La encrucijada entre la radicalización y la desradicalización
Existe-t-il une définition communément acceptée du concept de radicalisation ? Quelles sont les caractéristiques des processus de radicalisation ? Et, plus important encore, comment combattre ce phénomène ? Telles sont quelques-unes des questions que Roberto M. Lobato et Josep García Coll abordent dans leur ouvrage.
Dans un langage clair et concis, ce livre présente les principales théories sur les processus de radicalisation violente, ainsi que les théories liées aux stratégies de lutte contre ce phénomène. Le défi que se sont lancés les auteurs est considérable : traduire les contributions académiques de ce domaine en développement dans un langage compréhensible, pour un large éventail d’acteurs impliqués dans la lutte contre la radicalisation violente : universitaires, administrations publiques, forces de l’ordre, décideurs politiques, journalistes, acteurs de la société civile et autres.
Quelques années après la grande mobilisation djihadiste qui a secoué l’Europe, ce livre est indispensable face à un phénomène en constante évolution. La mobilisation internationale suite à la guerre en Syrie (combattants étrangers), l’émergence d’entités proto-étatiques en Afrique et au Moyen-Orient, la vague d’attentats djihadistes sur le territoire européen ainsi que la transnationalisation des extrémismes de droite font que les théories développées au début des années 2000 ne suffisent plus à comprendre les derniers développements dans ce domaine.
Dans ce contexte, les huit chapitres qui composent le livre couvrent trois thèmes généraux : la radicalisation violente, les stratégies pour aborder les processus de radicalisation et les programmes et initiatives existants, en particulier dans le contexte européen. Tout d’abord, les auteurs exposent
les principales théories liées aux processus de radicalisation, en mettant l’accent sur les contributions scientifiques dans le domaine de la psychologie et sur les processus de radicalisation qui se produisent dans le contexte carcéral. Dans leur examen de la littérature, ils présentent non seulement les avantages et les inconvénients de ces théories, mais remettent également en question un certain nombre d’idées préconçues sur les processus de radicalisation en prison. Par exemple, ils soulignent
les motivations non idéologiques qui peuvent expliquer la radicalisation d’un détenu et remettent en question les affirmations selon lesquelles
les prisons agissent comme des incubateurs de radicalisation.
Sur la base de ces considérations théoriques, Roberto M. Lobato
et Josep García Coll explorent les implications pratiques de ces questions. Face aux dilemmes posés par la détention de personnes pour radicalisation violente, tels que la dispersion versus la concentration des détenus radicalisés, ils examinent divers modèles et pratiques liés au traitement des prisonniers reconnus coupables d’activités terroristes. L’analyse des mesures existantes ne se limite pas au terrorisme djihadiste, mais inclut d’autres idéologies (par exemple l’IRA, l’ETA). Ainsi, le lecteur dispose de différents points de référence qui lui permettent d’évaluer les avantages et les inconvénients de chaque modèle de traitement. Par ailleurs, le troisième chapitre se concentre sur un défi contemporain majeur pour plusieurs pays européens: la question de la réinsertion des détenus dans la société.
Dans ce dialogue entre théorie et pratique, une conclusion en ressort: au vu de la diversification des profils des individus radicalisés, il est impossible d’opter pour des solutions one size fits all. Les implications de cette conclusion sont claires : pour aborder la radicalisation violente, il est nécessaire de déployer des stratégies ad hoc, c’est-à-dire des stratégies adaptées au contexte et impliquant divers acteurs pertinents, des forces de l’ordre à l’administration publique, et même des organisations non gouvernementales si nécessaire. C’est pourquoi la dernière partie
de cet ouvrage se penche sur trois questions fondamentales : Comment évaluer le risque posé par un individu radicalisé ? Quelles stratégies existe-t-il pour arrêter ou inverser un processus de radicalisation ? Comment s’assurer qu’une personne puisse réduire son engagement idéologique (radicalisation cognitive) ou physique (radicalisation comportementale) en faveur d’une idéologie extrémiste violente ?
Les réponses apportées par les auteurs combinent des contributions théoriques et d’expériences pratiques. Le quatrième chapitre examine pas moins de 18 modèles de gestion des risques développés dans différents pays européens, en mettant en évidence les facteurs de radicalisation que chacun inclut et en soulignant les dimensions qu’ils n’incluent pas. En ce sens, il aurait peut-être été plus cohérent que le chapitre suivant, plus théorique et axé sur les stratégies de déradicalisation et de désengagement, apparaisse plus tôt afin de mieux comprendre les aspects de chacun des modèles qui doivent être améliorés. De fait, les chapitres suivants suivent cette logique : le sixième établit une typologie des différents programmes de sortie, tandis que le septième explore la variété de programmes, d’interventions et d’initiatives qui existent dans ce domaine. Enfin,
le dernier chapitre se penche sur la gestion du personnel et des ressources de formation en vue de faire face aux processus de radicalisation.
Le lecteur pourrait regretter un avis plus explicite sur les théories et les initiatives qui semblent les plus appropriées ou les plus efficaces aux yeux des auteurs. À moins de considérer ce livre pour ce qu’il est une véritable boussole tant pour la communauté scientifique que pour tous les acteurs impliqués dans ce domaine, désireux, comme les auteurs, de fonder leurs stratégies de prévention de la radicalisation violente sur des preuves scientifiques.