Approfondissement des crises avec le Maroc

En dépit des tentatives de dépolitisation de l’agenda bilatéral, le principal facteur d’interférence dans les relations est la position espagnole sur la question du Sahara occidental.

Bernabé López García et Miguel Hernando de Larramendi

L’hospitalisation en Espagne du chef du Front polisario, Brahim Ghali, en avril 2021, pour y être soigné du Covid, a déclenché une nouvelle crise entre l’Espagne et le Maroc, qui reflète la centralité que la reconnaissance internationale de sa souveraineté sur le Sahara occidental occupe encore dans sa politique extérieure. La détérioration des relations bilatérales et le recours de Rabat à l’utilisation de l’émigration à Ceuta comme arme diplomatique, rappelle que les questions territoriales interviennent toujours dans la construction de relations de bon voisinage souhaitées par tous les gouvernements espagnols, sans exception, depuis la signature du Traité d’Amitié, de Bon voisinage et de Coopération en 1991.

Cette stratégie de dépolitiser l’agenda bilatéral en le centrant sur le renforcement de l’interdépendance économique, en tant qu’élément stabilisateur des relations (la politique d’un « matelas d’intérêts » esquissée par l’ambassadeur Raimundo Bassols dans les années quatre-vingt) et sur le rôle de l’Espagne en tant qu’avocat des intérêts du Maroc devant l’Union européenne, n’a pas été capable d’éviter le déclenchement périodique de crises, d’intensité et de portées inégales.

Les RHN, le thermomètre des crises

Un indicateur de l’état des relations est la fréquence selon laquelle les réunions de haut niveau (RHN) se sont produites et qui devaient avoir lieu chaque année. Inaugurées en 1993, après la signature du Traité d’Amitié et de Bon voisinage par Felipe González, le président de l’époque, qui a terminé son mandat par une deuxième RHN en 1996, elles ont eu lieu régulièrement tous les ans au cours de la première législature de José María Aznar. Mais elles s’interrompaient en raison d’une altération du climat avec le Maroc, qui a commencé par l’instrumentalisation électorale de la question migratoire, à la suite de l’épisode de El Egido et de la présence à Ceuta et Melilla d’Az nar en campagne électorale. Ces faits avaient motivé une visite imprévue à Madrid du propre Mohammed VI en février 2000 pour un déjeuner à La Zarzuela, six mois avant sa première visite officielle, en misant sur une détente dans les relations. Cependant, les choses ne se sont pas améliorées et c’est ainsi que la crise qui couvait, aboutit au rappel de l’ambassadeur et à l’épisode de l’îlot du Persil, en juillet 2002.

Cette crise fut réglée lors de la VIème RHN en 2003, par une aide économique importante au Maroc de la part de l’Espagne et par divers accords sur la délimitation des espaces maritimes et le rapatriement des mineurs, en situation irrégulière.

Après le changement de gouvernement en 2004 et en dépit de la bonne entente avec Rabat du président José Luis Rodríguez Zapatero, et de son ministre d’Affaires étrangères, Miguel Ángel Moratinos, trois RHN se sont uniquement tenues durant les huit années de gouvernement socialiste. En dépit des bonnes relations entre les deux pays, il s’est produit des moments de crise comme celle provoquée par la visite des rois d’Espagne à Ceuta et Melilla en novembre 2007, qui a déclencher avec le rappel de l’ambassadeur Omar Azziman pendant deux mois en guise de protestation.

Au retour du Parti populaire au gouvernement en 2011, uniquement deux RHN se sont tenues en 2012 et en 2015 et depuis, une seule réunion a été annoncée en décembre 2020, qui a été officiellement reportée pour cause de la Covid-19, mais avec la reconnaissance du Sahara occidental par le président des États-Unis, Donald Trump, comme toile de fond.

Minimiser les différences

La consolidation de l’Espagne en tant que premier partenaire commercial du Maroc et deuxième investisseur dans le pays, a favorisé un discours visant à réduire au minimum les différences, en mettant l’accent sur la croissance de l’interdépendance économique et en éludant les questions les plus épineuses des relations bilatérales. Leur acheminement, à la suite de la longue crise de 2001-2003, provenant entre autres causes de la tenue d’un pseudoréférendum au sein du Parlement d’Andalousie en faveur de l’autodétermination du Sahara, de problèmes découlant de l’immigration et du traitement des questions marocaines par la presse qui incommodait Rabat, a reposé sur un renforcement de la coopération en matière de sécurité à la suite des attentats de Casablanca (mai 2003) et de Madrid (mars 2004) et sur un tournant discursif, quant à la question du Sahara occidental. Ce qui a coïncidé avec un changement de gouvernement en Espagne plaisant davantage à Rabat, visant à devenir le meilleur avocat du Maroc devant l’UE, en agissant très souvent hors scène pour ne pas se heurter à une opinion espagnole pas toujours compréhensive. Le premier et le seul sommet bilatéral qui s’est tenu jusqu’à présent entre l’UE et le Maroc a eu lieu à Grenade en 2010, l’Espagne en étant le principal promoteur, dans le cadre du Statut avancé octroyé par l’UE au pays maghrébin, reconnu comme le « meilleur élève ».

La crise provoquée en 2005 en raison des tentatives de subsahariens de franchir en masse les clôtures frontalières de Melilla, s’est transformée en une occasion pour développer une coopération bilatérale et pour lancer des initiatives conjointes, comme la Conférence de Rabat (2006), où les deux pays ont défendu la nécessité d’aborder la question migratoire, dans le cadre d’une approche globale. Dès lors, la gestion des frontières est devenue un autre thermomètre sur l’état de santé des relations bilatérales, au-delà des déclarations officielles.

Dans les moments d’entente bilatérale, la portée des crises a été limitée. C’est ce qui s’est passé en 2007 en raison de la visite officielle des villes autonomes de Ceuta et Melilla par les rois d’Espagne, qui a coïncidé avec l’anniversaire de la Marche Verte – ce qui a compliqué encore plus les choses. Malgré l’appel à consultation de l’ambassadeur du Maroc à Madrid, la crise a été remise sur la bonne voie.

Le Sahara, le facteur d’interférence

Le principal facteur d’interférence dans les relations était et est aujourd’hui encore, comme la crise actuelle a mis en évidence, l’alignement de la position espagnole sur la question du Sahara occidental avec les résolutions de l’ONU, position que Rabat tente de modifier depuis 1976. Le déplacement de l’activisme sahraoui vers la société civile au sein du Sahara occidental pendant les années 2000, s’est converti en un élément de friction dans les relations bilatérales, dont les autorités espagnoles ont tenté de minimiser l’ampleur. Ni le refus d’autoriser l’accès au territoire à des élus et à des députés espagnols, ni la crise provoquée par l’expulsion à Lanzarote d’Aminatou Haidar en 2009, tentant de rentrer à Laâyoune en provenance de New York et s’inscrivant sur la fiche administrative de nationalité « sahraouie », n’ont pas fait surgir une crise diplomatique. Le retour à Laâyoune de la dirigeante sahraoui après une grève de la faim qui a provoqué un grand élan de solidarité parmi la société civile espagnole, a été précédé de deux communiqués de la part des diplomaties française et espagnole reconnaissant que la « loi qui règne dans le territoire du Sahara occidental est la loi marocaine ».

Lorsque les autorités marocaines ont démantelé violemment le camp sahraoui de Gdeim Izik, près de Laâyoune en novembre 2010, le malaise des autorités marocaines a été canalisé contre la couverture médiatique donnée par les médias espagnols et, surtout, contre le principal parti de l’opposition, le Parti populaire. Le gouvernement marocain lui a attribué la responsabilité de l’approbation par le Parlement européen d’une résolution réclamant une enquête internationale sur ce qui c’était passé à Gdeim Izik et il a pris la tête d’une grande manifestation de protestation organisée à Casablanca, contre ce qu’il considérait une politique anti-marocaine du parti conservateur.

Les ‘printemps arabes’

Bien que le Parlement marocain soit arrivé à demander une « réévaluation globale des relations avec l’Espagne », la situation de fragilité interne provoquée au Maroc par les mobilisations du mouvement du « 20 février » a détourné la question du Sahara du centre de l’agenda en 2011. Le ferme soutien du gouvernement socialiste à la réponse de Mohammed VI, déclarant que les réformes demandées avaient été entreprises par le souverain dès son accession au trône, ainsi que l’appui au processus d’élaboration et d’approbation d’une nouvelle Constitution, ont contribué au rétablissement de la confiance.

L’arrivée au pouvoir du Parti populaire, fin 2011, n’a même pas eu un impact sur les relations car, à ce moment-là, le souverain avait besoin du soutien international pour sa gestion du Printemps arabe. Cette volonté était reflétée par les paroles dédiées à l’Espagne par Mohammed VI dans son discours du trône de juillet 2012, faisant appel à la convergence d’intérêts et à la création d’un espace de prospérité partagée : « Nous nous réjouissons des relations historiques profondes entre le Maroc et notre voisine l’Espagne, ainsi que des larges perspectives qui s’ouvrent pour nos deux pays, confortés par les liens solides qui nous unissent à Sa Majesté le Roi Juan Carlos I et les relations historiques liant les deux familles royales dans les deux pays voisins ».

Ce climat d’entente était également exprimé dans les déclarations adoptées lors de la Xème RHN (octobre 2012) et elles ont servi de véritable feuille de route rénovée pour la consolidation et le renforcement d’une association stratégique entre les deux pays, à l’occasion du vingtième anniversaire de la signature du Traité d’Amitié. Ce climat était favorisé par des déclarations préalables comme celles du ministre des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo, au journal El País en janvier 2012 sur l’appui de l’Espagne à une « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable » pour les parties, sans toutefois mentionner, de la part du gouvernement espagnol, la façon dont les parties entendaient devoir exercer le droit d’autodétermination.

Certains observateurs ont qualifié d’excessivement prudente la politique des derniers gouvernements espagnols vis-à-vis du Maroc, pour éviter toute éventuelle irritation pouvant compromettre la coopération dans la lutte contre l’immigration irrégulière et le terrorisme. Cette autolimitation expliquerait les réticences à soutenir la demande des autorités de Ceuta et Melilla, pour que les deux villes s’intègrent dans l’Union douanière ou le refus que l’agence européenne de contrôle des frontières (Frontex) collabore avec les forces de sécurité espagnoles au contrôle des frontières. C’est dans le même esprit d’éviter des confrontations et d’éventuelles représailles de la part du Maroc qu’il faut placer la décision prise de ne pas inclure les deux villes autonomes lors des tournées des rois d’Espagne après l’intronisation de Felipe VI en 2014, ou de celle organisée après la fin du confinement en juin 2020.

Des comportements qui auraient pu provoquer au Maroc une sensation de domination des relations qui expliquerait la décision unilatérale en août 2018 de la fermeture de la douane commerciale du poste frontière de Beni Enzar à Melilla, empêchant le passage des marchandises et obligeant à ce que les transactions commerciales entre la ville autonome et le Maroc qui, jusqu’à présent, se faisaient par cette frontière, se fassent à travers le port de Nador.

Gestation de la crise actuelle

D’autres interprétations de cette mesure seraient possibles, comme celle d’une mesure s’inscrivant dans le cadre d’une nouvelle stratégie vers le nord du pays, qui avait subi un fort impact de la crise des manifestations du Hirak à Al Hoceïma en 2016 qui s’étaient terminées par une dure répression contre les activistes et les manifestants, ou comme un premier avertissement du Maroc vis-à-vis de l’arrivée imprévue à La Moncloa du PSOE, après la motion de censure réussie en mai 2018, avec l’appui de Unidas Podemos et d’Esquerra Republicana de Cataluña, partis extrêmement critiques envers la position marocaine sur le Sahara occidental et envers la gestion des autorités marocaines de la crise du Rif.

Le nouveau président du gouvernement socialiste, Pedro Sánchez n’a pas visité Rabat lors de son premier voyage à l’étranger comme le faisaient, traditionnellement, les présidents espagnols depuis Felipe González. Sánchez a différé de six mois son voyage alors qu’il s’était déjà réuni avec Emmanuel Macron, Angela Merkel et António Costa dans leur pays et qu’il s’était rendu trois fois à Bruxelles. Les raisons exprimées par La Moncloa pour rompre cette tradition étaient que le gouvernement marocain avait prétexté l’absence de Mohammed VI du pays.

Mais la méfiance marocaine à l’égard de Sánchez pourrait être antérieure car, en novembre 2011, il a été l’un des cinq observateurs du National Democratic Institute à signer un rapport sur les élections marocaines qui avaient eu lieu à ce moment-là, ce qui n’avait pas spécialement plu à Rabat. Tout comme n’avaient pas plu les alliances établies par le président Sánchez pour parvenir à son investiture, des alliances contraires, dans une large mesure, à la politique de modération avec le Maroc.

Ce n’était pas la première fois que le Maroc voyait avec méfiance l’arrivée de nouveaux locataires à La Moncloa. Les changements de gouvernement en Espagne ont toujours été matière à préoccupation au Maroc, par crainte que les relations bilatérales puissent être affectées par des questions comme le Sahara. En 1982, des mesures de prévention à l’égard de González avaient été prises, même si Fernando Morán avait préparé le terrain pour instaurer la confiance, en publiant divers articles dans le journal Al Alam à l’invitation de son directeur, l’hispaniste istiqlalien Larbi Messari. Sánchez n’avait pas eu le temps de préparer le terrain et une fois arrivé à La Moncloa, il a négligé ce point vital pour la politique étrangère espagnole.

La fermeture de la douane de Melilla constituait, sans aucun doute, un de ces gestes ou de ces moyens de pression exercés par le Maroc envers l’Espagne et qui ont été, depuis l’indépendance, son travail habituel dans les relations avec notre pays. Des moyens de pression qui ne cachent pas la revendication sur ces deux villes espagnoles et qui sont comme des mises en garde à l’adresse des politiques ou des gestes de l’Espagne vers son pays.

Suite aux élections générales en Espagne en décembre 2019, les craintes du Maroc augmentaient après la formation d’un gouvernement de coalition entre le PSOE et Unidas Podemos, un parti s’opposant ouvertement à la présence du Maroc au Sahara occidental et fervent partisan de l’autodétermination du territoire.

Un premier test pour prendre la mesure du nouveau gouvernement de coalition a été fait la veille de la visite de la ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, à Rabat qui, en suivant la tradition de ses prédécesseurs, avait choisi le Maroc comme destination de son premier voyage à l’étranger. Avant son arrivée, le Parlement marocain ratifiait la décision adoptée par le gouvernement d’inclure, dans les eaux territoriales marocaines, celles du Sahara occidental, tout en établissant une zone économique exclusive de 200 milles et en élargissant la plateforme continentale face aux côtes du Sahara occidental jusqu’à 350 kilomètres.

Dissiper la méfiance

Bien que cette décision s’inscrive dans le contexte d’une nouvelle offensive marocaine pour consolider la marocanité du Sahara occidental qui s’était accompagnée de l’ouverture de consulats étrangers à Laâyoune et Dakhla, le Maroc prétendait mesurer les positions du nouveau gouvernement de coalition envers lui. La suspicion provenait des positions défendues par UP dans son programme électoral et dans ses initiatives parlementaires, bien que celles-ci n’aient pas été reprises dans l’accord de gouvernement souscrit par les deux partis. UP soutenait la mise en oeuvre de la sentence de la Cour de justice de l’Union européenne sur les ressources naturelles du Sahara occidental, défendait l’établissement de relations diplomatiques de haut niveau avec la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et se montrait partisan de l’élargissement du mandat de la MINURSO aux droits de l’Homme. Ce parti avait en outre exprimé sa solidarité à l’égard du Hirak du Rif. Irene Montero, qui assumait le portefeuille ministériel de l’Égalité, avait reçu en avril 2018, lorsqu’elle était la porte-parole du parti, le père du leader du mouvement, Nasser Zefzafi, condamné à 20 ans de prison à Casablanca.

Lors de sa visite à Rabat en janvier 2020, González Laya a tenté de dissiper cette méfiance, en insistant sur le fait que les relations avec le Maroc étaient une « priorité pour l’Espagne », qui ne se modifiait pas avec les changements de gouvernement ou avec des gouvernements de coalition et que l’accord souscrit par les deux partis ne remettait pas en cause la position espagnole sur la question du Sahara occidental. Tout comme l’avait fait le président Sánchez lors de son intervention devant l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2019, la ministre réaffirmait que la position de l’Espagne était toujours celle de soutenir la centralité des Nations unies et le secrétaire général, pour obtenir une solution politique, sans mentionner le droit d’autodétermination, contrairement à ce qui était repris dans le programme électoral d’Unidas Podemos.

Mais ces déclarations ne dissipaient pas la méfiance de Rabat, alimentée par les actions de certains membres du gouvernement appartenant à UP, commel’accueil d’une délégation sahraouie dans le bureau officiel du secrétaire d’État chargé des droits sociaux, Nacho Álvarez, en février 2020. L’éloignement s’est creusé pendant la pandémie. La situation d’urgence sanitaire a été la raison invoquée par le Maroc pour justifier la fermeture des frontières terrestres et l’annulation de l’opération Marhaba en 2020, pour le retour des émigrés marocains par les ports espagnols.

Mais c’est la position espagnole sur le Sahara occidental qui a aggravé l’éloignement bilatéral. Malgré la réaffirmation de la position traditionnelle du ministère des Affaires étrangères sur la question, lorsque le Front polisario annonça la fin du cessez-le-feu et le retour à l’état de guerre en novembre 2020, les craintes marocaines n’ont pas cessé. Le tweet publié par le leader d’Unidas Podemos et deuxième vice-président du gouvernement, Pablo Iglesias, réitérant son soutien pour la tenue d’un référendum d’autodétermination, fit monter la colère de Rabat, visible au moment de l’arrivée massive de migrants en pirogues aux îles Canaries.

Le facteur de déclenchement

Cependant, c’est la décision du 10 décembre 2020 du président Trump reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, qui a intensifié les pressions sur l’Espagne et sur d’autres pays européens comme l’Allemagne, pour qu’ils modifient leur position dans ce domaine, en sortant, selon les paroles du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, de leur « zone de confort ». Les déclarations de González Laya affirmant que la solution au problème du Sahara occidental « ne dépendait pas de la volonté ou d’une action unilatérale d’un pays, aussi grand soit-il » mais que « le centre de gravité se trouve à l’ONU », ont refroidit les relations et provoqué le report de la RHN, dont la tenue était prévue ce mois-là.

Dans ce contexte, la décision du gouvernement de fournir une assistance médicale en Espagne au chef du Front polisario, sans en informer Rabat auparavant, avait été interprétée comme un affront, qui reflétait l’ambigüité du gouvernement espagnol de coalition à un moment où le Maroc observait avec inquiétude le silence de la nouvelle administration américaine sur la question. L’utilisation de migrants mineurs marocains comme arme diplomatique pour imposer un changement de la position espagnole, ne comptait pas sur le soutien que Madrid allait recevoir de ses partenaires européens, sur un sujet qui a une dimension relevant de la politique interne dans les différents pays. Rabat, prenant conscience du préjudice pour sa réputation et son image qu’il était en train de subir, a essayé de bilatéraliser la crise avec l’Espagne, qu’il accuse de vouloir européaniser (résolution concernant les mineurs) un problème bilatéral que Rabat veut circonscrire autour de la question du Sahara.

En demandant quelque chose que ni le gouvernement actuel espagnol, ni les équilibres politiques d’un Parlement fragmenté ne peuvent donner, la crise risque de se creuser, contribuant ainsi à son instrumentalisation politique dans les deux pays et à la détérioration de l’entente mutuelle. La sortie de la crise doit être assortie d’une réflexion conjointe sans tabous sur les erreurs commises par les deux parties et sur comment poser les bases d’un voisinage rénové qui devra nécessairement inclure des aspects politiques, comme la démocratie et l’État de droit.

Bernabé López García, professeur honoraire d’Études arabes et islamiques, Université autonome de Madrid.
Miguel Hernando de Larramendi, professeur d’Études arabes et islamiques, Université de Castille-la-Manche.