de la population du monde arabe, les pays du CCG totalisaient 56,6 % du PIB de l’ensemble en 2005 (616 milliards de dollars), tandis que les PAMA, qui abritent 23,4 % de la population régionale, ne disposaient que de 4,5 % du PIB total !

En Amérique du Sud, comme nous l’avons laissé entrevoir, les écarts de revenus par tête (PPA) entre pays sont relativement plus faibles. Si nous prenons comme base de comparaison (indice 100) l’Argentine, qui dispose du PIB par tête le plus élevé en termes de PPA, l’État le plus pauvre, la Bolivie, se situait à 20 % en 2004 (1/5e) et l’Équateur à 30 %. Soulignons, toutefois, que les écarts de richesse entre l’Argentine et les autres pays sud-américains ont, en revanche, plutôt tendance à augmenter, à l’exception du Chili : 4 points pour le Bolivie (24 % en 1990, 20 % en 2005), 9 points pour l’Équateur (39 % en 1990, 30 % en 2005) et l’Uruguay, 10 points pour le Brésil, 12 points pour la Colombie, 17 points pour le Paraguay et 19 points pour le Venezuela, seul l’écart avec le Pérou restant inchangé.

Il est donc important de relever que si le monde arabe connaît de fortes divergences en termes de PIB par tête (PPA), celles-ci demeurent relativement stables, tandis que l’Amérique du Sud montre des divergences plus atténuées, mais qui vont en s’accentuant.

Développement humain, pauvreté, chômage et répartition

Jusqu’alors, les données statistiques disponibles nous ont permis de comparer le monde arabe et l’Amérique du Sud stricto sensu, mais pour ce qui est des questions sociales et humaines, il nous faut considérer l’Amérique du Sud au sein d’un ensemble plus vaste : l’Amérique latine et les Caraïbes (ALC), qui regroupe, outre les pays de l’Amérique du Sud tels que nous les avons présentés, les États d’Amérique centrale et des Caraïbes, ainsi que le Mexique, selon la classification du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

En termes de développement humain, selon le PNUD, l’indicateur de développement humain (IDH) en 2004 s’élevait respectivement à 0,680, pour les pays arabes, contre 0,795 pour l’ALC. Sur le volet de l’éducation, le monde arabe accuse un déficit substantiel par rapport à l’ALC, le taux d’alphabétisation des adultes étant de 90,2 % dans la zone ALC, contre 69,9 % seulement pour le monde arabe. De même, le taux de scolarisation brut, qui atteint 81 % pour l’ALC, n’est que de 62 % dans le monde arabe. En matière d’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), on compte en 2004, 55 internautes pour 1 000 habitants en moyenne dans le monde arabe, contre 115 dans la région ALC.

De plus, les écarts selon le genre en termes d’alphabétisation des adultes, le taux de scolarisation ou de participation à la population active sont nettement plus marqués dans le monde arabe que dans l’ALC.

Le taux d’activité des femmes, à titre d’exemple, est deux fois plus élevé dans l’ALC (51 %) que dans le monde arabe (26 %).

Ces disparités hommes-femmes concernent aussi le chômage.

Selon les données de l’Organisation internationale du travail (OIT), les taux de chômage en Afrique du Nord et au Moyen-Orient sont plus élevés que dans la zone ALC. En 2005, selon les estimations de l’OIT, le chômage touchait en moyenne 11-12 % de la population de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, contre seulement 8,6 % pour l’ALC. Si le chômage touche plus les femmes que les hommes dans le monde arabe comme dans l’ALC, les écarts hommes-femmes sont plus importants en Afrique du Nord et au Moyen-Orient – avec respectivement 17,1 % pour les femmes et 9,6 % pour les hommes, soit 7,5 points d’écart – que dans l’ALC, où le taux de chômage masculin est de 6,9 %, contre 11 % pour le chômage féminin, soit 4,1 points d’écart.

Pour la pauvreté monétaire sous sa forme extrême (seuil de 1 dollar PPA par jour), elle est plus répandue dans l’ensemble ALC, où elle concerne 9,5 % de la population, contre seulement 2,4 % dans le monde arabe. Avec un seuil de 2 $ PPA par jour, l’incidence de la pauvreté est légèrement supérieure dans l’ALC : 22,6 %, contre 19,8 % dans le monde arabe.

Enfin, au niveau de la répartition des revenus, l’indice de Gini, qui mesure la concentration des revenus ou des dépenses sur une échelle allant de 0 (égalité parfaite) à 100 (inégalité extrême), montre une forte singularité de l’ALC, où il affiche un score moyen de 52,5, contre seulement 38,3 dans le monde arabe.

Ce bref panorama social et humain révèle, ainsi, des différences remarquables entre le monde arabe et l’ALC. La plus forte incidence de la pauvreté extrême (1$ par jour PPA) et la grande polarisation sociale (fortes inégalités en termes de répartition des revenus ou des dépenses) sont deux traits majeurs caractéristiques de l’ALC. Pour le monde arabe, les caractéristiques les plus saillantes de ce tableau sont les déficits en matière de savoir (éducation, accès aux NTIC) et la discrimination qui demeure importante à l’égard des femmes.

Les échanges commerciaux

Les biens et services

Avec 878,3 milliards de $, le commerce extérieur du monde arabe représentait 4,2 % du commerce mondial en 2005. Avec 532,3 milliards de $, l’Amérique du Sud stricto sensu représentait 2,5 % de ce même commerce mondial. Les parts respectives du monde arabe et de l’Amérique du Sud ont augmenté relativement entre le début (1990) et la fin de la période (2005), passant de 3,6 % à 4,2 % pour le monde arabe et de 2 % à 2,5 % pour l’Amérique du Sud. Il faut souligner ici que les pays du CCG accaparent près des deux tiers du commerce du monde arabe (65,1 % en 2005), tandis que le Brésil et l’Argentine concentrent prés de la moitié du commerce extérieur de l’Amérique du Sud, soit 49,7 % pour l’année 2005 (Tableau 7).

Tableau 7. Commerce extérieur (en millions de dollars US courants)

 1990199520002005
Amérique du Sud143 368265 599314 633532 311
Monde arabe254 779286 909428 103878 344
Monde7 068 73310 388 82313 086 23221 152 995
     
Poids dans le monde    
Amérique du Sud2,0 %2,6 %2,4 %2,5 %
Monde arabe3,6 %2,8 %3,3 %4,2 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

En termes d’ouverture commerciale (exportations + importations rapportées au PIB), le monde arabe affiche un taux élevé et en forte augmentation, passé de 61,5 % en 1990 à 80,9 % en 2005, en raison de l’importance des hydrocarbures dans les exportations arabes. Avec des données de 17,7 % en 1990 et 37,9 % en 2005, l’Amérique du Sud a un taux d’ouverture nettement moindre, quoiqu’en forte hausse, sous l’effet notamment des liens étroits existant entre les marchés intérieurs du Brésil, de l’Argentine et du Chili (Tableau 8).

Tableau 8. Taux d’ouverture

 1990199520002005
Amérique du Sud17,7 %21,5 %26,5 %37,9 %
Monde arabe61,5 %61,9 %62,5 %80,9 %
Monde33,2 %36,4 %42,5 %51,9 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Répartition des exportations et des importations selon les principaux partenaires

A- Dans le monde arabe

Tableau 9. Répartition des exportations et importations selon les principaux partenaires (moyenne 1995-2005)

 Union européenneAsie du Sud-EstJaponÉtats-UnisIntra-zoneAutres
Exportations – Amérique du Sud20,9 %5,7 %5,0 %29,7 %21,9 %16,8 %
Exportations – Monde arabe24,6 %11,0 %15,6 %10,1 %8,3 %30,5 %
Importations – Amérique du Sud22,4 %4,8 %3,9 %24,3 %25,0 %19,6 %
Importations – Monde arabe41,8 %10,3 %7,0 %11,3 %10,0 %19,6 %
 

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Sur la période 1995-2005, l’UE, avec une moyenne de 24,6 %, est le premier destinataire des exportations arabes, suivie du Japon avec 15,6 %. Les États-Unis et l’Asie du Sud-Est (Chine comprise) ont des parts relativement semblables : 11 % et 10,1 % respectivement. Les exportations intra-arabes ne représentent que 9,3 % du total, alors que 30,5 % des exportations sont destinées à d’autres partenaires dans le monde.

En ce qui concerne les importations, avec une moyenne de 41,8 % sur la période 1995-2005, la part de l’UE est dominante ; les États-Unis ne représentent que 11,3 %, devançant d’un point l’Asie du Sud-Est (y compris la Chine), avec 10,3 %. La part du Japon n’est que de 7 %. Les importations intra-arabes s’élèvent à 10 %, tandis que 19,6 % des importations émanent d’autres partenaires dans le monde.

B- Pour l’Amérique du Sud

Au niveau des exportations, les États-Unis sont le premier partenaire, avec 29,7 % en moyenne sur la période 1995-2005, suivis par l’UE, avec 20,9 %. Le Japon (5 %) et l’Asie du Sud-Est (Chine comprise), avec 5,7 %, totalisent 10,7 % de l’ensemble. S’élevant à 21,2 %, les exportations intra-régionales sont comparativement élevées. Les 16,8 % des exportations restantes sont destinées à d’autres pays dans le monde.

Au niveau des importations, les États-Unis ne devançaient que de peu l’UE, avec des parts respectives de 24,3 % et 22,4 %. Le Japon (3,9 %) et l’Asie du Sud-Est (4,8 %) totalisent 8,7 % de l’ensemble. Les importations intra-régionales sont, là aussi, comparativementélevées, avec 25 % du total. Le reste du monde représente 19,6 % des importations sud-américaines.

En termes d’évolution, relevons, dans le monde arabe comme en Amérique du Sud, la montée en puissance de l’Asie du Sud-Est, et de la Chine en particulier, en tant que fournisseur et, dans une moindre mesure, que destinataire.

Pour le monde arabe, les importations sud-asiatiques (notamment chinoises) ont vu leur part passer de 5,5 % en 1995 à 19,4 % en 2005 ; pour l’Amérique du Sud, elles sont situées à 8,05 % en 2005, contre 3,03 % en 1995. En ce qui concerne les exportations destinées aux marchés sud-asiatiques, leur part dans le monde arabe est passée de 9,6 % à 12,2 %, tandis qu’elle augmentait de 4,3 % à 9,1 % en Amérique du Sud.

Cette évolution s’accompagne d’une décroissance de la part du Japon dans les exportations, pour le monde arabe (17,8 % en 1995, contre 12,1 % en 2005) comme en Amérique du Sud (7,3 % en 1995, contre 3,7 % en 2005). Pour ce qui est des importations, la part du Japon se maintient globalement autour de 6-7 % pour le monde arabe, tandis qu’elle a reculé de 2 points pour l’Amérique du Sud (de 4,95 % à 3,11 %).

Par ailleurs, il y a lieu de remarquer que les États-Unis ont gagné quelques points au détriment de l’UE dans le volume des exportations du monde arabe, leur part passant ainsi de 9,6 % à 11,1 %, alors que celle de l’UE chutait de 28 % à 17,8 %. Ce phénomène se vérifie aussi pour l’Amérique du Sud, où la part des États-Unis dans les exportations est passée de 25 % à 31,3 %, alors que celle de l’UE a décliné de 23,6 % à 17,3 %. Pour les importations, l’UE maintient sa part de marché dans le monde arabe, alors qu’elle cède du terrain en Amérique du Sud, aux États-Unis en particulier, puisque les importations sud-américaines provenant de l’UE ont vu leur part baisser de 24,4 % à 18 % entre 1995 et 2005, tandis que les importations en provenance des États-Unis passaient de 25 % à 31,3 %.

Les services

En 2005, les exportations de services dans le monde arabe s’élevaient à 56,6 milliards de dollars, soit 2,31 % des exportations mondiales. Cette part n’était que de 1,31 % en 2001 (39,3 milliards de dollars).

La part de l’Amérique du Sud dans les exportations mondiales de services est passée de 1,7 % en 2001 à 1,6 % en 2005.

Tableau 10. Exportation de services (en millions de dollars US courants)

 20012002200320042005
Amérique du Sud25,924,327,032,339,3
Monde arabe27,533,442,550,956,6
Monde1 494,51 607,81 842,22 210,92 451,9
      
Poids dans le monde     
Amérique du Sud1,7 %1,5 %1,5 %1,5 %1,6 %
Monde arabe1,8 %2,1 %2,3 %2,3 %2,3 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom), Fonds monétaire arabe et nos calculs.

Les exportations de services représentent 12,7 % en moyenne des exportations totales sur la période 2001-2005 dans le monde arabe, contre 12,4 % en Amérique du Sud. Ces parts sont comparables et ce, en dépit d’une libéralisation du secteur des services, semble-t-il, plus accrue en Amérique du Sud que dans le monde arabe (Tableau 11).

Tableau 11. Part des exportations des services dans les exportations totales

 20012002200320042005
Amérique du Sud13,90 %13,10 %12,60 %11,50 %11,10 %
Monde arabe11,60 %13,60 %14,00 %12,80 %11,30 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom), Fonds monétaire arabe et nos calculs.

Les investissements directs étrangers (IDE)

En 2005, les flux d’IDE entrants à destination du monde arabe se sont élevés à 48,7 milliards de dollars, soit 5,1 % du total mondial. La part moyenne du monde arabe sur l’ensemble de la période 1995-2005 n’a été que de 2,1 %. Cette part, qui plafonnait à moins de 1 % en moyenne entre 1990 et 1999, a donc plus que quintuplé depuis : de moins de 5-6 milliards de dollars entre 1995-1999, elle a explosé jusqu’à 48,7 milliards de dollars en 2005. Il faut par ailleurs souligner que le tiers environ (34,7 %) des flux d’IDE entrants dans les pays arabes est originaire d’autres pays arabes (flux IDE intra-arabes), avec un pic en 2005, où elles ont représenté 76,5 % du total.

Tableau 12. Flux entrants des IDE (en millions de dollars US courants)

 1990199520002005
Amérique du Sud5 765,018 652,057 797,044 803,0
Monde arabe1 427,03 038,06 402,048 707,0
Monde201 593,9342 591,71 411 365,8945 795,4
     
Poids dans le monde    
Amérique du Sud2,9 %5,4 %4,1 %4,7 %
Monde arabe0,7 %0,9 %0,5 %5,1 %

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

L’Amérique du Sud a bénéficié en 2005 de flux d’IDE entrants de 44,5 milliards de dollars, soit 3,4 % du total mondial. Toutefois, sur l’ensemble de la période 1995-2005, la part de l’Amérique du Sud dans les flux d’IDE entrant mondiaux représentait 5,7 % (contre 2,1 % seulement pour le monde arabe), avec un pic à 10,1 % en 1997. Sur la durée, l’Amérique du Sud a donc globalement bénéficié d’entrées d’IDE relativement plus importantes, avec toutefois une nette tendance au rattrapage ces dernières années (moyenne des trois dernières années 2004-2006 de 42,3 milliards de dollars pour l’Amérique du Sud, contre 45,5 milliards de dollars pour le monde arabe).

La dimension économique des processus d’intégration dans le monde arabe et l’Amérique du Sud

Comme nous l’avons précisé en introduction, nous procéderons en deux temps dans la comparaison des processus d’intégration à l’œuvre dans le monde arabe et en Amérique du Sud. Nous effectuerons, d’abord, une analyse économique basée sur un certain nombre d’indicateurs pertinents, avant de faire porter, dans un deuxième temps, l’analyse sur la dimension politico-institutionnelle de ces processus d’intégration.

Avant d’aborder l’analyse économique, il n’est pas inutile de recadrer les niveaux différenciés des échanges intérieurs au sein des sous-groupes régionaux. Nous nous pencherons, par la suite, sur les facteurs clés influençant les processus d’intégration, en recourant pour cela aux indicateurs appropriés. Nous traiterons tour à tour les points suivants :

  • Le taux d’ouverture et la libéralisation commerciale
  • La concentration des marchés à l’exportation
  • La complémentarité des échanges
  • Les spécialisations.

Les échanges intra-régionaux

Comme nous l’avons souligné auparavant, les échanges intra-régionaux sont nettement plus élevés en Amérique du Sud que dans le monde arabe.

Le tableau montre ainsi qu’avec une moyenne de 23,5 % sur la période 1995-2005, les échanges intra-régionaux sont 2,6 fois supérieurs en Amérique du Sud que dans le monde arabe (9 %).

Tableau 13. Part du commerce intra-régional dans le commerce mondial par ensemble (en %)

 19951996199719981999200020012002200320042005Moyenne
Mercosur19,5 22,823,219,820,718,013,614,715,315,418,3
CAN12,5 12,413,210,511,112,612,211,312,711,212,0
Amérique du Sud25 26272325242021222223,5
             
UMA3,42,72,72,83,02,62,91,82,62,22,62,7
Agadir0,91,00,70,80,70,70,81,31,11,01,40,9
CCG5,24,85,35,55,74,44,54,84,65,35,25,0
Monde arabe8,68,38,68,88,77,78,59,89,310,010,69,0
     

Source : CEPAL pour l’Amérique du Sud et FMA pour les pays arabes.

Au niveau des sous-groupements régionaux, les écarts sont aussi très substantiels. Le Mercosur, avec une moyenne de 18,3 %, devance la CAN et ses 12 %.

Les pays du CCG affichent un taux de commerce intra-régional de 5 %, un chiffre qui se réduit à 2,7 % dans l’UMA et à 0,9 % pour le groupe d’Agadir !

En termes d’évolution, il se dégage partout une tendance à la baisse.

Dans le Mercosur, comme nous l’avons mentionné précédemment, le commerce intra-régional a été relativement intense (23,2 % en 1998) jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, avant de fléchir nettement entre 1999 et 2003 (seulement 13,6 % en 2002), en raison notamment des crises financières affectant l’Argentine et le Brésil ; depuis, une tendance à la reprise se dessine, mais sans égaler encore les scores obtenus entre 1995 et 1998.

La CAN, en dépit des fluctuations, a maintenu grosso modo le niveau de son commerce intra-régional autour de 12 %.

Pour le monde arabe, les pays du CCG ont globalement conservé leur part de commerce intra-régional autour de 5 %, malgré des variations annuelles. Il en est de même pour le groupe d’Agadir, où les échanges intra-régionaux atteignent un score très modeste, dépassant rarement 1 %.

Quant aux pays de l’UMA, ils ont manifestement connu une dégradation de leurs échanges intra-régionaux : 3,4 % et 3 %, par exemple en 1995 et 1999, contre seulement 2,6 % en 2005.

Taux d’ouverture et libéralisation commerciale

Dans l’optique du « régionalisme ouvert », nombre d’analystes s’accordent pour considérer que les accords de libre-échange au niveau bilatéral ou régional ont des effets d’autant plus probants, en termes d’accroissement des échanges entre les partenaires (échanges intra-groupe), que ces derniers affichent des taux d’ouverture commerciale élevés et connaissent des régimes commerciaux libéralisés, au sens de la réduction, voire de la suppression, des systèmes de protection tarifaire et non tarifaire.

Tableau 14. Taux d’ouverture – Part des exportations hors hydrocarbures dans le PIB

 MercosurCANUMACCGAgadir  
19957,3 %8,9 %9,6 %8,2 %9,75 %  
19967,1 %8,7 %8,9 %6,6 %8,01 %  
19977,5 %8,9 %8,3 %7,9 %7,87 %  
19987,5 %8,5 %10,4 %7,7 %9,16 %  
19998,9 %8,3 %10,8 %6,5 %9,03 %  
20009,3 %8,3 %10,0 %6,2 %8,38 %  
200110,8 %8,2 %10,4 %7,7 %9,36 %  
200214,8 %9,4 %11,8 %7,4 %10,43 %  
200315,8 %10,3 %10,8 %7,9 %11,25 %  
200417,0 %11,2 %10,8 %12,0 %12,02 %  
200515,6 %11,5 %10,1 %13,6 %11,46 %  

L’hypothèse est la suivante : plus les économies partenaires dans un groupement régional sont ouvertes au commerce extérieur et plus elles affichent des régimes commerciaux « libéralisés », plus les échanges intra-régionaux ont de probabilité d’être élevés.

Pour avoir une mesure plus précise de l’ouverture, il est plus intéressant d’éliminer l’effet des exportations d’hydrocarbures et de rapporter les exportations hors hydrocarbures au PIB.

Pour le monde arabe : l’UMA, les pays du CCG et les pays du groupe d’Agadir présentent des taux d’ouverture relativement faibles, qui n’ont que légèrement varié entre 1995 et 2005 (respectivement 10,2 %, 9,7 % et 8,3 % en moyenne sur la période 1995-2005). En Amérique du Sud, en revanche, le Mercosur présente une très rapide ouverture, passant de 7,3 % en 1995 à 15,6 % en 2005, soit un doublement. Pour les pays de la CAN, cette croissance est plus faible : 8,9 % en 1995, contre 11,5 % en 2005 (Tableau 14).

Manifestement, hors combustibles, les pays de l’Amérique du Sud affichent un effort à l’exportation plus soutenu. La vitesse d’insertion dans le commerce mondial, pour utiliser la formulation de la Banque mondiale, est plus élevée dans le Mercosur et, dans une moindre mesure, dans la CAN que dans les sous-groupes régionaux du monde arabe.

Concernant la libéralisation commerciale, nous avons utilisé l’indice de la liberté économique (Economic Freedom Index), qui comprend dix composantes dont la liberté du commerce.

La dimension de libre commerce est basée sur deux composantes :

  • le tarif moyen pondéré
  • les barrières non tarifaires.

L’indicateur varie de 0 à 100, plus le score est élevé, plus le commerce est libre.

En moyenne, sur la période 1995-2005, à l’exception des pays du CCG qui affichent un score élevé de 69,25, tant les pays du groupe Agadir que de l’UMA montrent des niveaux comparativement plus faibles qu’en Amérique du Sud, respectivement 52,78 et 49,73, contre 62,3 et 66,3 pour la CAN et le Mercosur.

Il faut toutefois remarquer qu’au sein des pays du CCG, l’Arabie Saoudite affiche un score relativement bas (57,57 en moyenne sur la période 1995-2007), alors que les EAU jouissent d’un niveau de liberté du commerce beaucoup plus élevé, à 73,25.

Dans les pays de l’UMA et du groupe d’Agadir, la Libye montre un niveau particulièrement bas : 29,6 en 2007. Les autres pays ont progressé dans le sens de la libéralisation commerciale, la Jordanie et la Tunisie se rapprochant des niveaux moyens atteints par les pays d’Amérique du Sud en termes de liberté du commerce. Avec des scores moyens d’environ 50 points, l’Algérie, l’Égypte et le Maroc ont une marge de progression relativement importante.

En prenant le cas des pays arabo-méditerranéens impliqués dans le processus de Barcelone, la moyenne simple des droits de douane appliqué en 2002 ou 2003 ou 2004 s’établissait respectivement à 18,08 % pour l’Algérie, à 19,5 % en Égypte, à 12,53 % en Jordanie, à 4,02 % au Liban, à 27,31 % au Maroc, à 19,48 % en Syrie et à 22,44 % en Tunisie.

Hormis le Liban, qui représente l’économie la plus libéralisée en termes de commerce extérieur, avec un indice de liberté économique atteignant 67,4 en 2007, les autres pays affichent des niveaux élevés de protection douanière, surtout comparativement à la moyenne des pays d’Amérique latine, qui se situait seulement à 10 % environ en 2002-2003.

Il est indéniable que les moindres ouverture et libéralisation commerciales constituent un obstacle à l’intensification des échanges intra-régionaux dans le monde arabe.

Le niveau de concentration

Il est généralement établi, au niveau théorique, que les succès ou échecs relatifs dans les échanges intra-régionaux dépendent, pour une bonne part, de l’étendue de la gamme de produits destinés à l’exportation par les partenaires régionaux. Un profil d’exportations présentant un niveau satisfaisant de diversification constitue, ainsi, un facteur positif favorable.

Au contraire, des exportations hautement concentrées sont de nature à limiter les possibilités d’accroissement des échanges intra-régionaux.

Pour mettre cette hypothèse à l’épreuve des faits, nous avons fait appel à l’indice de concentration utilisé par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Tableau 15. Indice de concentration à l’exportation

 19951996199719981999200020012002200320042005Moyenne
 UMA0,400,400,290,240,340,390,370,360,410,450,410,37
 CCG0,690,690,610,590,610,680,620,620,620,460,420,60
Agadir0,210,210,220,230,210,200,210,200,210,210,200,21
Mercosur0,070,080,080,080,070,080,080,090,090,080,080,08
CAN0,310,370,340,270,350,430,370,430,440,480,530,39

Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom).

En comparant les sous-groupes du monde arabe, à savoir l’UMA, le CCG et Agadir, aux sous-groupes de l’Amérique du Sud, c’est-à-dire la CAN et le Mercosur (Tableau 15), on remarque que le Mercosur a le niveau de concentration le plus faible et, par conséquent, le niveau de diversification le plus élevé : 0,08. Ceci corrobore l’hypothèse théorique, car le Mercosur a le score le plus fort en terme d’échanges intra-régionaux. Les pays du Mercosur, à l’exception du Paraguay, ont des indices de concentration faibles.

Par contre, une comparaison des niveaux de concentration de l’UMA et de la CAN donne des résultats quasi similaires, qui ne rendent pas compte de la très grande faiblesse des échanges à l’intérieur de l’UMA (2,7 %), comparativement aux échanges au sein de la CAN (12 %).

Le haut niveau de concentration dans les pays du CCG peut expliquer pour partie la faiblesse relative des échanges entre CCG, même si ceux-ci sont plus importants qu’au sein de l’UMA.

Pour les pays du groupe d’Agadir, la faible concentration – variant de 0,29 en Égypte à 0,18 en Jordanie et au Maroc, contre 0,21 pour la Tunisie – est de nature à favoriser le commerce intra-régional, pourtant très modeste à l’heure actuelle. Il existe donc un potentiel jusqu’alors inexploité. Dans le cas de l’UMA, soulignons les contrastes entre pays. En effet, face aux scores de la Libye, qui affiche un indice de concentration très élevé (0,79), suivie par la Mauritanie à 0,56 et l’Algérie à 0,54, la Tunisie et le Maroc ont des indices de concentration relativement faibles (d’où des niveaux de diversification plutôt élevés), avec 0,21 et 0,18 respectivement. En définitive, le niveau de concentration moyen (moyenne pondérée) pour l’UMA, qui s’élève à 0,37, est de nature à pousser le commerce intra-régional au-delà de ce qu’il représente aujourd’hui.

Pour les pays d’Amérique du Sud, il faut souligner que le Venezuela (membre de l’OPEP), qui atteint 0,87 en 2005, affiche un niveau de concentration très élevé. Les autres pays de la CAN ont un niveau de concentration variant entre 0,20 et 0,40.

La complémentarité

Au niveau des groupements sous-régionaux

En règle générale, pour donner une vision synthétique (et statique) du potentiel d’intégration complémentaire des pays partenaires dans un groupement régional ou sous-régional, on compare la structure sectorielle des importations d’un partenaire avec la structure sectorielle des exportations d’un autre partenaire. La complémentarité entre les deux partenaires, et par extension leur degré d’intégration, sera d’autant plus élevée que l’offre d’un partenaire sur les marchés internationaux est proche de la demande de l’autre, c’est-à-dire que les exportations du premier coïncident avec les importations du second.

Pour obtenir une mesure de la complémentarité, on a calculé, pour chaque couple de pays n et r, et pour 9 catégories de produits, un indicateur mesurant cette complémentarité à partir de l’indicateur CS défini plus bas. La valeur varie à nouveau entre 0 et 1 ; plus elle s’approche de 0, plus la complémentarité est grande (Tableau 16).

Tableau 16. Indice de complémentarité

 AgadirUMACCGMercosurCAN
19950,270,600,800,430,63
19960,280,590,840,420,63
19970,280,550,800,400,64
19980,270,430,770,390,59
19990,240,560,760,410,62
20000,250,630,840,370,64
20010,220,610,790,370,61
20020,200,600,790,400,61
20030,180,640,800,400,58
20040,170,650,770,420,61
20050,160,680,770,390,66
Moyenne0,230,590,800,400,62
Source : Manuel de statistiques de la CNUCED 2006-2007 (Dvd-Rom) et nos calculs.

Ce qui ressort de ce tableau est d’abord la forte complémentarité potentielle au sein du groupe d’Agadir (0,23 en moyenne sur la période), qui bénéficie d’une évolution positive : 0,27 en 1995 et 0,16 en 2005. Tout paraît indiquer que le niveau actuellement dérisoire des échanges au sein du sous-groupe est « injustifié » au regard du potentiel révélé par l’indice de complémentarité. Le score affiché par le Mercosur montre un niveau de complémentarité plutôt satisfaisant et explique aussi, pour une part, l’intensité relative des échanges au sein du groupe. L’UMA et la CAN montrent des niveaux de complémentarité comparables, ce qui doit nous inciter, une fois encore, à ne pas imputer à ce facteur la faiblesse des échanges au sein de l’UMA. Faut-il rappeler que, pour des niveaux de complémentarité plus ou moins similaires, les échanges au sein de la CAN sont plus de quatre fois élevés qu’au sein de l’UMA ?

Enfin, pour les pays du CCG, la complémentarité est très faible (0,8, valeur proche de 1), ce qui serait de nature à réduire le potentiel des échanges entre les pays du CCG.

Complémentarité au sein des sous-groupes régionaux

— On peut dégager deux groupes au sein de l’UMA :

  1. Partenaires (1 à 1) à complémentarité plutôt élevée :
  2. Maroc – Tunisie : 0,30
  3. Tunisie – Maroc : 0,32
  4. Algérie – Maroc : 0,33
  5. Libye – Maroc : 0,38
  6. Partenaires à complémentarité plutôt moyenne
  7. Libye – Tunisie : 0,43
  8. Algérie – Tunisie : 0,45
  9. Mauritanie – Maroc : 0,48

Les autres cas de configurations partenariales (1 à 1) révèlent des niveaux de complémentarité faible (entre la Libye et l’Algérie, par exemple). En tout état de cause, sur les vingt cas de configuration (2 à 2), huit présentent un potentiel de complémentarité significative.

— Dans le cas du groupe d’Agadir, l’indicateur montre unecomplémentarité plutôt élevée pour l’ensemble des douze configurations, comme pour les couples Égypte – Maroc (0,27), Jordanie – Égypte (0,41), Tunisie – Égypte (0,41) ou Tunisie – Jordanie (0,40).

Tout semble indiquer que le potentiel de complémentarité au sein de ce groupe est relativement significatif.

— Quant au groupe du CCG, à l’inverse du cas précédent, sur les trente configurations possibles, on n’enregistre que deux cas où l’indicateur de complémentarité est inférieur à 0,5 :

  • Bahreïn – EAU : 0,37
  • Bahreïn – Oman : 0,46

D’autre part, Bahreïn – Arabie Saoudite et Bahreïn – Qatar enregistrent respectivement 0,56 et 0,54, soit un niveau de complémentarité à peu près moyen.

Dans tous les cas, ceci indique que le Bahreïn affiche une certaine complémentarité envers ses partenaires à savoir : EAU, Oman, Qatar et Arabie Saoudite.

Les autres pays pris deux à deux montrent des niveaux de complémentarité faibles (l’indicateur est généralement autour de 0,8, proche donc de 1).

Sous cet angle, le potentiel de complémentarité entre les pays du CCG est plutôt faible.

— Dans le cas du Mercosur, à l’exception des couples Argentine – Paraguay (0,79), Brésil – Paraguay (0,76) et Uruguay – Paraguay (0,72), les autres partenaires bilatéraux montrent des niveaux de complémentarité plutôt moyens ou élevés, en particulier pour :

  • Paraguay – Brésil : 0,31
  • Uruguay – Brésil : 0,33
  • Argentine – Brésil : 0,38

Il est manifeste que cette relative complémentarité au sein du Mercosur explique en partie l’intensité des échanges à l’intérieur du sous-groupe.

— En ce qui concerne la CAN, au contraire du Mercosur, quatre cas de configurations partenariales bilatérales sur vingt affichent des niveaux de complémentarité plutôt moyens :

  • Pérou – Colombie : 0,37
  • Équateur – Colombie : 0,47
  • Bolivie – Colombie : 0,48
  • Venezuela – Colombie : 0,49

La Colombie présente pour ses quatre partenaires un niveau de complémentarité acceptable, ce qui signifie que la structure des exportations colombiennes se rapproche plus ou moins de la structure des importations de ses partenaires. Globalement, cependant, les partenaires de la CAN ont des niveaux de complémentarité plutôt faibles.

Une comparaison entre la CAN et l’UMA fait encore apparaître que, malgré un potentiel de complémentarité plus élevé pour les partenaires de l’UMA, le commerce au sein de l’UMA est quatre fois moins important qu’au sein de la CAN.

Les spécialisations

Les avantages comparatifs révélés (ACR)

Par sous groupes régionaux

— L’UMA dispose globalement de deux ACR dans :

–     Les combustibles : 6,9 (63 % des exportations)

–     Les fibres, articles d’habillement : 2 (13 % des exportations)

— Le groupe d’Agadir présente une structure de spécialisation plus diversifiée (7 catégories de produits sur 10), couvrant :

  • Les produits alimentaires : 1,9 (15 % des exportations)
  • Les matières premières d’origine végétale : 1,2 (2 % des exportations)
  • Les minéraux et les métaux : 2,4 (7 % des exportations)
  • Les combustibles : 1,4 (13 % des exportations)
  • Les produits chimiques : 1,2 (12 % des exportations)
  • Les articles manufacturés : 1,5 (39 % des exportations)
  • Les fibres, fils, tissus, textiles, habillement : 4,7 % (39 % des exportations)

— Les pays du CCG, en revanche, ne présentent qu’un seul ACR élevé, relatif aux :

  • Combustibles : 9,1 (82 % des exportations)

— En ce qui concerne les pays d’Amérique du Sud, le Mercosur présente une structure de spécialisation relativement diversifiée dans cinq grandes catégories de produits :

  • Les produits alimentaires : 4,5 (35 % des exportations)
  • Les matières d’origine végétale : 2 (4 % des exportations)
  • Les minéraux et métaux : 2,4 (7 % des exportations)
  • Les métaux non ferreux : 1,2 (2 % des exportations)
  • Fer et acier : 2,2 (6 % des exportations)

— La CAN affiche cinq ACR représentant 84 % de ses exportations, notamment dans :

  • Les produits alimentaires : 1,9 (15 % des exportations)
  • Les matières premières d’origine végétale : 1,1 (2 % des exportations)
  • Les minéraux et métaux : 2,6 (8 % des exportations)
  • Les combustibles : 5,9 (54 % des exportations)
  • Les métaux non ferreux : 2,5 (5 % des exportations)

Les spécialisations révélées par les ACR corroborent ce qui a été établi en termes de complémentarité entre les partenaires au sein de chaque sous-groupe.

Il paraît évident que le Mercosur présente une structure de spécialisation relativement diversifiée, même si l’on observe une certaine similarité entre les pays sur les produits pour lesquels ils disposent d’ACR. Exemple : l’Argentine et le Brésil affichent des ACR dans trois catégories de produits similaires : produits alimentaires, matières premières d’origine végétale, fer et acier. Mais, comme nous l’avons vu, la complémentarité entre eux est plutôt bonne.

Pour le groupe d’Agadir, le potentiel d’échanges intra-groupe est réel et la structure des ACR est aussi relativement diversifiée. Ce n’est pas la similarité relative des catégories de produits pour lesquels les pays partenaires ont un ACR qui est de nature à induire le potentiel d’échanges au sein du groupe, mais plutôt la relative diversification de ces ACR (Mercosur et groupe d’Agadir).

Les difficultés de l’UMA relèvent en partie du fait que l’Algérie, la Libye et, dans une certaine mesure, la Mauritanie ont des ACR concentrés sur une, voire deux grandes catégories de produits. Toutefois, comme nous l’avons vu, le potentiel de complémentarité existe entre un certain nombre de pays de l’UMA.

Tableau récapitulatif

Dans le tableau ci-dessous, nous avons consigné les principaux résultats :

 UMAAgadirCCGMercosurCAN
Commerce intra-groupeFaibleTrès faiblePlutôt faiblePlutôt élevéPlutôt moyen
Taux d’ouverturePlutôt faible et sans variations significativesEncore plutôt faible, mais en légère hausseEncore plutôt faible, mais en légère hausseEn nette hausse  En légère hausse  
Libéralisation commercialeEn comparaison plutôt faibleEn comparaison plutôt faibleEn comparaison la plus élevéePlutôt élevéePlutôt élevée
ConcentrationPlutôt faibleFaibleElevéeTrès faiblePlutôt faible
ComplémentaritéPlutôt faibleÉlevéeTrès faiblePlutôt élevéeFaible
Spécialisation2 ACR ; 76 % des exportations7 ACR sur les 10 produits1 ACR ; 82 % des exportations5 ACR sur 10 produits ; 53 % des exportations5 ACR sur 10 produits dont « Combustibles », 54 % des exportations

La dimension politico-institutionnelle des processus d’intégration dans le monde arabe et en Amérique du Sud

Comme nous l’avons précisé en introduction, les pays d’Amérique du Sud connaissant ces dernières années une dynamique d’intégration qui s’accompagne d’une volonté politique réaffirmée à maintes occasions. Le « rêve bolivarien » serait-il en phase de se concrétiser ?

À la base de cette dynamique se trouve une plus grande convergence politique en termes à la fois de transition démocratique (élections, pluralisme, pratique respectée de l’alternance ; inscription d’une clause démocratique dans les accords sous-régionaux) et de tendance ou couleur politique.

La grande majorité des gouvernements sont plutôt de gauche ou de centre gauche et font preuve d’une sensibilité certaine à l’égard des questions sociales, tout en se montrant réticents et critiques, à des degrés divers, envers les recettes néolibérales.

En dépit des divergences et des difficultés existantes, on assiste à un rapprochement entre le Mercosur et la CAN, qui pourrait déboucher sur la constitution d’une Communauté sud-américaine des nations (CSN).

Dans le monde arabe, les choses évoluent difficilement. L’UMA est en panne, malgré le projet, rendu public récemment, d’une Banque maghrébine pour l’investissement et le commerce extérieur, en cours de gestation.

Un projet de création d’une zone de libre-échange de l’UMA est également en cours d’élaboration. Il n’en demeure pas moins que le retard accumulé et la faiblesse des échanges au sein de l’UMA doivent être questionnés.

Parallèlement, dans le sillage à la fois du partenariat euroméditerranéen et de la GZALE, s’est constitué le groupe d’Agadir avec l’entrée en application de l’accord constituant la zone de libre-échange entre les quatre partenaires concernés (Égypte, Jordanie, Maroc, Tunisie) en mars 2007. Bien que tout récent, cet accord semble, toutefois, promis à un bel avenir au vu de tout un faisceau de facteurs.

Par ailleurs, la GZALE, instituée en 1997, est devenue effective le 1er janvier 2005. Là encore, il s’agit d’un événement relativement récent. Pourquoi ce processus a-t-il achoppé jusqu’alors et quelles sont les perspectives pour une telle zone ?

L’exemple de l’Amérique du Sud pourrait permettre de répondre à une partie des questions qui se posent à propos du monde arabe. Non pas que les expériences d’intégration en Amérique du Sud soient exemptes de faiblesses et de blocages, mais leur épaisseur historique et l’élan qui semble aujourd’hui le leur sont de nature à nous donner des éléments de réponse à l’inertie qui a caractérisé jusqu’alors ces processus d’intégration dans le monde arabe, en nous permettant de préfigurer les orientations nécessaires à l’avancée et au succès des processus d’intégration en cours.

Le moment est venu de passer, tout d’abord, à un examen plus détaillé de chacun de ces groupements régionaux ou sous-régionaux, et notamment de leurs principales caractéristiques juridiques et institutionnelles. Nous procéderons ensuite à une comparaison de ces différentes organisations, afin de dégager les différences susceptibles de nous instruire sur les futures orientations à privilégier.

Présentation des groupements régionaux

La GZALE

La GZALE, dont nous avons étudié plus haut l’historique, est une zone de libre-échange (ZLE) circonscrite aux biens industriels et agricoles, d’où sont exclus les produits provenant des zones franches, comme nous le verrons par la suite et comme le montre le tableau récapitulatif. Des exemptions et des mesures de sauvegarde sont prévues. Le point de litige concerne les règles d’origine où est appliquée jusqu’alors la règle de 40 % de la valeur ajoutée. Comme nous le décrivons ci-dessous, des négociations sont en cours tenant compte des structures productives des partenaires et du système de cumul pan-euromed. Des engagements sont pris pour l’élimination des barrières non tarifaires (BNT), pour la coopération dans les autres disciplines commerciales (services, investissements, droits de propriété intellectuelle) et pour une coordination concernant les systèmes réglementaires et les régimes commerciaux.

Le tableau ci-dessous synthétise les principales caractéristiques du cadre institutionnel de la GZALE. Nous y reviendrons ultérieurement dans l’analyse comparative.

DomaineInstitutions de la GZALE
Pouvoir exécutifConseil économique et social de la Ligue arabeCommission pour le suivi, l’exécution et le règlement des différents Commission des régimes commerciaux (négociation sur les BNT)Commission des règles d’origineSecrétariat technique : direction des affaires économiques et sociales de la Ligue arabePoints focaux de liaison dans les ministères du commerce extérieur
Pouvoir législatifAucune structure
Pouvoir judiciairePas d’instance juridique particulièreCommission pour le suivi, l’exécution et le règlement des différents
Consultatif/socialMilieux professionnels, observateurs au sein de la Commission pour le suivi, l’exécution et le règlement des différents
FinancierAucune structure                                   –

L’Accord d’Agadir

Initiative de l’UE regroupant l’Égypte, le Maroc, la Tunisie et la Jordanie, comme nous l’avons vu, l’accord d’Agadir pour la constitution d’une zone de libre-échange entre les quatre pays susmentionnés est en phase avec la GZALE, qu’il s’agisse des thèmes couverts, du démantèlement tarifaire, de l’engagement pour l’élimination des BNT, des mesures de sauvegarde ou de l’engagement pour la coopération dans les autres disciplines commerciales. La différence notoire concerne les règles d’origine, où le système pan-euromed sera appliqué dans le cas du groupe d’Agadir.

La zone pan-euroméditerranéenne de cumul de l’origine est constituée des vingt-sept pays de l’UE, des pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) – l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse –, des îles Féroé, de la Turquie et des pays partenaires méditerranéens (PPM), à savoir l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, les Territoires palestiniens et la Tunisie.

Le cumul pan-euromed s’applique dorénavant aux échanges entre les quatre partenaires de l’Accord d’Agadir et entre ceux-ci et les vingt-sept pays membres de l’UE.

Cette perspective est très prometteuse, d’autant plus que nous avons montré l’existence d’un potentiel significatif pour les échanges entre les partenaires de l’Accord d’Agadir.

Le tableau suivant présente les principales caractéristiques de l’Accord en matière de cadre institutionnel.

DomaineInstitutions du groupe d’Agadir
Pouvoir exécutifCommission des affaires étrangères (ministres des affaires étrangères)Commission commerciale (ministres du commerce extérieur)Commission technique de suivi Unité technique (Amman depuis mars 2007)
Pouvoir législatifAucune structure
Pouvoir judiciairePas d’instance particulière pour le règlement des différents : concertation ou, à défaut, arbitrage de la commission commerciale ou, à défaut, désignation d’une commission d’arbitrage.Les décisions sont exécutoires
Consultatif/socialMilieux professionnels
FinancierRèglement des transactions en devises convertiblesAppui financier de l’Union européenne pour l’unité technique  

L’UMA

Le projet d’accord de l’UMA, que nous avons décrit précédemment, présente peu de différences avec ceux d’Agadir ou de la GZALE, sauf sur les points suivants :

  • seuls les produits industriels sont concernés ;
  • le démantèlement tarifaire est décliné en trois listes (effets immédiat, à moyen terme, à long terme) ;
  • les règles d’origine doivent faire l’objet de négociations ;
  • les partenaires s’engagent sans le sens d’une libéralisation effective des marchés publics et d’une suppression progressive des monopoles publics.

Pour le cadre institutionnel, nous nous rapporterons au tableau suivant :

DomaineInstitutions de l’UMA (projet de ZLE)
Pouvoir exécutifConseil ministériel des chargés du commerceCommission technique chargé du suivi et de l’exécution
Pouvoir législatifAucune structure
Pouvoir judiciairePas d’instance juridique particulièrePour le règlement des différents : concertation ou, à défaut, recours à arbitrage régional ou international
FinancierCréation en cours dans le cadre de l’UMA de la Banque maghrébine pour l’investissement et le commerce extérieur

Le Mercosur

Le processus d’intégration qui a mené à la création du Marché commun du Sud (Mercosur en espagnol, Mercosul en portugais) est le résultat des négociations initiales entre le Brésil et l’Argentine visant une plus grande coopération politique et économique. Le défi était énorme en raison de l’absence d’échanges économiques significatifs. Le fait que le Mercosur soit devenu, en très peu de temps, le plus important bloc économique d’Amérique latine est imputable à l’important effort politique consenti et à l’élaboration d’un calendrier de libéralisation fort ambitieux. En effet, l’accord fondateur du Mercosur, le traité d’Asunción, fixait l’objectif de créer une zone de libre-échange devant conduire à une union douanière en quatre ans. L’échéance venue, les quatre pays membres devaient adopter un tarif extérieur commun qui, au départ, n’impliquerait pas l’ensemble des produits, certains faisant partie d’une liste d’exceptions. L’intégration économique visait aussi, au-delà de la libéralisation du commerce des biens et services, la libre circulation des facteurs de production, l’harmonisation des normes juridiques et institutionnelles, ainsi que la coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles.

Au tournant du millénaire, les crises financières internationales ont affecté les pays de la région. Cela a contribué à accentuer les divergences entre les quatre partenaires commerciaux. Entre 1999 à 2002, la crise du Mercosur a atteint son paroxysme. Le processus d’intégration a alors été suspendu. Cependant, les démarches des gouvernements en place depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Luis Ignàcio Lula Da Silva au Brésil en 2003 pourront peut-être redresser la situation.

Récemment, le Venezuela a entamé son processus d’adhésion en décembre 2005. Plusieurs pays ont le statut de « pays associés » : la Bolivie et le Chili depuis 1996, le Pérou depuis 2003, le Colombie et l’Équateur depuis 2004 (Source : Observatoire des Amériques).

Le Mercosur connaît à la fois un processus de renforcement par l’association de nouveaux membres et par le rapprochement avec la CAN, mais aussi des difficultés nées d’abord de la forte asymétrie entre le Brésil et l’Argentine, d’un côté, et l’Uruguay et le Paraguay, de l’autre. Ces derniers représentent 3,9 % seulement de la population du Mercosur et 2,5 % du PIB du groupe. D’une manière générale, ces deux pays ne bénéficient pas de traitement différencié, toutefois la récente instauration d’un fonds de convergence structurel estsusceptible d’amorcer une solidarité active devant conduire à long terme à la réduction des écarts. Sur ce dernier point, il faut rappeler qu’en prenant l’Argentine (le pays plus riche en termes de PIB par tête en PPA) à l’indice 100, le Paraguay est passé de 53 % à 36 % entre 1995 et 2005, tandis que l’Uruguay voyait également son indice baisses de 80 % à 70 %, signe d’un creusement des disparités au sein du groupe. Cette asymétrie croissante est un défi majeur pour le Mercosur. À défaut d’une certaine convergence, les forces centrifuges favorables aux accords de libre-échange (ALE) avec les États-Unis pourraient déstabiliser le groupe.

De plus, l’instabilité macroéconomique et les crises financières de la fin des années quatre-vingt-dix en Argentine et au Brésil n’ont pas manqué de conduire au repli protectionniste et à la baisse des échanges au sein du groupe.

Le Mercosur est une union douanière, qui concerne 90 % des produits importés, qui a également instauré la libre circulation des facteurs de production (capital et travail).

Sur le plan institutionnel, le Mercosur se prévaut de structures relativement étoffées ayant l’Union européenne comme modèle de référence (Source : Álvaro Artigas).

DomaineInstitutions du Mercosur
Pouvoir exécutifConseil du marché commun (CMC)Commission des représentants permanents du Mercosur (CRPM)Forum de consultation et de concertation politique (FCCP)Groupe du marché commun (GMC)Commission du commerce du Mercosur (CCM)Secrétariat du Mercosur (SM)
Pouvoir législatifCommission parlementaire conjointe (CPC)Parlement du Sud (phase d’application) – rôle consultatif
Pouvoir judiciaireTribunal permanent des révisions du Mercosur (TPR)Tribunal administratif et du travail du Mercosur (TAL)
Consultatif/socialForum consultatif économique et social (FCES)
FinancierBanque de développement régional en cours, jusqu’alors mixte, pas de budget d’intégration pouvant agir comme levier financier  

La CAN

La Communauté andine, fondée sous l’appellation de Pacte andin en 1969 sur les bases de l’accord de Carthagène, se composait, jusqu’en 2005, de la Bolivie, de la Colombie, de l’Équateur, du Pérou et du Venezuela.

Le Pacte andin a été un des projets d’intégration les plus ambitieux d’Amérique latine, mais aussi un de ceux qui a rencontré le plus de difficultés dans la réalisation de ses objectifs. Actuellement, il consiste en une union douanière imparfaite entre la Colombie, l’Équateur et le Pérou (depuis juillet 1997), la Bolivie bénéficiant de conditions spéciales. Les pays membres en sont actuellement à réformer le Tarif extérieur commun afin d’accélérer le processus d’intégration vers la mise en place d’un marché commun. Il est régi par le traité de Carthagène et ses protocoles modificateurs.

Le processus d’intégration a été relancé au début des années quatre-vingt-dix. Toutefois, la CAN a connu une grave crise au début de l’année 2006 avec la sortie annoncée du Venezuela, du fait de la ratification par la Colombie et le Pérou d’un traité de libre-échange avec les États-Unis (Source : Observatoire des Amériques).

Ce dernier épisode est intéressant à analyser, même brièvement, car il soulève l’épineux problème de la compatibilité entre les processus d’intégration Sud-Sud et les ALE Nord-Sud.

Il faut rappeler que la CAN bénéficie jusqu’alors d’un traitement préférentiel de la part des États-Unis dans le cadre de l’Accord commercial préférentiel andin d’éradication de la drogue (Andean Trade Preferential Drug Eradication Act, ATPDEA). L’ATPDEA est un accord qui permet aux pays andins – sauf le Venezuela – d’exporter certains produits aux États-Unis, avec des droits de douane réduits à zéro comme compensation pour l’éradication de la coca. Cet accord, qui date de 2002, est la suite de l’Andean Trade Preferential Act (ATPA), signé en 1990. L’ATPDEA affirme de manière plus forte la composante sécuritaire et militaire, toujours en échange de dispositions commerciales préférentielles. Les États-Unis l’utilisent pour faire pression sur les pays andins dans les négociations sur un traité de libre-échange.

En effet, dans le cadre de leur stratégie commerciale globale, les États-Unis recourent de plus en plus aux ALE bilatéraux pour obtenir OMC+. C’est le cas pour la Colombie et le Pérou. Pour l’Équateur, les négociations ont été suspendues par les États-Unis, car le nouveau gouvernement équatorien a voulu reprendre le contrôle de ses ressources naturelles d’hydrocarbures. L’incapacité de la CAN à négocier d’une manière groupée, comme cherche à l’obtenir le Mercosur, est de nature à conduire à l’éclatement du groupe. Des études en Amérique du Sud ont montré que les ALE avec les États-Unis conduiraient à une perte estimée à 56 % du commerce intérieur à la CAN (64 % si l’on inclut le pétrole). Les ALE avec les États-Unis stipulent de ne pas accorder aux autres partenaires ce qui n’est pas accordé aux États-Unis… ce qui conduit à changer les règles de la CAN. De plus, pour le règlement des différends, le tribunal de justice de la CAN devra disparaître au profit de mécanismes ajustés à la juridiction américaine. Le risque d’éclatement de la CAN serait fortement préjudiciable pour l’Amérique du Sud, car l’acquis en terme d’arrangements institutionnels au niveau du groupe n’est pas négligeable (Source : Álvaro Artigas).

DomaineInstitutions de la CAN
ExécutifConseil présidentiel andinConseil andin des ministres des relations extérieuresCommission de la Communauté andineSecrétariat général de la Communauté andine
LégislatifParlement andin (conseil)
JudiciaireCour de justice de la Communauté andine
Consultatif/socialConseil consultatif des entrepreneurs andinsConseil consultatif du travail andin
FinancierCorporation andine de développement (CAF)Fonds latino-américain des réserves (FLAR)
ÉducationUniversité andine Simon Bolivar

Au terme de cette présentation des différents sous-groupes, nous allons à présent procéder à une analyse comparative des processus d’intégration sous les angles suivants, que nous avons empruntés à l’étude d’Álvaro Artigas « L’Union fait la force : L’intégration régionale et commerciale en Amérique du Sud » :

  • Couverture thématique
  • Commerce de biens
  • Règles d’origine
  • Référentiel de la politique économique et commerciale
  • Modèle d’intégration

Le processus d’intégration en amérique du Sud et dans le monde arabe

 Amérique du SudMonde arabe
Couverture thématiqueBiens, services, investissements, propriété intellectuelle, arbitrage des controverses, barrières non tarifairesBiens industriels et agricoles exclusivement (GZALE et Agadir, encore exclus du projet de ZLE de l’UMA)
Commerce de biensListe négative de démantèlement tarifaire et programme de réduction automatique, exceptions limitées. Normalement moins de 10 % des échanges– Démantèlement tarifaire effectif – Engagement de levée des barrières non tarifaires – Exemptions et mesures de sauvegarde
Règles d’origineRègles complexes et spécifiques pour certaines catégories de produits– Cumul pan-euromed (Agadir) – 40 % valeur ajoutée (UMA, GZALE) – En cours de renégociation au sein de la GZALE
Référentiel de la politique économique et commercialeStratégie de développement tournée vers l’extérieur, protection tarifaire réduite et structure différentiée avec une moindre dispersionStratégie plus ou moins tournée vers l’extérieur. Persistance forte de la protection tarifaire et des BNT
Modèle d’intégrationAccords de libre-échange évoluant vers des unions douanières incomplètesAccords de libre-échange incomplets

Source : Álvaro Artigas « L’Union fait la force : L’intégration régionale et commerciale en Amérique du Sud ».

Il ressort nettement que les processus sont plus avancés en Amérique du Sud que dans le monde arabe tant en ce qui concerne la couverture thématique que par la nature et la portée des démantèlements.

Globalement, alors que l’Amérique du Sud évolue non sans difficultés vers des unions douanières (encore incomplètes), le monde arabe en est au stade des ZLE incomplètes, ne couvrant que les biens industriels et éventuellement agricoles, excluant les services et les autres disciplines commerciales relatives à la propriété intellectuelle, aux investissements, etc.

Les niveaux de protection tarifaire et non tarifaire sont plus bas en Amérique du Sud. Dans le monde arabe, les BNT constituent encore et toujours une des pierres d’achoppement aux échanges intra-régionaux.

Les processus politiques et les arrangements institutionnels dans une perspective comparative

La dimension politique

La donnée politique mérite une investigation préliminaire. Ce qui paraît notamment différencier les deux ensembles concerne justement cette dimension politique.

Si nous recourons, à titre purement illustratif, à l’indice de gouvernance tel qu’il a été établi par la Banque mondiale sous l’intitulé « Voix et responsabilité », dont le score normalisé varie de 0 à 100, on obtient pour l’année 2006 :

–      UMA : 28,2

–      Groupe d’Agadir : 32,6

–      Ensemble des pays arabes : 28,6

–      CAN : 45

–      Mercosur : 56,1

–      Ensemble Amérique du Sud : 52,2

D’un groupe à l’autre, les scores varient du simple au double. Le déficit démocratique, malgré quelques progrès ça et là, hypothèque pour une part non négligeable le cours des processus d’intégration dans le monde arabe.

En Amérique du Sud, la transition démocratique a permis l’émergence et le renforcement des sociétés civiles qui pèsent aujourd’hui de tout leurs poids pour infléchir les processus d’intégration régionaux vers des orientations « sociales », voire « antilibérales ».

La dimension institutionnelle

La lecture des tableaux sur les structures institutionnelles fait apparaître des différences notables. Les processus d’intégration en Amérique du Sud, en dépit des difficultés qu’ils rencontrent, ont permis la mise en place d’institutions plus nombreuses, en particulier :

– Au niveau de l’exécutif : les chefs d’États sont impliqués au sommet de la pyramide ;

– Au niveau législatif : les parlements (émanation des parlements nationaux) sont également présents. Certes, ils se sont limités jusqu’alors à un rôle consultatif, mais il est question d’élections directes au suffrage universel, ce qui constituera un pas décisif dans le sens de la supranationalité.

– En matière de consultation : les sociétés civiles sont impliquées.

– Au niveau financier : des institutions financières sont mises en place ou en cours de création.

Ces différences notoires témoignent du fossé institutionnel qu’il reste à combler dans le monde arabe pour accélérer les processus d’intégration.

En résumé, on observe donc, sur le plan politique et institutionnel, que les groupements sous-régionaux en Amérique du Sud connaissent d’abord une convergence démocratique permettant l’éclosion des sociétés civiles. Ces dernières sont associées à des degrés divers aux processus d’intégration, et ne manquent pas d’exercer un effet de pression pour faire passer l’agenda social en priorité. Cette convergence politique a, de plus, permis la réaffirmation de la volonté politique des dirigeants pour aller de l’avant dans la construction régionale. Par ailleurs, l’ancrage institutionnel est plus affirmé en Amérique du Sud. Si certaines fragilités persistent, le supranational marque des points autour de différentes tentatives en cours de consolidation.

En guise de conclusion / Pistes de recherche pour le futur

Cette étude a une portée limitée ; l’ampleur de l’investigation à mener nécessite la mise en œuvre de plusieurs travaux s’inscrivant dans une perspective comparative. La liste des thèmes à étudier est dressée à titre indicatif :

– Analyse juridique comparative des accords d’intégration

– Analyse comparative exhaustive des structures et arrangements institutionnels

– Analyse économique comparée portant sur les règles d’origine, l’échange des produits agricoles, les services, ainsi que sur les autres disciplines commerciales (investissement, droit de propriété intellectuelle).

– Analyse des effets des ALE Nord-Sud sur les processus d’intégration Sud-Sud

– Analyse des perspectives de coopération entre le monde arabe et l’Amérique du Sud.