Démocratie et constitutionnalisme après les printemps arabes. Le cas de la Tunisie

Gustavo Gozzi

Université de Bologne

Cet essai aborde le problème des printemps arabes avec une référence particulière au cas tunisien et aux caractéristiques de la nouvelle démocratie constitutionnelle instaurée après la chute du régime de Ben Ali. Il s’agit d’un néoconstitutionnalisme arabe qui, tout en montrant de grandes affinités avec les démocraties occidentales, s’en différencie toutefois par son caractère de démocratie constitutionnelle à référence arabo-islamique. L’analyse souligne le compromis culturel entre tradition et modernité, qui a produit la forme de démocratie tunisienne actuelle, ainsi que le compromis entre les forces politiques liées à ces deux orientations différentes. La démocratie tunisienne est un processus d’apprentissage qui a peut-être la capacité de surmonter l’instabilité du compromis.


Selon la politologie, les printemps arabes entrent dans le cadre de la « quatrième vague de démocratisation » , mais du point de vue de la philosophie du droit, ils ont constitué et continuent encore à représenter le laboratoire d’une grande expérimentation politique et culturelle dans laquelle le monde musulman est en train de vérifier la possible compatibilité entre islam et démocratie.

Yadh Ben Achour, juriste tunisien et membre du comité des droits de l’Homme des Nations unies, a abordé un thème qui a été crucial pendant toute la période tourmentée des printemps arabes, à savoir la réflexion sur la forme de l’État, laquelle a nourri une grande partie du débat au niveau politique et philosophique surtout pendant la phase constituante en Égypte et en Tunisie. Ben Achour envisage la forme d’un « néoconstitutionnalisme arabe » , qui représente le résultat le plus significatif de la saison des printemps arabes. Dans la tradition occidentale, le constitutionnalisme consiste en une technique de séparation des pouvoirs en fonction de la garantie des droits. Le constitutionnalisme contemporain a trouvé sa première expression dans la constitution américaine à la fin du e siècle et dans les institutions de la démocratie constitutionnelle dont elle représente le fondement.

Certes, les printemps arabes ont marqué la fin de l’exception arabe, mais la forme de gouvernement qui est née du processus constituant tunisien n’est, en aucun cas, comparable aux formes occidentales de gouvernement démocratique

À l’origine du constitutionnalisme occidental, il y a eu un processus de sécularisation, c’est-à-dire une séparation progressive entre l’ordre politique et l’ordre religieux, laquelle est devenue de plus en plus profonde au fil de l’histoire : des luttes pour les investitures, au XI e siècle, à la paix de Westphalie, en 1648, puis à la révolution française.

Ce néoconstitutionnalisme arabe identifié par Ben Achour représente le résultat d’un compromis entre deux conceptions de l’État : l’État civil et l’État religieux. Le juriste tunisien s’est consacré à ces thèmes pendant très longtemps dans la tentative de clarifier la particularité du monde arabo-musulman, la persistance de la tradition et la résistance aux processus de sécularisation.

Certes, les printemps arabes ont marqué la fin de l’exception arabe, qui semblait exclure la compatibilité entre islam et démocratie, mais la forme de gouvernement qui est née du processus constituant tunisien n’est, en aucun cas, comparable aux formes occidentales de gouvernement démocratique.

Le concept d’État civil apparaît dans le programme du parti Liberté et Justice, qui représente l’expression politique du mouvement des Frères Musulmans en Égypte. Il est aussi énoncé clairement dans la constitution tunisienne de janvier 2014, à l’article 2, qui proclame : « La Tunisie est un État civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit ». Mais le concept d’État civil n’exprime pas une conception sécularisée de l’État, parce que le programme électoral du parti al-Nahḍa (Ennahdha), qui a adopté le modèle de l’État civil, ainsi que le programme électoral du parti Liberté et Justice, ont introduit le concept d’État civil à référence islamique.

L’État civil n’est pas un État théocratique, mais en même temps, il s’oppose à une conception sécularisée de l’État. L’un des principaux théoriciens du concept d’État civil et des inspirateurs des orientations politiques des Frères Musulmans, Al-Qaraḍāwī, a affirmé en identifiant État civil et État islamique : « L’État islamique est un État constitutionnel ou légitime, qui a sa propre constitution, à laquelle il se réfère pour gouverner, et une loi pour y faire référence ; sa constitution est représentée par les principes et les lois de la sharī’a, comme elle apparaît dans le Coran et la Sunna en termes de doctrine, ‘ibādāt (pratiques de culte), éthique et mu’āmalāt (pratiques sociales) » .

Bref, l’État civil a la forme d’un État constitutionnel, c’est-à-dire d’un État s’inscrivant dans les limites de la constitution, mais il est édifié sur le fondement d’une éthique d’origine religieuse. Tel est le compromis que Ben Achour identifie lucidement et qu’il trouve dans la constitution tunisienne du 27 janvier 2014, dans le préambule de laquelle est proclamé l’attachement du peuple tunisien « aux enseignements de l’islam et à ses finalités caractérisées par l’ouverture et la tolérance, ainsi qu’aux valeurs humaines et aux principes universels et supérieurs des droits de l’Homme ».

Le constitutionnalisme, qui s’est dessiné à travers les phases convulsives de la révolution et la dialectique politique du processus constituant, consiste, selon Ben Achour, en un paradigme basé sur les concepts d’État civil et de liberté

Par conséquent, la constitution confirme l’appartenance identitaire arabo-islamique de la Tunisie, mais proclame en même temps l’universalisme des principes exprimés par les droits fondamentaux. Significatif est, à ce propos, l’article 39 de la constitution qui garantit « le droit à l’enseignement public et gratuit à tous ses niveaux », mais souligne fermement le rôle de l’État qui « veille également à l’enracinement des jeunes générations dans leur identité arabe et islamique et leur appartenance nationale ».

Le constitutionnalisme, qui s’est dessiné à travers les phases convulsives de la révolution et la dialectique politique du processus constituant, consiste, selon Ben Achour, en un paradigme basé sur les concepts d’État civil et de liberté, garantissant la dignité (karama). C’est un constitutionnalisme de nouvelle facture (par rapport à la tradition occidentale), affirme Ben Achour, parce qu’il est le résultat de la compatibilité entre une religiosité radicale, qui constitue le fondement identitaire, et « l’exigence d’un civisme qui entend cantonner le religieux à la religion, c’est-à-dire à la foi et au culte, sans interférences sur la vie politique et le droit ».

La conjonction complexe de ces éléments aboutit à une légitimité inédite de la forme de gouvernement démocratique : une forme de légitimité de type consensuel, opposée à une légitimité démocratique, parce que la première, qui est le résultat du consensus de l’ensemble des groupes, se situe au-delà du principe majoritaire.

La forme de gouvernement démocratique produite par la révolution tunisienne représente un modèle qui, même s’il s’inscrit dans la continuité de la tradition occidentale, en modifie profondément l’essence. La dialectique politique à l’intérieur de la constitution matérielle, c’est-à-dire de la confrontation entre les forces sociales et politiques, entre leurs idéologies et leurs réalisations institutionnelles, mettra à l’épreuve la validité du nouveau modèle.

Le futur de la Tunisie

Pour essayer d’entrevoir le futur de la Tunisie, il faut en premier lieu bien préciser la relation entre la démocratie mise en place et la révolution qui l’a produite. Dans son livre Tunisie. Une révolution en pays d’islam, Yadh Ben Achour déclare que le processus révolutionnaire tunisien ne peut être comparé à aucune des révolutions qui l’ont précédé : ni à la révolution anglaise du xvii e siècle, ni aux révolutions américaine et française de la deuxième moitié du xviii e siècle. Il écrit que « La Tunisie, en effet, a inventé un type de révolution qui n’a assurément aucun précédent dans l’histoire » .

Les révolutions ont beaucoup de causes et les historiens choisissent celles qui correspondent à leurs perspectives. Ainsi, les origines de la révolution tunisienne sont-elles sujettes à une pluralité d’interprétations : « Fut-elle celle de la périphérie économique sociale et politique contre le centre ? Fut-elle la révolution des tribus animées par le traditionnel esprit de corps khaldounien (‘asabyya) contre l’État ? Celle des petits propriétaires du centre, comme les Bouazizi, contre la spoliation de leurs terres ? Fut-elle une révolution religieuse ou une révolution laïque ? »

Les révolutions ont beaucoup de causes et les historiens choisissent celles qui correspondent à leurs perspectives. Ainsi, les origines de la révolution tunisienne sont-elles sujettes à une pluralité d’interprétations

Ben Achour, qui cite la philosophie de l’histoire d’Hegel, écrit que le processus de l’histoire consiste en un mouvement dialectique à l’intérieur duquel le présent doit faire face au passé. Dans cette perspective, la révolution tunisienne a discuté profondément le problème religieux et la question de la sécularisation. Par conséquent, on peut déclarer que le résultat a été une constitution qui « n’a nullement les caractères d’une constitution théocratique » , et qui a jeté, à mon avis, les bases d’une démocratie constitutionnelle à référence arabo-islamique.

La révolution a vu s’affirmer un islam postautoritaire représentant, avant tout, le refus du régime autoritaire. Le post-autoritarisme islamique a produit une coupure « avec l’autoritarisme, mais guère avec la tradition » : en effet « l’islam en son essence est antiautoritaire » . On peut dire que la démocratie constitutionnelle qui a été proclamée par la révolution tunisienne est un compromis (tawâfuq/wifaq) entre une perspective « moderniste » (hadathi) ouverte à la culture occidentale, qui avait pour projet d’instaurer un régime constitutionnel et un État sécularisé (Dawla madaniya), et une perspective islamo-conservatrice ou traditionnelle, qui avait comme référence l’islam et la nation arabe.

La révolution a posé le problème du rapport entre islam et modernité, parce que la société tunisienne se caractérise par sa progressive affirmation d’un processus de sécularisation et par son opposition au fondamentalisme et à l’islamisme radical. Mais les défenseurs de la sécularisation ont dû faire face à la spécificité de la société tunisienne, à son histoire, à son identité qui contient, dans ses racines, l’islam et la civilisation islamique.

Pourtant, deux logiques antithétiques se sont confrontées lors de la révolution : la logique de ceux qui visaient une rupture radicale et la logique de ceux qui voulaient la réconciliation nationale. Finalement, c’est une forme de gouvernement fondée sur une légitimité nouvelle qui a été créée : la « légitimité du compromis » (char’iya wifaqiya).

Le compromis a été le point d’arrivée de la révolution constitutionnelle tunisienne et il est. aussi la réponse à la question de savoir pourquoi la Tunisie est le seul pays où la révolution a réussi. Dans le cadre des deux projets antagonistes — le moderniste et le conservateur ou islamiste — c’est la solution du compromis historique qui s’est imposée – évitant ainsi le danger de la polarisation – sur le fondement d’un « pluralisme actif, centré à la fois sur la reconnaissance des différents ordres de réalité et le respect d’une pluralité des principes et des modes de vie » . Le compromis a été possible lorsque les forces sécularisées ont accepté que le parti islamiste Ennahdha participe au jeu politique et que Ennahdha a accepté l’idée de la négociation pour sortir des crises politiques qui se sont succédé de 2011 à 2014.

Est-ce que le compromis peut tenir ?

Pour répondre à cette question nous pouvons considérer ce que Gilbert Achcar écrit à propos du modèle tunisien et de ses limites. La crise du gouvernement d’Ennahdha est survenue en 2013, lorsqu’une grande protestation populaire est née contre les meurtres perpétrés par les salafistes et contre l’incapacité du gouvernement d’Ennahdha. Le regroupement politique, qui s’est alors formé sous le nom de Front de Salut National (FSN), rassemblait les principaux partis du Front Populaire (union de la gauche tunisienne), ainsi que Nidaa Tounes (l’Appel de la Tunisie, composé surtout d’hommes de l’ancien régime politique) et quelques groupes libéraux et de centre gauche.

La grande manifestation du 6 août 2013 contre Ennahdha correspond à la protestation égyptienne du 30 juin 2013 contre les Frères Musulmans, mais, contrairement à l’Égypte, en Tunisie l’armée n’est pas intervenue pour disperser les manifestants. La chute des Frères Musulmans en Égypte a conduit Gannouchi, leader d’Ennahdha, à accepter un compromis et à approuver, en janvier 2014, la formation d’un gouvernement technique qui a préparé les élections pour le mois d’octobre suivant.

Ces mobilisations populaires en Égypte et en Tunisie « ont toutes les deux — comme écrit Achcar — ouvert la voie à ce qui est, essentiellement, un retour des hommes de l’ancien régime » . Aux élections d’octobre 2014, Nidaa Tounes a obtenu la majorité relative grâce aussi à l’alliance politique et électorale avec la gauche tunisienne, qui a contribué à la réhabilitation de ce regroupement politique. La transition politique, qui a commencé grâce à ce compromis, a donné naissance à un gouvernement de coalition de Nidaa Tounes avec Ennahdha, plutôt qu’avec le Front Populaire, en considération du fait que les deux partis de la coalition partageaient la même perspective socio-économique néolibérale.

La crise du gouvernement d’Ennahdha est survenue en 2013, lorsqu’une grande protestation populaire est née contre les meurtres perpétrés par les salafistes et contre l’incapacité du gouvernement

Cet accord politique a permis l’adoption de la loi de réconciliation qui a offert — en échange d’une déclaration de culpabilité et de la promesse de rembourser les gains mal acquis une amnistie aux fonctionnaires publics et aux hommes d’affaires coupables de délits financiers ou d’appropriation de fonds publics. Mais, de cette façon, on a mis en cause la procédure pour la réalisation d’une justice transitionnelle mise en place en décembre 2013.

Le jugement final d’Achcar est impitoyable parce qu’il pense que la Tunisie marche à grandes enjambées vers une restauration de l’ancien régime. En outre, il ajoute que les politiques néolibérales ont aggravé les conditions économiques qui avaient été à l’origine de la révolte qui a éclaté à la fin de 2010. À la crise économique, s’ajoutent aussi des causes structurelles, comme la corruption bureaucratique, la réglementation excessive, les taxes élevées et la disparité entre les zones côtières de la Tunisie et celles de sa périphérie.

Certaines des attentes nourries par la révolution ont été déçues, notamment en ce qui concerne les perspectives d’une justice transitionnelle qui aurait dû créer les conditions nécessaires à l’édification, sur des bases équitables, d’une forme de gouvernement démocraticoconstitutionnel en Tunisie

La Tunisie pourra-t-elle maintenir le résultat démocratico-constitutionnel de sa révolution ? En réalité, certaines des attentes nourries par la révolution ont été déçues, notamment en ce qui concerne les perspectives d’une justice transitionnelle qui aurait dû créer les conditions nécessaires à l’édification, sur des bases équitables, d’une forme de gouvernement démocratico-constitutionnel en Tunisie.

La loi sur la justice transitionnelle en Tunisie, approuvée en décembre 2013 , représentait une innovation importante parce qu’elle introduisait la possibilité d’être traduit en justice en cas de violation des droits socio-économique. Mais le gouvernement de la coalition entre Nidaa Tounes et Ennahdha détourna l’attention vers la réconciliation plutôt que vers la poursuite des crimes, comme le prouve la loi organique n° 2017-62 relative à la réconciliation dans le domaine administratif signée le 24 octobre de 2017 par le président de la république Mohamed Béji Caïd Essebsi. Le texte législatif avait été proposé par le président en 2015, mais il a été adopté, après une révision, par l’Assemblée des représentants, le 13 septembre 2017, à l’issue d’une journée de débats houleux et de manifestations populaires devant le parlement.

La réconciliation proposée par « la loi, qui met en place une amnistie pour les fonctionnaires impliqués dans des actes de corruption et de détournement de fonds publics, sans réel mécanisme d’enquête, sans vérité sur les réseaux de la corruption, et sans conséquences pour ceux qui ont chapeauté l’entreprise de déprédation systématique de l’économie tunisienne sous le règne de Ben Ali et de sa famille, ne peut qu’ancrer la profonde méfiance de beaucoup de Tunisiens envers un système qui n’a pas encore totalement rompu avec les démons du passé » . Bref, on peut affirmer que les partis du gouvernement de coalition, malgré leurs différences idéologiques, ont uni leurs forces pour protéger les intérêts de leurs classes moyennes et de leurs élites.

Des éléments d’incertitude semblent se profiler sur le futur de la jeune démocratie tunisienne. Mais il faut aussi réfléchir sur le fait que l’aboutissement démocratico-constitutionnel de la révolution tunisienne est le résultat nécessaire d’une longue marche qui a commencé à la moitié du xix e siècle par l’abolition de l’esclavage avec trois décrets promulgués de 1841 à 1846 (dix-neuf ans avant les États Unis), par la première constitution d’un pays arabe ou musulman en 1861, par les réformes introduites par Bourguiba, après la conquête de l’indépendance en 1956, à propos de la condition et des droits des femmes, dans le domaine de l’éducation, etc.

Tout cela a fait de la Tunisie une anomalie dans le monde arabo-musulman et a posé les conditions pour l’instauration d’une démocratie constitutionnelle à référence arabo-islamique, dont le chemin, malgré les tensions et les incertitudes de la phase de transition, est destiné à continuer et à se consolider.

Les défis du gouvernement actuel

La mort du président Mohamed Béji Caïd Essebsi, survenue le 25 juillet 2019, a poussé le pays à anticiper les élections présidentielles, dont le premier tour a eu lieu le 15 septembre, avant les élections parlementaires du 6 octobre 2019. Le ballottage du 13 octobre a donné la victoire, avec une majorité écrasante de 72,7 %, à Kais Saied, un juriste professeur de droit constitutionnel, expression d’un programme conservateur et d’une orientation anti-système pour un changement radical et un renouveau du pouvoir en Tunisie.

Même les élections parlementaires du 6 octobre ont exprimé un jugement négatif radical sur la classe politique au pouvoir, qui a subi une forte perte du consentement populaire

Dans le cadre d’une crise économique marquée par la persistance d’une faible croissance de l’économie, d’un chômage des jeunes élevé, d’une inflation et d’un endettement de l’État croissants, même les élections parlementaires du 6 octobre ont exprimé un jugement négatif radical sur la classe politique au pouvoir, qui a subi une forte perte du consentement populaire .

À la suite de la confrontation électorale, les pourcentages des deux partis principaux de la coalition du gouvernement ont été fortement réduits. Ennahda, malgré une grande réduction du consentement électoral, a été toutefois le parti le plus voté avec un pourcentage de 19,6 % et 52 sièges. Nidaa Tounes n’a obtenu, suite aux scissions subies, que 1,5 % des votes, tandis qu’une grande partie de ceux qui l’avaient soutenu s’est orientée vers deux formations du centre : Tahya Tounes et Qalb Tounes, qui ont obtenu 4,08 % et 14,5 % des suffrages respectivement.

Une tâche fondamentale du nouveau premier ministre sera celle de chercher à créer une cohésion entre des forces hétérogènes ayant des idéologies différentes et des visions opposées du pays

Après la faillite de la première tentative de formation d’un gouvernement, le président Kais Saied a confié cette tâche à Elyes Fakhfakh, déjà ministre des finances entre 2011 et 2013, lequel a enfin reçu la confiance de l’Assemblée des représentants le 27 février 2020. Le nouveau gouvernement est composé d’une pluralité de forces hétérogènes : Ennahdha, deux partis de centre-gauche — Ettayar (le Courant démocrate) et Mouvement populaire (Echaâb) — Tahya Tounes et le Bloc de la Réforme nationale. Une tâche fondamentale du nouveau premier ministre sera celle de chercher à créer une cohésion entre des forces hétérogènes ayant des idéologies différentes et des visions opposées du pays.

Mais le plus grand défi sera encore celui de l’économie — le manque de liquidité dans les caisses de l’État, le chômage (de 15 %) et l’inflation (de 6,7 %). Pour l’affronter, Fakhfakh a lancé un projet basé sur un ambitieux pacte social. Les perspectives de la Tunisie semblent être plongées dans l’incertitude, mais les grands moments de crise qu’elle a su affronter à partir de la fuite de Ben Ali, en janvier 2011, démontrent que ce pays arabe a toutes les potentialités pour faire face aux défis du futur. La démocratie est un processus d’apprentissage et la démocratie tunisienne est en train d’apprendre très vite.