Conscients de l’importance de la Conférence Paris Climat 2015, qui aura lieu cette année pour réviser les protocoles de Kyoto, nous sommes ravis d’avoir reçu cet article de l’expert dans le domaine du changement climatique, Alfredo Pena-Vega, qui explique qu’actuellement, le message des scientifiques ne laisse aucun doute sur le réchauffement du système climatique dans le monde. Au cours des dernières années, le thème de l’adaptation est progressivement devenu une question cruciale dans les négociations internationales consacrées au climat. Au regard de l’ampleur du défi climatique et des caractéristiques spécifiques des territoires, il existe un réel besoin d’une stratégie d’adaptabilité, liée à l’incertitude inhérente au processus climatique. Il s’établit, donc, un jeu complexe entre ces deux concepts, l’adaptation et l’incertitude, qui va déterminer l’avenir de l’être humain dans son rapport avec la nature.
Où est le tout ? La réponse ne peut qu’être ambigüe, multiple et incertaine [1]
Le paléontologue Yves Coppens dans son dernier ouvrage2, affirme l’importance du climat et de l’adaptation pour notre vie quotidienne et pour nos activités sociales et économiques, ce qui expliquerait l’intérêt que nous lui portons. Plus fondamentalement, selon lui, ce sont l’émergence de l’espèce humaine et, par la suite, son évolution qui ont été modifiées par le climat.
Le changement climatique se caractérise par le fait qu’il est à la fois inéluctable et incertain. Les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) s’accordent à reconnaître que le réchauffement du système climatique est sans équivoque, autrement dit, le message des scientifiques ne laisse plus de place au doute quant au sens de ces évolutions, même s’il existe encore beaucoup d’incertitudes sur leur ampleur. Ainsi, des changements profonds sont désormais inéluctables, quels que soient les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui pourront être déployés, du fait de l’inertie du système climatique3. Mais qu’en est-il hors de la sphère scientifique ? Alors que chaque événement inhabituel vient nous rappeler que le dérèglement est déjà en cours et que ses effets commencent à se manifester, assiste-t-on à l’émergence d’une prise de conscience de la perception de ce phénomène?
Nous savons désormais que « l’incertitude inhérente aux projections climatiques, ainsi que l’éventail des modèles de projection climatique, ne permettent pas de donner de valeur “unique” quant à l’évolution du climat à un horizon temporel donné. Les fourchettes de valeur produites restent souvent trop larges pour asseoir certains dimensionnements techniques. Aussi, la puissance publique produira des scénarios climatiques de référence “simplifiés” afin de répondre aux demandes nées lors de la concertation4. »
Au cours de ces dernières années, le thème de l’adaptation est progressivement devenu une question cruciale dans les négociations internationales consacrées au climat. Ainsi, à l’issue d’une première décennie d’actions, l’Accord de Cancun place l’adaptation dans une nouvelle perspective, promouvant des approches nationales adossées aux résultats obtenus à l’issue des Programmes d’Action nationaux d’Adaptation. L’adaptation gagne en maturité, comme l’illustrent l’ensemble des travaux et publications qui soulignent la nécessité d’une prise de conscience collective en faveur de l’adaptabilité, préalable à l’élaboration de choix politiques, de plan d’actions et de mesures spécifiques aux différentes catégories d’acteurs concernés par les conséquences du changement climatique (élus, chambres consulaires, services déconcentrés de l’État, professionnels des mondes agricole et industriel).
Au regard de l’ampleur du défi climatique et des caractéristiques spécifiques des territoires multiples, il apparaît clairement qu’il existe un réel besoin d’une stratégie régionale, territoriale d’adaptabilité. Celle-ci se justifie en particulier par le fait que « l’adaptation d’un territoire au changement climatique est devenue également un enjeu majeur qui appelle une mobilisation nationale. Cette adaptation doit être envisagée comme un complément désormais indispensable aux actions d’atténuation déjà engagées5. »
À l’origine de cet article, se trouvent des interrogations sur la nature de l’adaptation et l’incertitude. Et ce constat double : l’idée d’adaptation a un sens riche, dans la mesure où elle nous oriente vers la souplesse et la plasticité organisationnelle de la vie, c’est-à-dire son aptitude à répondre aux défis, contraintes, manques, difficultés, périls, hasards extérieurs. C’est dans ce sens qu’il est intéressant d’interroger la notion d’adaptation. Quant aux incertitudes, elles en sont les stimulants : elles stimulent l’attention, la vigilance, la curiosité, l’inquiétude qui, elles-mêmes, stimulent l’échafaudage de stratégie cognitives, c’est-à-dire des modes de connaissance à travers l’incertain, le flou, l’aléa, le hasard. « C’est bien l’incertitude et l’ambigüité, non la certitude et l’univocité qui favorisent le développement de l’intelligence. »6
Entre incertitudes et adaptation : un jeu complexe
Selon Paul W. Glimcher7 nous devons, en effet, intégrer l’incertitude dans notre stratégie cognitive en la modélisant, en la connectant à nos connaissances croissantes, ce qu’induira, selon l’auteur au surgissement des « nouveaux modèles neuraux de l’incertitude ». En effet, de les faire surgir de notre monde réel comme objets théoriques non identifiés, comme concepts originaux, comme attracteur étrangers – ce qu’ils sont déjà dans le microcosme scientifique, qu’ils ont révolutionné, mais aussi dans notre macrocosme, dans notre univers dit réel et dans le temps linéaire, qu’ils sont en train de bouleverser de la même façon sans que nous en ayons vraiment connaissance.
Nous savons désormais que « l’incertitude inhérente aux projections climatiques, ainsi que l’éventail des modèles de projection climatique, ne permettent pas de donner de valeur « unique » quant à l’évolution du climat à un horizon temporel donné. Les fourchettes de valeur produites restent souvent trop larges pour asseoir certains dimensionnements techniques. Aussi, la puissance publique produira des scénarios climatiques de référence « simplifiés » afin de répondre aux demandes nées lors de la concertation8. »
Les études scientifiques sur l’adaptation au changement climatique et les incertitudes dans différents domaines : urbain, agricole, forestier et des écosystèmes anthropisés sont encore peu nombreuses en France et se sont surtout centrées sur quelques grandes filières de production9. Cette littérature a permis principalement de construire une vision prospective sur les connaissances à produire et à mobiliser pour pouvoir s’adapter au changement climatique et à une variabilité accrue du climat, tant en France que dans d’autres régions du monde. En revanche, peu d’études ont été réalisées dans le champ des sciences sociales et humaines. Plus rares encore sont celles qui abordent les questions des incertitudes à l’adaptabilité au changement climatique à travers les questions du monde vécu (phénoménologique) dans le monde méditerranéen agricole et urbain.
Nous considérons qu’il est nécessaire d’observer, de diagnostiquer, et de modéliser les trajectoires couplées des analyses transversales des écosystèmes et des sociétés humaines sous l’influence du changement climatique dans le domaine de l’adaptation et/ou de la non-adaptation. Ces types de travaux pourraient permettre d’identifier cinq types d’actions à prendre en compte pour favoriser l’adaptation :
- comprendre les incertitudes (et non les réduire) relatives aux impacts du changement climatique et la vulnérabilité ;
- favoriser l’« endurance » des écosystèmes (naturel et humain) agricole et urbain à la variabilité de l’adaptation,
- proposer des modes d’adaptation des territoires et des ressources naturelles ;
- la compréhension des interactions entre dynamique locale, dynamique environnementale, représentations et perceptions sociales aux modifications du climat et les stratégies d’actions proposées par les acteurs ;
- des thèmes encore peu étudiés comme l’adaptation de la population aux incertitudes socio-culturelles.
La « dialogique » de la nature
Si l’on s’accorde à considérer l’adaptation comme l’« ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques ou à leurs effets, afin d’atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des opportunités bénéfiques ». Ou, comme l’affirme le dernier rapport du GIEC (2014), « dans les systèmes humains, il s’agit d’atténuer ou d’éviter les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Dans certains systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendu ainsi qu’à ses conséquences ».
Les questions que l’on pourrait se poser sont : comment la capacité à l’adaptabilité peut-elle se traduire sur un territoire dans sa diversité, et soumis à des conditions environnementales multiples, et comment expliquer les changements que la société devra subir comme une conséquence des réorganisations successives des modes d’adaptation au milieu sous l’effet du changement climatique ? Comment comprendre les mécanismes d’adaptation ou de non-adaptation à l’œuvre sur un territoire où se juxtaposent plusieurs dialogiques en termes de savoir-faire : agricole (irrigation, élevage), viticole et urbain ? Existerait-il dans ces logiques, différents cas de figure d’adaptabilité, selon que les contraintes sont de types économiques, environnementales, culturelles, politiques, urbaines, etc., spécifiques à une situation locale ? Par exemple, y aurait-il une adaptabilité active, c’est-à-dire une gestion de crise comme modèle à minima ; l’exemple-type est le plan d’action adopté après la tempête Xynthia10. Ou assisterons-nous à une construction sociale d’une adaptabilité anticipative, correspondant à un idéal de moyens d’actions où les acteurs affrontent l’enjeu climatique et ses conséquences socio-économiques par une mise en œuvre d’une symbiose entre connaissances scientifiques et savoir-faire ancestraux ? Enfin, pourrions-nous envisager une adaptabilité « spontanée » des acteurs, en particulier par une prise de conscience forte et par une mobilisation sociale d’envergure ; ce qui est également envisageable.
Ces différentes formes d’adaptabilité sont l’illustration que les acteurs (au sens large) sont loin d’être condamnés à regarder le climat changer, sans connaître les modalités de ce changement. La question de la transmission de la connaissance est ici en jeu.
Une telle problématique laisse toutefois passer dans les mailles de son filet nombre d’éléments distinctifs d’une société – le vécu, les perceptions, les représentations, l’imaginaire, les valeurs, certaines croyances – qui paraissent déconnectés des systèmes d’adaptation aux contraintes climatiques, et qui seraient donc justifiables d’une interprétation non déterministe. Nous nous interrogeons à la fois sur les processus à l’œuvre et sur les stratégies pertinentes des acteurs locaux envisageables.
Ces dernières années, plusieurs scientifiques se sont attachés à évaluer l’effet du changement climatique global au niveau local en changeant d’échelles d’analyse. Ainsi, les résultats des travaux menés durant quatre ans, dans le cadre du programme Climator ont mis au jour les impacts au niveau régional11.
Si l’ensemble des recherches menées depuis plusieurs années ont permis de souligner l’inéluctabilité des effets du changement, reste maintenant à examiner la façon dont ce changement climatique est perçu au niveau local, (l’exemple de la région Poitou-Charentes) tant chez les professionnels du monde agricole que dans les politiques urbaines.
Nous nous efforcerons d’appréhender les prises de conscience (et les secteurs professionnels où elles ont cours), d’identifier les solutions envisagées en matière d’adaptation des pratiques, ainsi que les initiatives locales existantes, qu’elles soient ou non isolées. L’analyse du degré de prises de conscience et des actions entreprises permettra d’évaluer la connaissance que les professionnels de terrain ont des travaux développés par les scientifiques, de repérer la nécessité (ou non) de renforcer la diffusion des connaissances scientifiques sur la variabilité et le changement climatiques et leurs impacts sur les ressources naturelles, les écosystèmes.
Cet article devra également mettre en lumière les pratiques assurant une adaptation à la variabilité des conditions météorologiques (quelles qu’elles soient), atténuant la vulnérabilité de nos modes de production, de nos conceptions de l’habitat et de nos logiques de déplacement. Mesures intéressantes puisqu’elles sont valables dans le contexte habituel de nos conditions climatiques et qu’elles sont susceptibles de fonctionner telle une assurance tous risques12.
Le cas de l’agriculture mérite une attention particulière. Compte tenu du fait qu’une année ne ressemble météorologiquement à aucune autre, l’adaptation a lieu dans la conduite des exploitations agricoles. Pour s’assurer une bonne récolte, les professionnels intègrent depuis longtemps une logique d’adaptation (nous l’avons vérifié à l’occasion de nos entretiens), en réalisant tout au long des saisons les « ajustements tactiques » nécessaires au sein de leurs itinéraires techniques de production. Ces ajustements vont-ils se révéler suffisants, efficients pour faire face aux conséquences des phénomènes liés au changement climatique ? Telle est bien l’inquiétude qui les saisit. Autrement dit, les variations traditionnellement connues et gérées ont-elles changé d’échelles, de nature au point de nécessiter de repenser les activités ? Cette question les conduit à s’interroger sur la nécessité d’effectuer un « changement stratégique » de leur modèle de production ?
Le climat du monde réel : l’adaptativité à l’échelle d’un territoire
Précisons d’ores et déjà que les propos que nous présenterons ci-dessous proviennent d’un pré-diagnostic par conséquent, ne sont que provisoires, ils ne représentent qu’une partie très limitée d’un projet de recherche. Nous ne prétendons pas ici vérifier la justesse de nos hypothèses, étant donné que notre phase de collecte des données est encore inachevée. Il s’agit de proposer quelques pistes de travail, à titre indicatif, à l’aide d’une de nos hypothèses de recherche :
- évaluer la perception de la pertinence de l’adaptation : les différents modes d’adaptation engendrent une transformation de la culture, de ses représentations, des perceptions des acteurs en ce qui a trait à la capacité d’une adaptation et d’une non-adaptation et s’étendent à plusieurs niveaux professionnels, notamment par la transformation à termes des comportements. Comment comprendre les mécanismes d’adaptation ou de non-adaptation à l’œuvre sur un territoire où se juxtaposent plusieurs logiques en termes de savoir-faire : agricole (irriguant, élevage), viticole (cognac) et urbain ? Existerait-il dans ces logiques, différents cas de figure d’adaptabilité, selon que les contraintes sont de types économiques, environnementales, culturelles, politiques, urbaines, etc., spécifiques à une situation locale ?
- Modalités d’intervention : dès lors que l’on veut agir en faveur de l’adaptation, l’une des questions centrales qui se pose, quelle que soit l’échelle territoriale considérée, est celle des populations vers lesquelles faire porter en priorité les politiques de soutien. Si à différents groupes de population correspondent différentes approches d’adaptation, le fait est que, sur le fond, tous sont des groupes cibles. Cependant, l’aptitude des autorités à mettre en œuvre des solutions pour tout le monde et de façon synchronique peut être limitée, et il faut alors passer des groupes « cibles » aux groupes « prioritaires ». Ce passage soulève toutefois des questions auxquelles il reste difficile de répondre en toute objectivité : qui sont les plus vulnérables aux effets attendus du changement climatique ? La capacité d’adaptation d’un groupe particulier est-elle trop faible ou suffisamment développée pour répondre aux enjeux ? Et indirectement, quels éléments (réseaux sociaux, systèmes d’assurance…) constituent des points d’appui à la stratégie d’adaptation d’un groupe spécifique ?
- Modalités de diffusion des connaissances : les premiers travaux de recherche scientifique sur la question du changement climatique se heurtent à la diffusion des connaissances hors de la sphère des spécialistes : « Malgré certains facteurs d’inertie propres au secteur agricole, son adaptation doit, pour être effective, s’inscrire dans une vision stratégique, incluant l’ensemble des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, aux niveaux français comme européen. »13
- L’ensemble de la communauté reconnaît la nécessité de la transmission des connaissances, laquelle s’opérerait selon une logique descendante (Top-Down). Or deux constats sont d’ores et déjà possibles :
- ce qui est précieux et constructif est la responsabilité du citoyen (reconnu dans son statut), et l’appropriation et les échanges des connaissances acquises tant de façon scientifique que de façon empirique.
- il est difficile d’organiser la diffusion de connaissances lorsque celles-ci ont été élaborées indépendamment des professionnels de terrain. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons identifier les modalités d’un partage et d’un échange des connaissances non plus sur une logique descendante (Top-Down), mais sur une logique ascendante (Bottom-Up) pour rendre compte des acquis empiriques des professionnels de terrain. Ce faisant, nous espérons parvenir à la co-construction de savoirs partagés pertinents pour la mise en œuvre d’un Plan d’Action qui ne doit pas uniquement émerger de la sphère politique.
Il est donc possible de baser une analyse des impacts du changement climatique à l’échelle d’un territoire (Poitou-Charentes) sur les grands scénarios régionaux du GIEC. A défaut de disposer d’un scénario de référence, et de prévoir « le temps qu’il fera à La Rochelle en 2050 », il faut travailler sur des tendances climatiques (plus de canicules, plus de pluie en hiver, moins de neige…), et évaluer la vulnérabilité plus que les impacts : même si on ne sait pas précisément quelle sera l’élévation du niveau de la mer en 2050, on peut dire que l’ostréiculture de Marennes-Oléron est très vulnérable à celle-ci.
L’étude de ce pré-diagnostic a pu mettre en lumière, à partir de nos échanges avec les acteurs décideurs, une conception encore provisoire d’une forme de stratégie de l’adaptabilité en trois sortes de représentations, comme nous l’avons déjà mentionné plus haut : l’une serait l’adaptabilité active, l’exemple-type étant le plan d’action adopté après la tempête Xynthia, c’est-à-dire la gestion des crises comme modèle a minima. L’autre exemple serait l’adaptabilité anticipative, celle-ci correspondrait à l’idéal de moyen d’action en termes de l’évolution climatique, c’est-à-dire, la manière dont les acteurs sociaux affrontent l’enjeu climatique par la mobilisation sociale. Et enfin, une adaptabilité spontanée des acteurs, en particulier par le biais d’une prise de conscience et par une mobilisation sociale. Ces différentes formes d’adaptabilité sont l’illustration que les acteurs (au sens large) sont loin d’être condamnés à regarder le climat changer, sans savoir comment exactement il change. Ici est en jeu la question de la transmission de la connaissance.
Paradoxalement, « trop d’adaptation nuit aussi à la vie ; par contre l’aptitude à s’adapter dans diverses conditions ou différents milieux favorise la survie. La notion riche d’adaptation signifie adaptativité, c’est-à-dire aptitude à s’adapter et à se réadapter diversement (trait commun aux microbes, à certains mammifères et à l’homme). L’adaptativité peut se développer en adaptation à soi d’un territoire qui devient habitat ou réserve nourricière. L’adaptation à soi peut se développer en un relatif asservissement du territoire existentiel et comporter mêmes des actions transformatrices comme les barrages des castors. Ici l’inclusion de l’adaptation-à-soi dans l’idée d’adaptation introduit un sens inverse à l’adaptation-de-soi, et l’adaptation devient une notion complexe14. »
L’approche transversale adaptation / évolution
Enfin, outre le fait que la question de l’adaptation est une notion complexe, elle peut aussi être considérée comme une notion multidimensionnelle, la preuve est que nombre d’auteurs s’appliquent, dans leur très grande majorité, à rappeler que la capacité d’adaptation dépend de facteurs sociaux, politiques, économiques, culturels, institutionnels, environnementaux…, et qu’elle relève de différentes échelles territoriales, communautaires et temporelles.
On pourrait dire que la transversalité est une des caractéristiques de notre projet de recherche sur l’adaptabilité au changement climatique, elle se manifeste par l’emboîtement des différents niveaux du territoire : irriguant, viticole et urbain. Pour rendre perceptible l’enjeu de l’adaptabilité dans chaque « terrain-témoin », l’approche transversale nécessitera la mise en lien de différentes situations socio-économiques, environnementales, incertitudes climatiques, stratégies des acteurs, etc. L’objectif n’est pas de viser une précision extrême, mais de rendre cette réalité plus tangible pour les acteurs sociaux.
En guise de conclusion
La réflexion inachevée de cet article porte sur les questions centrales : d’une part, sur l’évolution des territoires et leur capacité d’adaptabilité, sur la contrainte de nouveaux impératifs, écologiques, sociaux et économique de durabilité. La question pourrait être : comment la question de l’adaptabilité dans une perspective de durabilité renouvèle-t-elle les discours, les épreuves, les pratiques des actions, en particulier l’action publique ? Quelles sont les formes de légitimité mobilisées ? Quels sont les critères qui justifient la conduite d’une mobilisation vers un changement ? Cet axe s’intéresse d’autre part, à l’intégration des acteurs à la fois institutionnels (élus) et non-institutionnels (société civile), dans la définition des politiques d’action et, par là, dans la Co-construction des solutions. Ce travail interroge la mobilisation politique d’une région, au travers des différents réseaux, mais aussi individuellement auprès de l’administration : quelle articulation, d’une part, entre la région, comme lieu de gouvernance, et les autres formes organisatrices (la ville) ? Quelle articulation, d’autre part, entre les différents espaces de décision et les différentes administrations techniques ?
Notes
[1] E. Morin, La Méthode, tome 1, Paris, Éditions du Seuil, 1977.
[2] Pré-ludes : Autour de l’homme préhistorique, Odile Jacob, Paris, 2014.
[3] Changements climatiques 2014. Incidences, adaptation et vulnérabilité. Résumé à l’intention des décideurs. GT II, 2014.
[4] PNACC, 2011.
[5] Plan national d’adaptation au changement climatique, 2011-2017.
[6] Morin, E., La Méthode, Volume II, p. 63, Éditions du Seuil, Paris, 1980.
[7] Voir, Paul W. Glimcher, Décisions, Uncertainty, and the Brain : the science of neuroeconomics, MIT Press, 2003.
[8] PNACC, 2011.
[9] Voir l’Atelier de Réflexion prospective (ARP), ADAGE (Adaptation au Changement climatique de l’Agriculture et des Ecosystèmes anthropisés) et le projet Climator.
[10] La tempête Xynthia, qui a frappé la Vendée et la Charente Maritime dans la nuit du 27 au 28 février 2010 en France, fut d’une ampleur sans précédent. Face au nombre insupportable de victimes et à l’importance des dégâts, l’État a décidé d’agir sans attendre afin de protéger les populations des départements touchés.
[11] Les résultats de l’étude Climator. Changement climatique, agriculture et forêt en France : simulations d’impacts sur les principales espèces (2007-2010), ont été publiés dans le Livre vert coordonné par Nadine Brisson, Frédéric Levrault, Paris, Inra.
[12] Voir sur ce thème, la réflexion amorcée par l’Association Volubilis à Avignon « Vivre avec le changement climatique » ?
[13] PNACC, 2011-2017.