Dans les pays du sud de la Méditerranée, depuis des décennies, la rareté de l’eau est vécue avec inquiétude. Au fil des siècles, les conditions physiques et climatiques de la zone ont forcé les peuples qui l’habitaient à concevoir des mécanismes qui garantissaient la production agricole tout en respectant la biodiversité végétale du territoire. La survie des petits agriculteurs et, en général, de toute la population du Sud méditerranéen a toujours reposé sur le fait que l’eau était un bien précieux et rare. Malgré tout, au cours des dernières années, les infrastructures hydrauliques traditionnelles n’ont cessé de disparaître pour céder la place, au nom du progrès, à une surexploitation effrénée des ressources naturelles, laquelle, pour des raisons d’intérêts économiques, ne profite qu’aux investisseurs et aux responsables politiques alliés de ceux-ci.
Contexte
L’accès à l’eau potable en milieu rural au Maroc est très faible et même absent. Les populations s’approvisionnement l’eau dans des puits ou des sources, généralement situés à plusieurs heures du lieu de leurs résidence dont les risques de contamination sont très favorables, par ailleurs, les difficultés de garantir cette alimentation par un cadre institutionnel tel l’Office National de l’Eau Potable incitent certaines communautés à s’organiser autours des projets de coopération et à mettre en place des systèmes de gestion d’Adduction d’Eau Potable (AEP) autonomes, dont elles assurent la gestion. La gestion communautaire est une des options stratégiques de tout projet de coopération qui favorise l’implication des organisations des usagers dans la gestion de l’eau.
Les associations d’usager sont le mode de gestion le plus répandu pour les systèmes d’alimentation en eau potable en milieu rural. D’après une enquête nationale effectuée en 2004-2005, parmi plus de 11000 systèmes au Maroc, environ 41% sont gérés directement par des associations d’usagers. Elles sont élues par la population en assemblée générale. Elles adoptent une forme d’organisation, que les promoteurs doivent reconnaître et favorise.
Ces associations, en tant qu’association, sont également régie par le dahir n° 1-58-376 du 15 novembre 1958 relatif au droit des associations au Maroc, tel que modifié par et complété par le dahir portant loin° 1-73-283 du 10 avril 1973 et la loi n° 75.00 promulguée par le dahir n° 1-02-206 du 23 juillet 2002. En décembre 1990, la loi n°2-84 (promulguée par le dahir n° 1-87-12 du 22 décembre 1990) a autorisée la création des associations d’usagers de l’eau. En 1992 le décret n° 2-84-106 du 13 mai 1992 a fixé les modalités d’accord entre l’administration et les associations d’usager de l’eau agricole et a approuvé le statut-type de ces associations.
La gestion communautaire de l’eau à partir de l’expérience de l’Association Tichka
L’association Tichka pour le développement et la coopération est une ONG marocaine créée en juin 1992 dont le but de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales au sud du Maroc à travers des programmes intégrés à savoir :
- L’approvisionnement de l’eau et l’électrification rural par le photovoltaïque
- L’Education sanitaire et la promotion féminine
- La scolarisation des filles du milieu rural (création et gestion des centres d’accueil)
- Le tourisme rural et développement durable (création des gîtes ruraux)
Zone d’intervention: Provinces de Ouarzazate, Tinghir et Zagora (superficie 42 000 km2)
Les principaux partenaires: l’Institut de l’Energie solaire de Madrid, l’ONG CIPIE et la Fondation Energie solidaire, la Fondation Mohammed V pour la solidarité.
Sources de financement :la Commission Européenne, l’Agence Espagnole de Coopération Internationale, le Ministère des Affaires Etrangère Espagnole.
Les programmes d’Adduction
L’association Tichka a une longue expérience dans le domaine d’adduction d’eau potable en milieu rural où elle est active depuis 1994. Actuellement plus de 60 projets d’Adduction d’Eau Potable (AEP) ont été réalisés dans le cadre de la coopération internationale, notamment la Commission Européenne et l’Agence Espagnole de Coopération internationale de Développement via l’Institut de l’Energie Solaire de Madrid et d’autres ONG espagnoles, comme Centro de Investigaciones, Promoción y Cooperación Internacional (CIPIE) et la Fondation Energie Solidaire.
La priorité de l’approvisionnement de l’eau potable dans les interventions mise en œuvre par l’association Tichka n’est pas au hasard mais parce qu’il y a un besoin qui s’impose dans toute la région et une forte demande qui se manifeste des populations. La réalisation de ces programmes constitue un travail plus large qui impliques plusieurs acteurs locaux à savoir : les Communes Rurales, Départements provinciales, Direction Régional de l’Equipement, les autorités locales…etc. elle se base sur les aspects suivants:
Aspect technique
Il s’agit des systèmes de pompage photovoltaïque composé de : modules solaires, pompe photovoltaïque, conduite de refoulement, réservoir de stockage, système de chloration, le réseau de distribution et les branchements individuels à l’intérieur de chaque logement.
Aspect organisationnel
Les démarches poursuites à ce niveau consistent dans un premier temps à la préparation de la population par sa participation et son implication à tous les stades du projet depuis la définition en passant par la conception, la réalisation et jusqu’à l’évaluation. Ensuite à l’instauration d’un cadre formel (association villageoise), s’il n’est pas déjà mis en place, qui assume la gestion quotidienne de l’eau et la gestion des apports initiales à l’exécution du projet que se soit en nature ou en argent (terrain, argent et la main d’oeuvre). Finalement la préparations des conventions qui déterminent les attributions de tout un chacun et les engagements complémentaires des usagers et des concernés par les apports locaux.
Aspect social
Il comprend la formation et la sensibilisation des usagers sur : la nature des systèmes, les conditions essentiels pour maintenir leur fonctionnement, l’utilisation de l’eau, l’hygiène et les démarches à suivre pour assurer la capacité financière suffisante pour couvrir les charges d’exploitation de maintenance et de renouvellement des composantes (les recettes de la vente de l’eau, épargne, la collecte de fonds au cas de besoin, le soutien de population émigrée…etc.).
D’autres composantes sont prévues dans le cadre de ces programmes à savoir la composante d’infrastructure d’assainissement: construction des latrines à l’intérieur des maisons et la composante formation et sensibilisation.
La réussite de ces projets de pompage d’eau potable, notamment en matière de gestion, a donné suite à des projets de pompage de l’eau pour l’irrigation des terrains collectifs aménagés dans le but de promouvoir les activités génératrices de revenu liée à L’arboriculture des arbres fruitiers et à l’élevage de bovins et caprins…. L’organisation locale dans ce cas prend la forme de coopératives vu le caractère commerciale du projet.
Gestion des systèmes photovoltaïques de pompage de l’eau
Avant les projets photovoltaïques, tous les villages disposent d’une infrastructure technologique pour s’approvisionner en eau: extraction manuelle, ou par l’action de pompage moyennant un moteur diesel. La distribution à base de bidons en plastic porté sur les brouettes et les bêtes. Le stockage en bidon de plastique et en jarre d’argile. Cette infrastructure est accompagnée par d’autres éléments du système à savoir les coutumes, les responsables les horaires de desserte, et les points de vents.
Les systèmes photovoltaïques constituent un changement par rapport aux habitudes d’un système technologique préexistant. Ainsi le processus d’implantation consiste à promouvoir une gestion structurée, organisée, continue et concertée.
Model de la gestion financière
Processus du recouvrement de l’eau :
Fixation de tarification
L’Eau et le soleil sont considérés comme des biens communs et gratuits, mais leur exploitation ne l’est pas. D’où la nécessité d’adopter un moyen pour assurer la préservation des équipements installés.
Chaque association fixe un prix par volume consommé suivant des tranches. Le tarif est différent d’un village à l’autre et dépend de la quantité existante de l’eau (abondante ou peux) et suivant les périodes de l’année (l’hiver ou l’été), exemple:
- Tarification par volume de consommation : le nombre de volume consommé à multiplié par le prix unitaire de la consommation
- Tarification par m3 et par personne (exemple si le coût est de 1dh /m3 et que chaque personne a droit à 1m3 alors dans un foyer ou il y a 10 personnes il paieront 1 Dh pour 10m3)
Adhésion à un compte mutuel des associations de l’eau
Au préalable des premières installations, pour couvrir les frais d’exploitation, il a été convenu que chaque association villageoise maintien ses recettes tirés de la vente de l’eau dans un compte bancaire. Toutefois l’analyse de cette première étape ressort la difficulté financière des associations à faire face à des pannes importantes s’ils affectent la pompe ou le convertisseur. D’où l’idée de constituer une épargne par le biais d’abonnement à un compte commun des associations de l’eau. A cet égard, un compte bancaire a été ouvert et gérer par l’Association Tichka.
Mise en marche du contrat de maintenance
C’est la troisième étape du processus. Quoiqu’il y ait la constitution d’une épargne, la maintenance est hors la portée des associations villageoises vu le manque de compétence qualifié dans le domaine. Alors pour garantir vraiment la pérennité des systèmes solaires de pompage de l’eau, il faut avoir un service technique professionnel et disposé à faire face rapidement aux différentes pannes.
Pour cela l’Association Tichka a étudié avec les usagers, la possibilité de mettre en marche un contrat de maintenance. Le projet consiste à déléguer le service après vente à une entreprise privé dans un cadre de partenariat financièrement supportable par les associations et rentable à l’entreprise privé et supervisé par l’Association Tichka. Le coût du contrat dépend des prestations fournies avec une rémunération fixe de 10 DH par compteur pour la maintenance préventive.
Nous avons initiés ce mode de gestion avec une quinzaine d’associations. Notons bien que ce projet est dans sa phase pilote. L’évaluation nous montrera sa continuité ou sa remodelage.
Evolution de la dynamique social et économique à travers l’organisation communautaire
La réalité du terrain démontre que le processus d’organisation d’une communauté à une association de gestion de l’eau permet d’améliorer la gouvernance locale et à dynamiser l’organisation communautaire, elle contribue ainsi à une redéfinition du développement local.
Expérience du village Zaouite sidi Ahmed
Il s’agit d’un village situé à 22 km de la ville de Ouarzazate avec une population de moins de 200 habitants. La communauté de ce village a commencé par s’organiser autours d’un projet d’adduction d’eau potable, en association villageoise. Une fois appropriée, l’association est mobilisée dans la réalisation d’un projet agricole intégrée: Il s’agit d’un verger d’amandier et d’oliviers sur une superficie de 14 ha établie dans un terrain collectif. La réussite de ce projet mène à la mise en place d’un nouveau projet intégré composé de: la construction et l’équipement d’une bergerie, la construction et l’équipement d’une unité de trituration et la construction et l’équipement d’un poulailler. Le système de pompage de l’eau d’irrigation est un système photovoltaïque. La méthode d’irrigation utilisé est le goutte à goutte organisé par secteurs.